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[CRITIQUE] : Uncle Frank


Réalisateur : Alan Ball
Avec : Paul Bettany, Sophia Lillis, Peter MacDissi, Steve Zahn, Stephen Root, Judy Greer,...
Distributeur : Amazon Prime Video France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h35min.

Synopsis :
En 1973, Beth, encore adolescente, quitte sa campagne natale pour aller étudier à l’Université de New York où enseigne son oncle Frank, un professeur de littérature réputé. Elle découvre rapidement qu’il est homosexuel et qu’il partage sa vie depuis longtemps avec son compagnon Wally ; une relation qu’il a toujours gardé secrète. Mais le jour où Mac, le patriarche grincheux de la famille, décède subitement, Frank est contraint de retourner auprès des siens, accompagné de Beth et Wally, afin d’assister aux funérailles. Durant le trajet, il doit confronter les fantômes de son passé et regarder sa famille en face une fois arrivé sur place.



Critique :


Il y a quelque chose de profondément frustrant - surtout pour lui, au fond -, dans l'idée que l'image de Paul Bettany est bien plus imprimée dans la mémoire collective des spectateurs, pour ses efforts récents et fragiles du côté des productions du MCU, que pour ses grandes performances, certes plus anciennes mais avérées.
Gageons que peut-être, si Amazon en fait son candidat numéro un dans la future (et sans doute très longue) course aux statuettes dorées - même si la suite de Borat semble occuper tous les esprits -, il aura la lumière nécessaire pour démontrer la justesse incroyable de sa brillante partition au coeur du nouveau long-métrage d'Alan " Fucking " Ball (papa de Six Feet Under et True Blood), Uncle Frank, récit d'inspiration autobiographique flanqué au coeur de l'Amérique profonde so puritaine et conservatrice des 70's.
On y suit les aléas, dans une petite ville de Caroline du Sud donc - Creekview -, de Beth Bleshoe, petit bout d'adolescente précoce qui se sent différente aussi bien au sein de sa famille, que dans son lycée.
Son grand-père est un patriarche autoritaire auquel son père tente vainement de ressembler, tandis que sa mère et sa grand-mère sont de " bonnes " femmes au foyer, dont le quotidien se résume à s'occuper de la maison et passer le plus clair de leur temps dans leur cuisine.

Copyright Brownie Harris/Amazon Studios

La seule personne que Beth aime vraiment, et qui écoute réellement ce qu'elle a à dire et lui donne l'attention qu'elle demande, est son oncle Frank, un professeur de littérature qui a fui à New York et qui est subtilement exclu par une grande partie de sa famille (pas vraiment subtilement du côté du grand-père, c'est vrai).
Lorsque Frank l'encourage à sortir des sentiers battus locaux et à se créer sa propre identité (s'extirper de la fatalité des femmes de sa propre famille pour goûter aux joies de la liberté), elle le prend aux mots et devient quelques temps plus tard, une élève du NYU, où il enseigne.
C'est à ce moment-là (comme si son arrivée concrète dans sa vie, incarnait une sorte de levier pour son coming-out) qu'elle va découvrir le secret de Frank, et ainsi le rejet de la majorité des siens : non seulement il n'est pas marié à une femme, mais il vit avec son petit ami Walid/Wally depuis plus de dix ans.
Cette nouvelle à peine digérée, ils vont devoir revenir en Caroline du Sud histoire d'affronter leur famille et les conséquences du décès du grand-père Mack...
Parfois maladroit dans sa narration, s'embourbant même dans des sous-intrigues parfois contradictoires (notamment celle concernant l'incompréhension de Wally face au fait que Frank ne le présente pas à sa famille, lui-même ne pouvant pas parler de Frank à ses proches, l'homosexualité menant à une arrestation et même à une exécution dans la culture saoudienne), Uncle Frank incarne un mélange attrayant entre le coming of age movie et la tragédie intime - à petite tendance road movie à la Green Book -, Ball revisitant ses deux terrains assez familiers avec une caractérisation dynamique de ses personnages et un humour bien plus confiant que ses saillies émotionnelles; tellement forcées et larmoyantes dans le dernier tiers, qu'elles apparaissent presque trop artificielles pour totalement émouvoir - même si quelques larmes couleront sans que l'on puisse les retenir.

Copyright Brownie Harris/Amazon Studios

Riche en flashback pour mieux contextualiser le passé douloureux et les choix silencieux de son héros titre (d'un premier amour avorté aux abus psychologiques et diaboliques paternels), puissant dans sa manière d'exprimer avec exactitude la cruauté et l'angoisse terrible d'être rejeté et de devoir ne pas être soi-même auprès des siens (ou pire, aux yeux de toute une nation, une réalité d'ailleurs toujours actuelle), tout autant qu'il a une tendance frustrante à enchaîner frénétiquement les sursauts dramatiques (au point de presque les faire s'annuler entre eux); le film oppose habilement deux versants d'une même Amérique, (le conservatisme des états du Sud vs le progressisme des états côtiers), pour mieux dévoiler avec sensibilité le calvaire d'hommes et de femmes enfermés dans le mensonge par obligation, autant que les ravages que peuvent causer la toxicité familiale et combien elle peut impacter ce que nous sommes - et ce que l'on peut devenir au quotidien.
S'il est difficile de ne pas tiquer sur certains de ses artifices il est vrai facile, en revanche, le coeur vibrant du message véhiculé par un Ball (évidemment plus impliqué que jamais), ne souffre d'aucun déficit de sincérité et d'authenticité, tout comme la prestation formidable de fragilité et de sagesse de Paul Bettany.


Jonathan Chevrier



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