[CRITIQUE] : Grève ou Crève
Réalisateur : Jonathan Rescigno
Acteurs : -
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h33min
Synopsis :
Décembre 1995. Un millier de mineurs se soulèvent dans l'un des plus violents combats pour la justice sociale de l'histoire contemporaine française. Un quart de siècle plus tard, la rage continue de grandir et la lutte est plus présente que jamais. Composé de vidéos d'archives exclusives de cette période et d'images des habitants actuels de la ville, "Grève ou crève" dépeint le portrait de deux générations pour lesquelles la lutte n'a jamais cessé, malgré les apparences.
Critique :
#GrèveouCrève transmet intelligemment la poursuite de la lutte, qui ne constitue plus de créer des barricades pour se protéger mais à les détruire pour empêcher l’injustice de se perpétuer. Variation du passé, le présent n’est plus, il n’existe que l’avenir. (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/2JGaZ7FXFO— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) June 14, 2020
Tout est une question d'ambiance.
Une ville déserte la nuit, la rue est possédée par la lumière alors qu'une brume de plus en plus épaisse, s'élève au loin, rampant lentement dans l'air, avant de langoureusement étouffer la lumière saturée des lampadaires, et de laisser exploser un bourdement de fureur.
Un mur épais et impénétrable s'installe, et semble parler au spectateur, comme s'il venait témoigner d'un passé proche dont il est l'ultime messager... effrayant.
Ce ne sont que des images et pourtant, en l'espace de quelques secondes le réalisateur français Jonathan Rescigno nourrit son premier long-métrage d'un sentiment de maîtrise absolue, une invitation qu'il est difficile de refuser.
Copyright Supermouche Productions - J. Rescigno |
Après quelques courts-métrages traitant des réalités sociales dans sa région natale du Grand Est à la frontière franco-allemande, cette fois, il aiguise son regard cinématographique en se focalisant sur la grève des mineurs de 1995 à Forbach (une grève populaire qui a bloquée toutes les infrastructures du pays, et à durée d'octobre à décembre, pour combattre les décisions de Jacques Chirac visant à modifier les pensions des travailleurs et à réduire les financements essentiels); mais également sur le présent, au coeur de la communauté locale, confrontée de force à la désindustrialisation et à une muséification éclair, laissant penser que le peuple d'aujourd'hui à été amputé de son sens de la lutte.
Toutes ces histoires multipliant les points de vues et les interactions entre divers participants tous plus ou moins importants, ne sont pas seulement connectées par le brouillard mystique qui continue de se propager et de bouffer le cadre, au moment où les présences humaines disparaissent de l'écran, mais aussi par la structure narrative qui commence lentement à faire sens.
L'entreprise qu'incarne Rescigno ne se pose jamais comme un commentaire des événements passés, mais bien comme la preuve sur pellicule que l'histoire des sociétés contemporaines, et plus directement celle de la France, n'est qu'un flux constant, une spirale infernale de cycles d'injustice sans cesse renouvelés, d'absence de perspectives économiques qui est à la fois un présent et un futur.
Véritable devoir de mémoire tenant tout de l'alerte face à un héritage indésirable qui perdure (la lutte des mineurs est d'ailleurs clairement ancrée dans la conscience des habitants locaux), qui maintient son spectateur dans un malaise constant aussi bien visuellement que d'un point de vue sonore (super score Manfred Miersch), Grève ou Crève est un effort édifiant et brillant qui marque la rétine par la brutalité de sa vérité.
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Poussant férocement sa symbiose entre passé et présent (notamment via la visite des deux jeunes hommes au musée de la mine), créant un pont vibrant entre la muséisation des souvenirs - visibles par et pour tous - et la découverte de témoins de l'époque, Rescigno montre que la connexion au passé ne sert pas seulement de boucle mais aussi et surtout, d'outil de création pour les identités jeunes et futures.
Cette narration elliptique intelligente, l'observation silencieuse de ceux qui ont connus les mobilisations et d'autres qui participeront à de nouvelles, fournit au film de multiples constatations chaotiques sur la société moderne.
Certes, la vie continue son petit bonhomme de chemin et la lutte se poursuivra, même si elle portera chaque jour un nouveau visage, mais très rarement de nouvelles raisons; car oui, aujourd'hui et demain, ne sont que des légères variations d'hier...
Jonathan Chevrier
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La lutte imprègne la ville de Forbach, entre la révolte des mineurs en 1995 et le combat des travailleurs d’aujourd’hui et de demain.
Pour la cinquième journée de festival en ligne, le Champs-Élysées Film Festival proposait en parallèle à la masterclass d’Edgar Wright un documentaire français, Grève ou crève, premier film du réalisateur Jonathan Rescigno. Titre équivoque, le jeune réalisateur s’est intéressé à sa ville natale et ce qui la nourrit. Un esprit de lutte, des manifestations d’hier qui font écho à celles d’aujourd’hui. C’est avec cette imagerie qu’il ouvre son long-métrage. Une brume entourant une ville déserte de nuit. Un bruit bourdonnant de casse. Le souvenir déchire l’enveloppe du passé, une force qui envahit les habitants.
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En novembre 1995, la présidence de Jacques Chirac réduit drastiquement des financements essentiels à la survie des mines et aux pensions des travailleurs. C’est l’élément de trop qui met le feu au poudre, dans une ville minière déjà instable. La grève des mineurs, qui a duré jusqu’à décembre, a mené à une violente répression policière. Des gaz tirés directement d’hélicoptères surplombant la ville, de nombreux blessées, parfois graves. Des preuves qu’un ancien gréviste garde précieusement chez lui, comme un musée de la manifestation passée, qu’il montre fièrement si on lui demande. Mais la caméra de Rescigno n’est pas seulement tournée vers le passé. Le réalisateur suit également deux jeunes hommes, d’origine algérienne, dans leur vie quotidienne, parlant de leurs aspirations d’avenir en étant conscient de la société discriminante qui les entourent sans que cela ne les arrêtent dans leur ambition cependant. Un autre, en fin de carrière, fait face à la mauvaise foi de son patron qui a falsifié un document, changeant son accident de travail (qui handicape maintenant fortement sa main) en accident lambda. Il ne peut donc pas toucher ses indemnités. Sa femme refuse qu’il se laisse avoir de cette façon et n’aura de cesse durant la totalité du documentaire de le booster pour qu’il entame des poursuites.
Et enfin, un coach de boxe pousse ses élèves à se surpasser, à épouser la douleur et donner le meilleur d’eux-mêmes.
Copyright Supermouche Productions - J. Rescigno |
Et enfin, un coach de boxe pousse ses élèves à se surpasser, à épouser la douleur et donner le meilleur d’eux-mêmes.
Les histoires sont interconnectées par les images d’archives, par le brouillard qui se propage lentement dans l’image et dans le documentaire dans son intégralité. Petit à petit, les protagonistes se rencontrent, partagent leur expérience et s’entraident même. Un parallèle se fait entre les images pixelisées de l’année 95, entre le collectif se barricadant contre les lancées de grenade et celles du présent, dont l’entraide se fait plus subtil, mais qui est pourtant bien présente. Jonathan Rescigno choisit de ne jamais intervenir, de ne jamais juger les actions du passé et du présent. Les récits différents créent un flux constant qui aident à fonder une histoire plus globale. L’injustice est ce qui les lie, ancrée dans la conscience de chaque habitant, qui choisissent de se battre. D’une certaine façon, l’héritage de la révolte perdure.
Grève ou crève transmet intelligemment la poursuite de la lutte, qui ne constitue plus le fait de créer des barricades pour se protéger mais à les détruire pour empêcher l’injustice de se perpétuer indéfiniment. Variation du passé, le présent n’est plus, il n’existe que l’avenir.
Laura Enjolvy
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Grève ou crève transmet intelligemment la poursuite de la lutte, qui ne constitue plus le fait de créer des barricades pour se protéger mais à les détruire pour empêcher l’injustice de se perpétuer indéfiniment. Variation du passé, le présent n’est plus, il n’existe que l’avenir.
Laura Enjolvy