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[SƎANCES FANTASTIQUES] : #47. War of The Worlds

© 2005 Paramount Pictures. All rights reserved.

Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !


#47. La Guerre des Mondes de Steven Spielberg (2005)

D'une manière involontairement symbolique, le passage aux années 2000 avait prouvé de façon étonnante, que ce bon vieux Steven Spielberg avait changé, comme si le fait de terminer le songe cinématographique de son défunt ami Stanley Kubrick, A.I., avait provoqué quelque chose en lui.
Une sorte de désir sincère de s'attaquer à un cinéma plus adulte et en phase avec son époque, de jouer la carte du divertissement populaire visionnaire - comme Kubrick et l'aîné des Scott - sans pour autant renier son statut d'entertainer brillant.
Si A.I. avait enclenché cette envie, c'est véritablement Minority Report, adaptation directe d'une nouvelle de Philip K. Dick qui entérinera ce virage, comme si toucher à l'oeuvre de l'un des auteurs SF les plus imposants, était une manière pour lui de se légitimer - et qu'elle légitimation -; avant de laisser exploser tout ce qu'il avait dans ses tripes dans une nouvelle adaptation du totem de la SF : La Guerre des Mondes de H.G. Wells, pour ce qui sera l'un des plus grands blockbusters de ses vingt dernières années.

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S'il avait tendrement pris par la main son spectateur par le passé, en lui présentant des êtres venus d'ailleurs on ne peut plus bienveillant (coucou Rencontre du Troisième Type et E.T. : l'extraterrestre), cette fois-ci, il le jete sans sourciller dans un grand huit terrifiant et à l'arraché, ou le spectateur fait totalement corps avec ce qu'il voit.
Si jusqu'ici, son cinéma était avant tout des expériences visuelles nourrissant abondamment nos imaginaires, son passage du côté obscur de la SF lui a définitivement permis de rendre ses films avant tout et surtout sensorielle voire même incroyablement physique, entre une mise en scène intense à la lisière du documentaire, et une précision technique mathématique confinant à la perfection.
Mieux, Steven Spielberg n'a plus peur de faire... peur, déclinant le micro-traumatisme du T-rex de Jurassic Park sur une pluie de sursauts traumatiques à la cruauté jamais masqué, le cinéaste embrassant à pleine bouche toute l'aura cauchemardesque de son récit, à la terreur bien réelle (la première sortie des tripodes avec un Cruise couvert de cendres humaines, la rivière brassant son flot de cadavres devant Dakota Fanning, un train en flammes transperçant l'obscurité,...).

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Totalement voué à son oeuvre, entre une mise en scène Hitchcockienne (qui met constamment en valeur l'inconnu et le hors-champ) et des choix narratifs iconoclastes (l'arrivée des tripodes et, surtout, la scène du sous-sol et son combat iconico-tragique), chacun des plans plaqués sur la pellicule est une merveille de composition avisée, comme si Spielby s'échinait à faire de son film une symphonie hallucinée et hallucinante, transcendée par la partition d'un John Williams et un montage aérien et complexe.
Mais ce qui fascine à la vision de La Guerre des Mondes, c'est sans doute, tout comme Minority Report d'ailleurs avec lequel il partage une pluie de points communs, c'est sa volonté de ne jamais vraiment offrir un happy-end clair et limpide, tant sa grille de lecture ambiguë implique également une vision résolument plus tragique qu'elle le laisse entendre.
Si Minority Report pouvait décemment laisser penser que le final n'était qu'un songe carcéral de John Anderton, celui-ci laisse subtilement penser que Ray Ferrier n'a pas forcément retrouvé son fils vivant (punissant dès lors un choix pourtant sain : privilégier de sauver sa fille sans défense à un fils en partie dans l'âge adulte); deux versants d'une parentalité coupable (c'est en perdant de vue leurs fils, qu'ils sont punis et qu'ils les perdront pour toujours), mais aussi deux grilles de lectures sombres et pessimistes (que l'on peut aussi voir dans l'évolution de Ray, qui n'est plus égoïste pour sa personne, mais pour sa famille, même s'il en semble toujours exclu à la fin) collant subtilement au ton sérieux et sentencieux que Spielberg transcendra dans son chef-d'oeuvre suivant, Munich.

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Loin du simple divertissement pop corn héroïque (ici l'héroïsme et l'altruisme sont des notions suicidaires et sont véhiculés par la fougue du fils de Ray, qui devient un homme en choisissant son propre chemin et en s'effaçant in fine pour permettre à Ray d'être le père qu'il n'a jamais su être avant
), La Guerre des Mondes sonde une Amérique post-9/11 paranoïaque gangrenée par l'individualisme et la peur, en se focalisant comme Les Fils de l'Homme deux ans plus tard, à un point de vue isolé et empathique (le chemin de croix d'un père de famille lambda qui assume - enfin - son statut de patriarche, et de ses deux enfants, pour survivre); tout en croquant un regard désenchanté sur une humanité intérieurement et physiquement agonisante, pour mieux incarner un pamphlet assumé et apocalyptique, dont on a définitivement pas fini d'admirer la beauté et la puissance.


Jonathan Chevrier