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[CRITIQUE] : L’Exorciste selon William Friedkin


Réalisateur : Alexandre O. Philippe
Avec : William Friedkin
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Américain
Durée : 1h45min

Synopsis :
À la fois lyrique et spi­ri­tuel, ce docu­men­taire sur L’Exorciste nous plonge dans les pro­fon­deurs inex­plo­rées de la repré­sen­ta­tion men­tale de William Fried­kin, mais aus­si dans les arcanes du tour­nage du film et les mys­tères de la foi et du des­tin qui ont façon­né la vie et l’œuvre du cinéaste.


Critique :

En 1973, alors que de nouveaux réalisateurs prennent le pouvoir à Hollywood, William Friedkin se place en pôle position de cette nouvelle vague de talent, qu’on appelle le Nouvel Hollywood. Après sa consécration aux Oscars de 1972 (le prix du meilleur réalisateur) pour son film The French Connection, il sort L’Exorciste, adaptation du roman éponyme écrit par William Peter Blatty, qui signe lui-même le scénario. Considéré comme l’un des films d’horreur les plus rentables de l’histoire, le film tient également une place à part chez de nombreux cinéphiles de l’époque, comme un premier frisson indescriptible et tenace. Comment réalise-t-on un film de ce genre ? C’est un peu LA question que l’on voudrait poser aux grand.e.s réalisateur.trice.s. Le documentaliste Alexandre O. Philippe en a fait sa marque de fabrique. The people VS George Lucas revenait sur le lien amour/haine qu’entretient le réalisateur avec les fans de Star Wars. 78/52, sur la scène culte de Psychose. Memory- the origins of Alien, sur le chef-d'œuvre de Ridley Scott. Sobrement intitulé L’Exorciste selon William Friedkin, le cinéaste nous invite dans la tête de Friedkin, sur le tournage du film et sur la symbolique de la foi, du destin, qui parsème L’Exorciste, mais aussi l'œuvre entière du réalisateur.

Copyright UFO Distribution

Le documentaire surprend par son format épuré. Peu de documents d’archives, à part des séquences de films et un seul interlocuteur, William Friedkin lui-même. Il n’est donc pas question de s’éparpiller en témoignage à l’honneur du cinéaste, fait par des ami.e.s ou des collaborateur.trice.s. Ce sera uniquement une discussion exhaustive sur l'œuvre, passée au scanner du temps après quarante-huit ans. Avec décontraction, à l’opposé du luxueux endroit où sont filmés ses plans, Friedkin nous parle de l’époque où il a lu pour la première fois le roman et comment il s’est retrouvé à réaliser son adaptation. Le début du documentaire est consacré à la genèse et à son combat pour garder la séquence en Irak, prologue qui devait sauter à la demande de la production. Néanmoins, il était essentiel pour lui de démarrer le film là-dessus, pour créer le mystère et poser une atmosphère. L’atmosphère était un élément primordial pour le jeune réalisateur de l’époque, dont les influences, picturales et cinématographiques étaient marquées. Dreyer, Hitchcock, Welles pour le cinéma. Magritte, Caravage, Vermeer pour la peinture. Il nous confie qu’il avait une vision très claire, qu’il savait où il allait et qu’il a tout fait pour arriver à ses fins. Une arrogance qui a payé.

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C’est cette volonté de faire de L’Exorciste un film d’horreur réaliste, malgré l’histoire éculée et peut-être risible de possession, qui en fait une œuvre intemporelle et permet l’ancrage d’une dimension plus mystique. Cette volonté est allée loin parfois, jusqu’à la violence physique pour obtenir une performance d’acteur. Il nous confie son regret d’avoir dépassé la limite, tout en insinuant qu’il a fait ce qu’il fallait pour le bien du film. Avec un regard acéré et une conviction accrue, il a géré aussi bien les changements de castings imprévus, que les aléas de la conception de la bande originale. Jeune cinéaste, il a dû se confronter aux grands noms de la musique de film (Bernard Herrmann, rien que ça), pour garder son idée d’une musique discrète et diffuse, plutôt qu’une partition tonitruante, guidant les émotions des spectateurs. “La spontanéité m'intéresse plus que la perfection” confie-t-il aux caméras de Alexandre O. Philippe, presque amusé par son audace d’il y a quarante-huit ans.

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Mais parce que la beauté du cinéma fait qu’on ne peut pas tout expliquer, Friedkin s’épanche également sur ce qu’il lui échappe toujours, malgré les années. Il laisse la place aux questionnements, sur des scènes qu’il est incapable d’expliquer. Il se rappelle des mots de Fritz Lang “la confiance du somnambule”, quand il nous parle d’éléments mystérieux qui ponctuent le film (le médaillon, la fin, …) et de sa passion pour le destin, qui ne cesse de l’étonner. Ces éléments indescriptibles font de L’Exorciste une œuvre fascinante à revoir et à analyser. L’Exorciste selon William Friedkin est une discussion dense, passionnante pour les cinéphiles et les aficionados du film, tout en gardant l’aura d’un mystère intact, celui de la conception d’un long métrage intemporel. Que ce soit la confiance d’un cinéaste, de bon.ne.s acteur.trice.s, d’excellent.e.s technicien.ne.s ou juste le destin, l’art ne s’explique pas toujours. C’est ce qui le rend terriblement exaltant.


Laura Enjolvy