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[FUCKING SERIES] : Space Force : The Dark Side of The Moon


(Critique - avec spoilers - de la saison 1)



On ne peut pas dire que le retour à la télévision du vénéré Steve Carell, plus d'une décennie après la bénite The Office US, fut couronné de succès, tant la série phare du catalogue Apple + de l'an dernier, The Morning Show, ne cassait pas trois pattes à un canard unijambiste, et jouait d'autant plus la carte de la facilité (un comble, vu les moyens imposant qui lui était alloué), quoi qu'en diront certaines de ses critiques élogieuses, qui ont sans doute vu trop beau ce qui ne l'était décemment pas.
L'erreur si on peut dire cela comme ça, se devait donc d'être un tantinet réparée par un autre show, qui plus est chez la concurrence directe - Netflix, il n'y a pas de hasard dirons nous -, Space Force, production de parodie massive co-créée par le bonhomme et... Greg Daniels, papa de The Office US, soit un tandem qui ne pouvait que trouver la bonne recette pour nous plier en quatre le plus souvent possible.

Copyright Aaron Epstein/Netflix

Ce que la série arrive une bonne partie du temps, malgré une petite impression persistante de laisser continuellement sur sa faim son auditoire... on s'explique.
Initiée presque instantanément après que le président Donald Trump ait révélé son intention de créer une branche " Force spatiale " de l'armée américaine (la sixième branche de l'armée du pays de l'oncle Sam), voyant immédiatement le potentiel satirique et narratif, Space Force suit donc la mise en branle - ou presque - de ce projet bien réel, échoué au général quatre étoiles Mark Naird (Carell).
Presque, puisque le show ne s'embarrasse absolument pas de la construction de cette nouvelle branche de l'armée partant de zéro (un point de départ pourtant passionnant), et opère sans trembler un saut dans le temps dès le premier quart d'heure, histoire d'installer son histoire au moment même ou la " Force spatiale " pleinement opérationnelle - soit le jour de leur premier grand lancement de fusée...
Et c'est un peu à partir de là que cela coince, et que la création du tandem Carell/Daniels ne semble jamais vraiment savoir sur quel pied danser son tango endiablé fusillant les dérives du gouvernement US.
Si le nouveau nouveau show de Greg Daniels pour Amazon, Upload, arrivait à conserver toute sa verve comique passé un pilote plus qu'engageant, Space Force elle, n'arrive pas toujours à déclencher l'hilarité tant espérée par son spectateur durant sa pourtant très courte (dix épisodes de 30min chacun), la faute sans doute à un ton qui ne s'engage pas totalement dans la satire ou la farce décomplexée, restant parfois même engoncé dans des séquences sérieuses célébrant maladroitement l'exceptionnalisme américain.

Copyright Aaron Epstein/Netflix

Un grand écart loufoque et frontal qui jadis, avait été opéré avec une finesse rare dans feu la merveilleuse 30 Rock, mais pas ici ou là stupidité volontaire ne semble pas totalement assumée (ou tout dû moins, montré comme tel, malgré la redondance assumée de quelques gags).
Un petit comble quand on voit le potentiel énorme de son casting vedette (Carell, John Malkovich, Ben Schwartz, Lisa Kudrow, Diana Silvers ou encore le regretté Fred Willard, un casting de soutien qui n'a pas grand chose à proposer avant la mi-saison), et l'application donnée à sa critique envers Trump (son nom n'est jamais mentionné, mais les balles tirées envers son gouvernement sont bien réelles), ou l'application énergique donné aux relations entre les personnages - avec des dialogues parfois joliment croqués et une fracture récurrente du quatrième mur -, notamment dans la dynamique des contraires entre la détermination musclée (même férocement autoritaire, coucou Michael Scott) et aveugle de Naird, et l'aspect pragmatique et scientifique de Mallory (Malkovich, plus sobre qu'à l'accoutumée).
D'un point de vue esthétique en revanche, les petits plats ont été mis dans les grands avec une apetance certaine de la part de Netflix : une scénographie impressionnante, des effets spéciaux de premier ordre et un superbe look cinématographique, qui pourrait la faire rivaliser avec n'importe quelle série SF du câble US.
Mais le problème réside réellement dans son intrigue, sorte de longue exposition aussi séduisante que frustrante, qui n'est prête à sortir de la troposphère qu'au moment où le clap de fin de la saison résonne.

Copyright Aaron Epstein/Netflix

Porté avec prestance par Carell (qui semble parfois donner l'impression qu'il a parfaitement conscience de la fragilité de l'édifice de cette première saison), Space Force séduit autant qu'elle frustre, même si ces ultimes épisodes laissent cependant entrevoir l'espoir que ce galot d'essai, comme pour tester le terrain glissant de la piste aux étoiles, prendra définitivement son envol dès sa prochaine salve d'épisodes.
C'est tout ce qu'on lui souhaite, en espérant que Netflix soit déjà enclin à lui donner son feu vert pour une seconde saison.


Jonathan Chevrier