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[CRITIQUE] : Bebia, à mon seul désir

Réalisatrice : Juju Dobrachkous
Avec : Anastasia Davidson, Anushka Andronikashvili, Guliko Gurgenidze, Alexander Glurjidze, Ana Chiradze, Anastasia Chanturaia, Giga Datiashvili, ...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame, Fantastique
Nationalité : Géorgien, Britannique
Durée : 1h57min

Synopsis :
A la suite du décès de sa grand-mère (Bebia), une jeune mannequin géorgienne de 17 ans retourne dans son village natal. Après des retrouvailles compliquées avec sa mère, la jeune fille apprend qu'elle doit effectuer un rituel ancien en tant que dernière de la famille...


Critique :


Juju Dobrachkous fait ses débuts au cinéma avec Bebia, à mon seul désir, présenté dans la section Tiger du Festival du Rotterdam. Autrice et peintresse russe, elle vit à Londres et a signé dernièrement le scénario du court métrage Mama - Saint Sebastian réalisé par Alexander Mercury, où elle est repartie avec un prix au Festival de Saint Anne en Russie. Dans Bebia, elle met en image des souvenirs de son enfance et offre un questionnement sur l’impact de la mort sur les vivants.
Ariadna, adolescente de dix-sept ans, vit seule loin de sa famille géorgienne. Elle est mannequin et défile sur les podiums. Un coup de fil l’oblige à rentrer pendant un temps dans son village natal. Sa grand-mère, Bebia, vient de mourir. Rythmé par des passages de flash-back et du moment présent, Bebia, à mon seul désir nous fait vite comprendre les relations tendues qu’entretenait l'héroïne avec sa grand-mère et qu’elle entretient toujours avec sa mère, divorcée et amère. Non contente de devoir supporter les traditions de veille et de deuil de sa famille, elle apprend également qu’elle doit accomplir un rituel bien particulier, étant la plus jeune du clan. Une tradition ancienne, se référant au mythe grec du fil d’Ariane. Ariadna doit alors tirer un fil pour reconnecter l’âme de sa grand-mère à son corps, du lieu de sa mort jusqu’à l’endroit où se trouve sa dépouille. Avec l’aide d’un ami de la famille, taiseux et ambiguë, Temo, elle parcourt les vingt-cinq kilomètres qui séparent l’hôpital de sa maison, au travers des plaines géorgiennes. Ce périple, effectué d’abord à contrecœur, est aussi l’occasion pour elle de se reconnecter à sa famille, à son pays, qu’elle a voulu fuir après une enfance difficile. Enfance où elle a eu l’impression de n’être jamais la bienvenue auprès de ses parents et de sa grand-mère. 

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Bebia, à mon seul désir est un film opaque, qui demande un effort conséquent au spectateur pour dérouler le fil du récit. Nous avons l’impression que Juju Drobachkous est si occupée à se replonger dans ses souvenirs d’enfance qu’elle en oublie d'ouvrir la porte au public, pourtant désireux de comprendre le tumulte intérieur de Ariadna. Va-et-vient entre le passé et le présent, le film ne rentre pas dans les détails et reste malheureusement en surface, tel un puzzle où il manquerait des pièces. Même si on sent un désir de connexion de la réalisatrice, un besoin de partage, elle ne rend pas les choses faciles. Comme son héroïne principale, en lutte constante contre les membres de sa famille, le spectateur doit lutter contre l’envie d’abandonner la bataille. Parfois, nos efforts sont récompensés par une scène de toute beauté, magnifiée par la photographie de Veronika Solovyova. Le noir et blanc de l’image donne un ton élégant et une atmosphère poétique, où les paysages de la Géorgie prennent les contours d’une peinture vivante. Le pays devient un élément organique du film, un endroit où la nature reprend ses droits sur les humains, d’une simplicité presque effarante. Une personne meurt, une personne naît, trouvant un équilibre dont la jeune fille a terriblement besoin.

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Le titre du film est intéressant à analyser. “À mon seul désir” peut faire référence à l’inscription sur une tapisserie médiévale, La dame à la Licorne, exposée au Musée de Cluny à Paris. Présentant six sens au lieu de cinq, les historiens ont longtemps planché sur ce sixième sens, avant d’arriver à une interprétation. “A l’époque médiévale, la théorie du sixième sens est celle du sens du cœur. Le cœur étant entendu à la fois dans le sens d’amour humain, y compris charnel, mais aussi dans son sens philosophique. Pour s’ouvrir, ce sens passe par l’ouverture du cœur", explique l’historienne Elisabeth Taburet-Delahaye. Bebia, à mon seul désir devient alors une quête de ce sixième sens pour Ariadna. Après avoir affronté le Minotaure (sa grand-mère), elle doit maintenant sortir du labyrinthe de son enfance pour vivre enfin le moment présent. Et arrêter de fuir. 


Laura Enjolvy