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[CRITIQUE] : Never Rarely Sometimes Always


Réalisatrice : Eliza Hittman
Acteurs : Sidney Flanigan, Talia Ryder, Théodore Pellerin,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
Deux adolescentes, Autumn et sa cousine Skylar, résident au sein d'une zone rurale de Pennsylvanie. Autumn doit faire face à une grossesse non désirée. Ne bénéficiant d'aucun soutien de la part de sa famille et de la communauté locale, les deux jeunes femmes se lancent dans un périple semé d'embûches jusqu'à New York.




Critique :



Il y a quelque chose de profondément troublant mais surtout fascinant, dans le hasard des sorties hexagonales de ce riche mercredi, à voir deux péloches aussi proches et éloignées que peuvent l'être Mignonnes de Maïmouna Doucouré et Never Rarely Sometimes Always d'Eliza Hittman, arpenter les recoins sinueux et complexes du teen movie, au travers de deux passages charnières (de l'enfance à la pré-adolescence pour le premier, de l'adolescence à l'âge adulte pour le second), rarement ausculté avec autant de vérité, de sensibilité et de gravité.
Deux oeuvres appelées à incarner des références, et encore plus le troisième long de Hittman, qui avait déjà posé sa caméra sur les désirs compliqués et les traumas du coeur adolescent dans ses deux premiers essais, I Feel Like Love et Beach Rats.
Cette fois, elle examine justement une des conséquences de ce désir ardent des plus jeunes, à savoir celui vécu par les jeunes femmes pouvant tomber enceinte, et devant négocier avec des grossesses non désirées, et du manque soutien de leurs proches - mais pas que.




On y suit Autumn (Sidney Flanigan, LA révélation de l'année du côté du ciné indé ricain) qui se retrouve enceinte dans une petite ville paumée et socialement claustrophobique de Pennsylvanie.
Empêchée de demander un avortement suite aux lois sur le consentement parental de l'État, elle s'envole pour New York avec sa cousine Skylar (Talia Ryder, touchante), où ce qu'ils avaient supposé comme l'affaire d'une simple journée, s'avèrera une procédure considérablement plus compliquée.
S'attachant avec sensibilité et un ton étonnamment procédural (sans pour autant jouer la carte de la chronique politiquement explicite), à l'un des sujets les plus discutés de notre temps - l'accès à l'avortement -, le film (dont le titre fait référence sur le côté impudique et personnelle, des questionnaires sur les antécédents sexuels) incarne un portrait furieusement urgent et authentiquement naturaliste de la féminité luttant inlassablement contre un véritable champ de mines de brimades souvent banalisées (comme un simple " salope " lancé dans une foule), de restrictions et d'attentes socio-juridique (et même médicale), où même le poids de l'attention masculine omniprésente et - souvent - toxique, pour contrôler le sort de leur propre destin.




Chirurgical dans la gestion de ses émotions, profondément féministe (la nécessité de la solidarité entre les âmes et surtout de sororité entre femmes, est l'autre thème fort du métrage) et s'inscrivant même directement dans l'héritage de feu la regretté Agnès Varda, reine des chroniques sur les femmes se frayant un chemin entre les milliers d'embûches de la vie (jusque dans la présence à la photographie, d'Hérène Louvart, qui avait collaboré avec la cinéaste sur Les Plages d'Agnès); le scénario d'Hittman est une merveille d'économie, ne perdant jamais de temps à remplir son histoire de détails futiles (on ne saura jamais le nom d'Autumn ni le père de son enfant, sorte de protection autoritaire de la part de la cinéaste, pour mieux montrer également que l'importance reste avant tout et surtout son humanité intemporelle, elle qui pourrait être comme des milliers de jeunes femmes), quitte à la rendre intelligemment obsédante, poussant librement son auditoire à conserver une réflexion à son sujet, même une fois la séance terminée et digérée.



À la fois onirique et impitoyablement naturaliste, intime et distant (comme son héroïne, qui tient à distance son entourage - excepté sa cousine, avec qui elle a une relation fusionnelle - pour sa propre survie, la seule manière qu'elle a d'encaisser son traumatisme), Never Rarely Sometimes Always est un diamant brut tranquillement dévastateur et déchirant, qui parvient à rendre perceptible la gravité de la tragédie de son héroïne, sans jamais la sensationnaliser ni même l'entacher d'un pathos vulgaire.
Une put*** de claque, tout simplement.


Jonathan Chevrier




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