[SƎANCES FANTASTIQUES] : #42. The Gorgon
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Parce que les (géniales) sections #TouchePasAMes80s et #TouchePasNonPlusAMes90s, sont un peu trop restreintes pour laisser exploser notre amour du cinéma de genre, la Fucking Team se lance dans une nouvelle aventure : #SectionsFantastiques, ou l'on pourra autant traiter des chefs-d'œuvres de la Hammer que des pépites du cinéma bis transalpin, en passant par les slashers des 70's/80's ; mais surtout montrer un brin la richesse des cinémas fantastique et horrifique aussi abondant qu'ils sont passionnant à décortiquer. Bref, veillez à ce que les lumières soient éteintes, qu'un monstre soit bien caché sous vos fauteuils/lits et laissez-vous embarquer par la lecture nos billets !
#42. La Gorgone de Terence Fisher (1964)
Au rayon des grosses injustices qui ont émaillés le cinéma fantastique au fil des décennies, le fait que l'on ne cite jamais assez La Gorgone du grand Terence Fisher, comme l'une des oeuvres les plus mésestimés de l'histoire de l'épouvante britannique se pose bien là; un comble quand on sait qu'elle incarne la fusion incroyable et totale d'une pluie de talents totalement acquis à sa cause.
Sans doute masquée par le cycle merveilleux des cinq films Frankenstein de son auteur, à tel point que l'hexagone ne s'est même pas échiné à l'exploiter en bon et dû forme à sa sortie (soit trois ans après sa sortie UK, uniquement en VO et seulement dans quelques salles parisiennes), The Gorgon accole pourtant sur son affiche, à la fois le nom d'un des plus grands cinéastes de sa génération - Fisher -, celui de la plume folle de John Gilling mais aussi et surtout, les noms de deux monstres sacrés aux sommets de leur art, Peter Crushing et Christopher Lee.
Transpirant la verve de l'auteur de La Femme Reptile de tous les bords de son script - jusque dans les dialogues, quasiment tous de vrais rapports de force -, le film suit l'histoire au coeur d'une petite ville de l'Europe centrale, d'une femme retrouvée morte et horriblement mutilée, alors que son jeune amant lui, est pendu.
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Hâtivement conclu comme un crime passionnel suivi d'un suicide par la justice, les proches du jeune décédé décident de mener leur propre enquête, et réalise qu'une étrange malédiction frappe le dit village hostile : les cadavres ne cessent de pleuvoir depuis cinq ans, et à chaque fois, la chair des cadavres se transforme en... pierre.
Férocement oppressant dans sa manière de dépeindre une réalité/vérité enfermée dans le silence par la peur et la honte, prenant le parti - comme Romero un poil plus tard avec ses zombies -, de faire revêtir autant aux vivants qu'aux morts, la représentation d'un Mal qui gangrène la société (et ou les hommes ne sont que les victimes de leur lâcheté et de leur aveuglement face aux maux qui habitent leur quotidien, et qu'ils nourrissent chaque jour); Fisher épouse l'ironie glaciale et brutale des lignes de Gilling, tout en y juxtaposant son penchant pour la rationalisation des mythes - ici Gorgone/Méduse, tout droit sortie de la mythologie grecque -, qu'il dépouille de tous leur folklore pour mieux laisser exploser son scientisme forcené, incarné doublement par Peter Crushing (dans la droite lignée du Dr Frankenstein), qui ne peut empêcher le destin tragique de l'histoire - pire, il l'y précipite -, en médecin tourmentée et borné, mais aussi Christopher Lee, dément en scientifique bondissant déterminé à déceler la vérité.
À la croisée des genres, entre le cauchemar lyrique et gothique à l'anglaise (avec des vraies moments horrifiques), et le poème baroque à l'italienne (avec un esprit romantique, une colorimétrie chatoyante à la Bava et l'ange Barbara Shelley au casting), boosté par l'élégance de la photo de Michael Reed, La Gorgone est une oeuvre glaciale et délétère sur l'obsession morbide, une fabuleuse déambulation sobre et rigoureuse, fruit d'un cinéma fantastique jadis fécond, et toujours aussi grisant à redécouvrir.
Jonathan Chevrier