[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #116. Do The Right Thing
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Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !
#116. Do The Right Thing de et avec Spike Lee (1989)
Si le virage de la dernière décennie ne lui a pas forcément fait du bien (même si la fin des années 2000, n'avait pas été évidente non plus), le génial Spike Lee a su vite redresser la barre pourtant avec BlacKkKlansman et, on l'espère, son futur Da 5 Bloods, qui débarquera directement sur Netflix.
Mais à l'instar de beaucoup de grands bonhommes du septième ricain, et même si nous ne sommes absolument pas à l'abri d'un potentiel chef-d'oeuvre à l'occasion, Lee a sensiblement le meilleur de sa carrière derrière lui et, de facto, il est proprement fascinant de se replonger dans la vision de ses premiers longs, dont l'aspect furieusement engagé allié à une candeur et un naturel envivrant - et pas dénués de maîtrise pour autant - n'ont strictement rien perdu de leur superbe.
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Trente ans plus tard, et à une heure ou l'époque " heureuse " implicite à l'ère Obama a totalement été digérée par le règne de Trump, ou la colère et l'incertitude sont devenus les maîtres mots; Do The Right Thing, troisième long du bonhomme, n'a sans doute jamais paru aussi pertinent tant, placé dans un contexte contemporain - comme le film gentiment en avance sur son temps -, il est un bonheur à décortiquer sous la moindre de ses coutures.
D'une saillie cynique balancée au-dessus de l'épaule par Sal/feu le regretté Danny Aiello (qui songe à larguer sa pizzeria en Trump's Pizza ou Trump's Plaza, dans un quartier de Brooklyn - Bedford/Stuyvesant- à prédominance noire, mais dont tous les business sont tenus par d'autres communautés), à un dialogue lourd de sens au coin d'une rue, qui se veut autant comme une réalité humaine, qu'une métaphore d'une catastrophe inéluctable du climat social ambiant (“If this hot weather continues, it’s going to melt the polar ice caps and the whole wide world”), en passant par la mort tragique d'un homme noir, tué par la police (une tragédie qui pourrait être filmé à tout moment depuis 1989); la péloche parlait d'hier comme pour mieux définir son lendemain, et donc notre aujourd'hui.
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Chronique d'une journée insupportablement chaude ou la tension menace chaque bout du cadre - même si elle est, pendant longtemps, subtilement désamorcée -, on reste fixé aux baskets de Mookie (Lee), un livreur de pizza pour la célèbre pizzeria de Sal (Aiello) qui emploie ses deux fils dans la vingtaine, et qui se méfie à la fois de sa clientèle autant qu'il est lié à elle part l'attachement sentimentale du fait de les avoir tous «nourris» depuis leur enfance.
Si Mookie s'entend très bien avec son ffils cadet, Vito (Richard Edson), il est en revanche, dans une hostilité permanente avec son fils aîné Pino (John Turturro), un rital pur sang aigri, déprimé et franchement raciste.
À mesure que la température grimpe (un sentiment anxiogène qui dépasse les cloisons du quatrième mur) et que la journée arrive à son crépuscule, les tensions raciales se font de plus en plus bouillantes avant de littéralement exploser le stade de l'ébullition fatale, dans un dernier tiers qui sert de terreau parfait à Lee pour délivrer son message : une guerre culturelle mais surtout de représentation, qui aurait parfaitement sa place aujourd'hui au quotidien, et encore plus sur les réseaux sociaux.
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Une guerre de tranchées contenue et sans fin (les blancs vs les noirs, les noirs vs les latinos etc) ou l'omission, l'effacement et l'invisibilisation volontaire, est aussi insultante que les brimades physiques et verbales, que Spike Lee illustre avec vérité tout en donnant à chacun des "camps" et de ses personnages (sculptés dans le marbre, sans fioritures), une identité de culture pop dynamique (les références sont légion).
L'éternel ourobouros qui se mort la queue et se complet dans un déni de l'autre, un discours jamais évolué et une violence aussi inutile que proprement contradictoire, qu'illustre d'ailleurs admirablement bien le climax, que ce soit de par les déclarations contrastées de Martin Luther King et Malcolm X (King affirme que la violence n'est jamais justifiée tandis que Malcolm X lui, assure qu'elle l'est en état de légitime défense), ou le processus de réconciliation douloureux et avorté entre Sal et Mookie; alors qu'ils débattent de manière totalement absurde sur l'arriéré de salaire que le premier doit au second.
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Une oeuvre chorale totalement cohérente avec son temps (une société consumériste, égocentrique, inégalitaire et dénué de toute empathie, ou le vulgaire American Dream est relégué à un idéal de parade, que l'on placarde sur un mur), tendu comme la ficelle d'un string et qui ne s'offre que de trop rares respirations légères, comme si la vie elle-même dans le ghetto, n'en autorise que sporadiquement.
Lee détruit toutes nos croyances (les âmes sages agissant comme des bêtes assoiffés de vengeance, la police tue, les pompiers sont obligés de répondre à la violence qu'on leur renvoi, alors qu'ils ne font que leur travail,...) et embrasse un pessimisme destructeur : passé la tempête entre feu et larmes, la chaleur écrasante refait surface au petit matin, et appellerait presque à un éternel recommencement sous les décombres même, d'une catastrophe encore fumante.
Il est difficile, vraiment difficile de faire les choses bien...
Jonathan Chevrier