[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #100. Hard Target
Photo by Universal Pictures - © 1993 |
Nous sommes tous un peu nostalgiques de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se baladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leur mot à dire...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 80's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pilule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !
#100. Chasse à l'homme de John Woo (1993)
Une toute petite année après avoir signé la pièce maitresse de son œuvre (le film ultime de gunfight jamais égalé à ce jour : cette œuvre mythique et incandescente dopée à la chevrotine qu’est Hard Boiled), le maitre du cinéma d’action hongkongais John Woo débarque aux États-Unis avec son ticket d’or pour Hollywood auréolé d’une déjà jolie pelletée de chef d’œuvre. Et on connait l’aisance bien particulière avec laquelle la machine à rêves sait broyer le talent et la personnalité des cinéastes étrangers avec sa moulinette magique, demandez donc à Tsui Hark qui en fera les frais quelques années plus tard. Et si on sent dans son premier film américain les efforts démesurés du cinéaste pour éviter de se faire déchiqueter avec son film par ce système de production tentaculaire différent de tout ce qu’il a connu, et que c’est pas facile, reste qu’il parvient à faire de Hard Target un film imprégné de sa patte et animé par bien plus d’âme et de personnalité que pas mal de productions analogue de l’époque.
On est loin de la démence totale de l’action de ses
précédents films, ici le cinéaste se voit de façon très évidente bridé, forcé
de rentrer dans le moule. Pas question d’offrir ici une œuvre personnelle qui
aborderait des thèmes qui lui sont chers, il est là pour réaliser un film de
commande. C’est une situation hautement inconfortable mais il semble finalement
accepter pour un temps cette idée, pour mieux réussir à donner à son film
quelques aspérités qui le rendront digne d’intérêt pour les adeptes de son
cinéma. Et ses efforts d’adaptation seront grassement récompensés puisqu’après
deux films moins signifiants que la moyenne, il sera en mesure de réaliser
Volte-Face, indéniablement le chef d’œuvre de sa carrière sur les terres de l’oncle
Sam. Mais on en est pas là, pour l’instant ce bon Monsieur Woo doit se
débrouiller pour faire un film d’action sympa avec Jean-Claude Van Damme… Et
une dramatique coupe mulet. Et non seulement il va honorer ce contrat haut la
main, mais va également par le biais d’une sur-icônistation du personnage de
Chance qui piétine allègrement de ses deux gros pieds gras la frontière du
grotesque, à faire du mulet un symbole presque crédible de toute puissance
virile. Et c’est vraiment dans le traitement over the top de son protagoniste
que le film trouve sa plus grande source de plaisir, le belge préféré d’Hollywood
en fait des caisses comme rarement pour incarner un personnage sombre et animé
d’un swag ténébreux et c’est un régal. Dans la manière qu’il a eu de le diriger
et de le filmer, le réalisateur a vraiment réussi à capter ce petit quelque
chose de génial chez JCVD, entre premier et second degré, à la fois
fondamentalement classe et manifestement risible. Et j’ai finalement assez peu
vu de cinéastes réussissant à aussi bien exploiter cette dualité chez l’acteur.
Woo parvient à implanter dans le film quelques vrais morceaux
de bravoure en terme d’action, notamment à travers la célèbre scène de joute sur
le pont entre une voiture de méchants et Chance debout sur sa moto, mais aussi
pendant tout le climax qui s’avère extrêmement satisfaisant avec Jean-Claude
qui balance des gros kicks, met des grenades dans le slip du bad guy en chef et
fait des clins d’œil lubriques à un pigeon (promesse d’une idylle trop tôt
avortée, ils auraient pu partir tous les deux à tire d’aile, mais Chance à
choisis la violence plutôt que l’amour.. Scène déchirante). Et en parlant du
bad guy en chef il faut aussi dire que Lance Henricksen est excellent, il a
vraiment une trogne taillé pour ce genre de rôle et c’est toujours un plaisir
de l’y retrouver. Le casting de second rôle est d’ailleurs une sacré réussite
Arnold Vosloo fait un très bon méchant en second et Wilford Brimley fait
vraiment un très bon vieux tonton sympa du personnage principal. Et quand je
dis tonton sympa c’est sympa au point de n’avoir aucune hésitation et aucun remords
à tout bonnement faire exploser sa maison pour tuer quelques hommes de main. Au
diable la possession matérielle, personne ne touche au mulet de mon neveu,
bande de sacripants.
Hard Target n’est pas un incontournable de John Woo. Mais c’est
un film aussi divertissant que n’importe quel film de Jean-Claude Van Damme de
l’époque (même plus) et surtout c’est un film intéressant car c’est l’objet
témoin du premier contact du maitre de l’action hongkongais avec un système
rétif sur lequel beaucoup se sont cassés les dents, mais que lui a finalement
réussi à apprivoiser, à dompter et mettre au service de son cinéma.
Kevin