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[CRITIQUE] : Été 85


Réalisateur : François Ozon
Actrices : Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge, Valéria Bruni-Tedeschi, Melvil Poupaud, Isabelle Nanty,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget :-
Genre : Drame, Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h40min.

Synopsis :
Le film fait partie de la Sélection Officielle Cannes 2020.
L’été de ses 16 ans, Alexis, lors d’une sortie en mer sur la côte normande, est sauvé héroïquement du naufrage par David, 18 ans. Alexis vient de rencontrer l’ami de ses rêves. Mais le rêve durera-t-il plus qu'un été ? L’été 85...




Critique :



Toujours plus insaisissable que jamais, François Ozon n'aura mit qu'un tout petit peu plus d'une année avant de retrouver nos salles obscures, après avoir embellit la cuvée 2019 du septième art hexagonal avec le bouillant et nécessaire Grâce à Dieu, une claque monumentale façon témoignage au pluriel d'une dignité et d'une puissance incroyable sur des hommes brisés, incarné à la perfection par un trio Ménochet/Poupaud/Arlaud.
Changement de registre cette fois avec le bien nommé Été 85, pour lequel il retrouve
à nouveau Melvil Poupaud mais surtout, pour lequel il retrouve le terrain sinueux du teen movie sept ans après le captivant Jeune et Jolie.




Phare lumineux au milieu d'un océan de sorties estivales frappées par la persistance d'une pandémie qui ne cesse de prendre de l'ampleur (une évolution proportionnelle à notre stupidité et notre manque de vigilance pour la combattre), et qui rend plus que poussif le retour dans les salles obscures; le film, librement inspiré du roman La Danse du Coucou d’Aidan Chambers (une oeuvre qui a tellement marqué le cinéaste, qu'il avait rêvé à l'époque d'en faire le sujet de son premier long-métrage), est un instantané doux et cotonneux, une plongée intime et passionnée au coeur d'une saison pas comme les autres pour le jeune Alexis.
Flanqué au beau milieu des glorieuses 80's - mais bien entre deux temporalités, présent et passé proche -, verni vintage inimitable et nostalgique à mort, dont le revival est toujours aussi puissant depuis le début de la dernière décennie (un fétichisme parfois - souvent - irritant quand il est abordé avec opportunisme), Ozon et sa pellicule granuleuse (la magie des caméras Super 16), parfaite pour retranscrire avec le charme désuet des vacances, le film alerte son spectateur dès sa première bobine - fracture du quatrième mur pour annoncer une " histoire de cadavre " -, l'intimant de ne pas aller plus loin s'il ne veut pas voir, vivre une expérience bouleversante au moins aussi forte que son hâtive et improbable promesse.
Passé cette mise au clair essentielle (pour ne pas dire indispensable, tant elle donne presque les clés de ce qu'il nous sera montré à l'écran par la suite), Ozon visse sa caméra sur une chronique solaire et mélancolique - comme tout bon souvenir - hantée par la tragédie, celle qui frappe sans remords (la Mort, implacable et poétique) ou celle, plus sournoise et taiseuse, qui agit comme une épée de Damoclès sur les interdits et les frustrations.




Après tout, tout est une question de regard dans Été 85, de celui intrigué puis brûlant que ce porte les deux jeunes hommes l'un envers l'autre, de celui que le cinéaste porte sur une oeuvre charnière dans sa vie (le roman, qu'il s'approprie à sa propre personnalité, dont il a désormais la maturité nécessaire pour l'aborder comme il se doit), sur la passion ardente des premières fois mais aussi et donc surtout, de celui qu'il intime au spectateur, de porter sur son oeuvre, dont on perçoit ici des références claires et volontaires (on pense instinctivement à Jeune et Jolie mais surtout à ses courts Action Vérité et Une Robe d'Été).
D'un minilalisme épuré, citant autant Guadagnino (Call me by your name, évidemment, et pas uniquement dans le désir d'un jeune homme à vouloir que sa romance dure plus qu'un simple été) que Dolan (Les Amours Imaginaires, dans sa dimension homosensuelle et homosexuelle jamais frontale et emprunt d'ambiguïté), Techiné (Quand on a 17 ans, qui apporte une réaction maternelle similaire) mais surtout Van Sant (My Own Private Idaho en tête, mais surtout tout son cinéma, en maître du teen movie qu'il est), dans sa romance pleine de tendresse, éphémère mais fondatrice entre un adolescent et son ainé de deux ans, le cinéaste démontre avec aplomb qu'il sait toujours aussi filmer avec justesse la jeunesse et leur fusion intime, entre volupté, pudeur délicate et urgence de se nourrir de la moindre parcelle de cette bulle presque hors du temps.
Terrassant de par la précision d'orfèvre de son écriture et de sa mise en scène, sa faculté à allier avec habileté la pureté des corps, la sensualité des regards qui disent tout et un souci du détail maniaque (jusque dans le phrasé de ses personnages, appuyant leurs caractérisations soignée et sa reconstitution trahissant amoureusement, le souvenir que le cinéaste s'en fait lui-même), Été 85 est aussi un plaisir pour les oreilles.




Articulé autour des sonorités pop-elégiaque du doux In-Between Days de The Cure (aka le groupe traitant le plus justement de la mélancolie et du versant désenchantée de l'amour... Et le meilleur groupe pop-rock britannique encore en activité - avis totalement subjectif), tout autant qu'il dégaine judicieusement quelques hits populaires (dont Sailing de Rob Stewart, qui sera le sel d'une séquence bouleversante d'une union vibrant, fugacement, sur la même note), la bande originale enlace et sublime l'alchimie qui unit ses interprètes, à l'implication sans réserves (le tandem Félix Lefebvre/Benjamin Voisin est parfait).
Tourbillon émotionnel intense sur la complexité de l'âme humaine quand elle est frappée par la logique implacable du feu de la passion, chronique immersive bouillante et urgente sur un ado qui va bouffer la beauté et la dureté de la vie par la racine; Été 85 imprime la rétine et le coeur, et colle à la peau comme un de ses tubes de l'été dont on ne peut se défaire de la moindre de ses notes, de la moindre de ses paroles.
Un grand film mais surtout un grand François Ozon, tout simplement.


Jonathan Chevrier




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