[CRITIQUE] : I Care a Lot
Réalisateur : J Blakeson
Avec : Rosamund Pike, Eiza Gonzalez, Dianne Wiest, Peter Dinklage, Chris Messina,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h58min
Synopsis :
Marla Grayson est une tutrice réputée spécialisée auprès d'individus âgés et riches. Aux dépens de ces derniers, elle mène une vie de luxe. Mais sa prochaine victime s'avère avoir de dangereux secrets. Marla va devoir utiliser son esprit et sa ruse si elle souhaite rester en vie...
Critique :
Il y a quelque d'infiniment frustrant au coeur de cette pandémie du Covid-19 et de la fermeture (excessive ?) des salles obscures hexagonales, dans le fait de devoir découvrir des films potentiellement importants, autant dans l'histoire qu'ils véhiculent que par le talent certain des artisans qui l'animent, non pas en salles mais directement sur nos écrans de télévisions, qui plus est via une sortie tellement discrète que s'en est presque indécent.
Attendu comme ce qui pouvait être un pur candidat aux statuettes dorées, I Care a Lot de J Blakeson, à l'exploitation obscure (il était il y a encore quelques jours, censé être logiquement dégainé en salles par Metropolitan FilmExport) devra injustement se contenter d'une distribution dans l'anonymat par chez nous, balancé timidement sur Netflix au coeur d'un premier trimestre ciné 2021 qui aurait pu/dû être plus passionnant à suivre.
Divertissement savoureusement macabre et cynique, sorte de fusion improbable entre l'humour noir bizarre des frangins Coen et la froideur clinique - et même parfois cruelle - de Soderbergh, clouée aux basques d'une prédatrice/parasite effrayante et horriblement cupide; le film, qui réussit l'équilibre complexe entre le divertissement mordant et viscéral et thriller dramatico-stimulant, suit Marla Grayson, une tutrice juridique professionnelle qui ne se laisse pas intimider par les directives éthiques tant qu'elle peut écumer quelques dollars supplémentaires à ses clients vieillissants.
Encapsulation satirique du capitalisme américain détraqué - et de la négligence humaine en son coeur -, fabriquée dans le même moule du Lou Bloom de Night Call avec qui elle partage la passion pour trouver le profit là où le commun des mortels ne voient que la douleur, elle a amassé un petit empire sur le dos d'âmes sans défenses; une lionne comme elle aime se surnommer, beaucoup de gens qui font fortune grâce à la misère des autres, elle est loin d'être contrite par la cruauté de ses manœuvres professionnelles.
Elle soudoie des médecins pour qu'ils donnent de faux diagnostics de démence à des patients âgés aisés sans proches pour les soutenir, dits médecins demandant alors d'urgence une ordonnance au tribunal pour placer ces personne - souvent - horrifiées sous la " tendre " garde de Marla, en tant que tutrice nommée par l'État et chargée également de leurs finances.
Alors que la victime est sous médicalisation et emprisonnée dans une maison de soins, sans visite autorisée, Marla a le droit de vider leur compte bancaire et de vendre leurs actifs pour payer les factures gonflées par la maison de retraite dans laquelle elle possède des actions - tout en prenant une belle somme au passage.
Mais l'abondance n'est jamais suffisante pour une femme d'affaires affamée et (trop) confiante d'elle-même comme Marla, tirant inlassablement sur sa cigarette électronique, et elle va s'attaquer sur un gros poisson en la personne de Jennifer Peterson, une sexagénaire richissime qui commence à montrer des signes précoces de démence.
En l'absence de famille proche pour revendiquer la responsabilité de ses soins, Marla va tenter d'extraire la valeur monétaire de ses actifs, avant de réaliser qu'elle a peut-être sous-estimé le pouvoir de défense de sa proie...
Satire inspirée et débordante de générosité, qui souffre pourtant un brin des mêmes travers que la première réalisation de Blakeson, La Disparition d'Alice Creed (une sorte de déconnexion entre un complot central malin et une galerie de personnages colorés trop imposante, à la caractérisation déséquilibrée - seul Dinklage et Wiest se démarque vraiment), I Care a Lot a un vrai as dans sa manche en la personne solaire de Rosamund Pike (que tous ceux qui souhaitait retrouver le scintillement diabolique et sournois aperçu dans ses yeux dans Gone Girl peuvent se réjouir : il n'a rien perdu de son mordant même sept ans après), plus en forme que jamais et naviguant avec agilité dans le champ de mines tonales qu'incarne cette critique plaisante et embaumée de souffre, du capitalisme et de la notion de pouvoir.
Hitchcockienne en diable (plus encore qu'Amy Dunne), elle incarne une vraie vitrine de pure méchanceté qui prend toute sa grandeur macabre lors d'une scène clé - sa première confrontation avec Mme Peterson.
Une séquence éprouvante et irritante (car cela pourrait être nos parents, nos grands-parents,...) filmée en temps réel ou avec son ordonnance du tribunal et son sourire faussement bienveillant, elle fait passer sa proie par tous les sentiments possibles (déconcertée, amusée, indignée, effrayée et animée par l'énergie du désespoir de croire que si elle se soumet, cette erreur sera corrigée au plus vite) avec un sadisme incroyable.
Comédie délicieusement noire et vénéneuse autant que thriller à suspense élégant et subtilement féministe (prouvant que les femmes ont autant si ce n'est plus, de sang-froid que les hommes), I Care a Lot est totalement voué à une Rosamund Pike qui est si efficace dans sa cruauté diabolique, que vous pourrez à peine détourner les yeux de son aura aussi amorale que vicieuse.
Une anti-héroïne tellement imperturbable (même quand sa vie est en jeu) et antipathique quelle force plus l'admiration que l'indignation, c'est dire le tour de force opéré par la comédienne, dans ce qui est sans doute sa plus belle performance à ce jour.
Jonathan Chevrier
Avec : Rosamund Pike, Eiza Gonzalez, Dianne Wiest, Peter Dinklage, Chris Messina,...
Distributeur : Netflix France
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h58min
Synopsis :
Marla Grayson est une tutrice réputée spécialisée auprès d'individus âgés et riches. Aux dépens de ces derniers, elle mène une vie de luxe. Mais sa prochaine victime s'avère avoir de dangereux secrets. Marla va devoir utiliser son esprit et sa ruse si elle souhaite rester en vie...
Critique :
#ICareALot ou une encapsulation satirique et savoureusement cynique du capitalisme détraqué, sorte de fusion improbable entre l'humour noir bizarre des Coen et la froideur clinique de Soderbergh, clouée aux basques d'une Pike prédatrice/parasite effrayante et horriblement cupide. pic.twitter.com/rsacqzY5lj
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) February 19, 2021
Il y a quelque d'infiniment frustrant au coeur de cette pandémie du Covid-19 et de la fermeture (excessive ?) des salles obscures hexagonales, dans le fait de devoir découvrir des films potentiellement importants, autant dans l'histoire qu'ils véhiculent que par le talent certain des artisans qui l'animent, non pas en salles mais directement sur nos écrans de télévisions, qui plus est via une sortie tellement discrète que s'en est presque indécent.
Attendu comme ce qui pouvait être un pur candidat aux statuettes dorées, I Care a Lot de J Blakeson, à l'exploitation obscure (il était il y a encore quelques jours, censé être logiquement dégainé en salles par Metropolitan FilmExport) devra injustement se contenter d'une distribution dans l'anonymat par chez nous, balancé timidement sur Netflix au coeur d'un premier trimestre ciné 2021 qui aurait pu/dû être plus passionnant à suivre.
Copyright Seacia Pavao/Netflix |
Divertissement savoureusement macabre et cynique, sorte de fusion improbable entre l'humour noir bizarre des frangins Coen et la froideur clinique - et même parfois cruelle - de Soderbergh, clouée aux basques d'une prédatrice/parasite effrayante et horriblement cupide; le film, qui réussit l'équilibre complexe entre le divertissement mordant et viscéral et thriller dramatico-stimulant, suit Marla Grayson, une tutrice juridique professionnelle qui ne se laisse pas intimider par les directives éthiques tant qu'elle peut écumer quelques dollars supplémentaires à ses clients vieillissants.
Encapsulation satirique du capitalisme américain détraqué - et de la négligence humaine en son coeur -, fabriquée dans le même moule du Lou Bloom de Night Call avec qui elle partage la passion pour trouver le profit là où le commun des mortels ne voient que la douleur, elle a amassé un petit empire sur le dos d'âmes sans défenses; une lionne comme elle aime se surnommer, beaucoup de gens qui font fortune grâce à la misère des autres, elle est loin d'être contrite par la cruauté de ses manœuvres professionnelles.
Elle soudoie des médecins pour qu'ils donnent de faux diagnostics de démence à des patients âgés aisés sans proches pour les soutenir, dits médecins demandant alors d'urgence une ordonnance au tribunal pour placer ces personne - souvent - horrifiées sous la " tendre " garde de Marla, en tant que tutrice nommée par l'État et chargée également de leurs finances.
Alors que la victime est sous médicalisation et emprisonnée dans une maison de soins, sans visite autorisée, Marla a le droit de vider leur compte bancaire et de vendre leurs actifs pour payer les factures gonflées par la maison de retraite dans laquelle elle possède des actions - tout en prenant une belle somme au passage.
Copyright Seacia Pavao/Netflix |
Mais l'abondance n'est jamais suffisante pour une femme d'affaires affamée et (trop) confiante d'elle-même comme Marla, tirant inlassablement sur sa cigarette électronique, et elle va s'attaquer sur un gros poisson en la personne de Jennifer Peterson, une sexagénaire richissime qui commence à montrer des signes précoces de démence.
En l'absence de famille proche pour revendiquer la responsabilité de ses soins, Marla va tenter d'extraire la valeur monétaire de ses actifs, avant de réaliser qu'elle a peut-être sous-estimé le pouvoir de défense de sa proie...
Satire inspirée et débordante de générosité, qui souffre pourtant un brin des mêmes travers que la première réalisation de Blakeson, La Disparition d'Alice Creed (une sorte de déconnexion entre un complot central malin et une galerie de personnages colorés trop imposante, à la caractérisation déséquilibrée - seul Dinklage et Wiest se démarque vraiment), I Care a Lot a un vrai as dans sa manche en la personne solaire de Rosamund Pike (que tous ceux qui souhaitait retrouver le scintillement diabolique et sournois aperçu dans ses yeux dans Gone Girl peuvent se réjouir : il n'a rien perdu de son mordant même sept ans après), plus en forme que jamais et naviguant avec agilité dans le champ de mines tonales qu'incarne cette critique plaisante et embaumée de souffre, du capitalisme et de la notion de pouvoir.
Hitchcockienne en diable (plus encore qu'Amy Dunne), elle incarne une vraie vitrine de pure méchanceté qui prend toute sa grandeur macabre lors d'une scène clé - sa première confrontation avec Mme Peterson.
Une séquence éprouvante et irritante (car cela pourrait être nos parents, nos grands-parents,...) filmée en temps réel ou avec son ordonnance du tribunal et son sourire faussement bienveillant, elle fait passer sa proie par tous les sentiments possibles (déconcertée, amusée, indignée, effrayée et animée par l'énergie du désespoir de croire que si elle se soumet, cette erreur sera corrigée au plus vite) avec un sadisme incroyable.
Copyright Seacia Pavao/Netflix |
Comédie délicieusement noire et vénéneuse autant que thriller à suspense élégant et subtilement féministe (prouvant que les femmes ont autant si ce n'est plus, de sang-froid que les hommes), I Care a Lot est totalement voué à une Rosamund Pike qui est si efficace dans sa cruauté diabolique, que vous pourrez à peine détourner les yeux de son aura aussi amorale que vicieuse.
Une anti-héroïne tellement imperturbable (même quand sa vie est en jeu) et antipathique quelle force plus l'admiration que l'indignation, c'est dire le tour de force opéré par la comédienne, dans ce qui est sans doute sa plus belle performance à ce jour.
Jonathan Chevrier