[FUCKING SERIES] : Dracula : Retour sanglant et irrévérencieux dans les Carpates
À quoi bon revenir une nouvelle fois sur l'épopée sanglante des canines du grand Vlad l'Empaleur, après des décennies d'adaptations plus ou moins célébrées (on oubliera volontairement celle plus récente de papy Argento, pour chérir encore et toujours celle de Coppola), si ce n'est pour lui offrir un regard nouveau et rafraîchissant ?
C'est sans doute la question que s'est posé le tandem Steven Moffat et Mark Gatiss, papa de la vénérée Sherlock, et surtout à laquelle ils ont décidés de répondre avec une pêche du tonnerre et un respect louable du matériau d'origine... malgré quelques petites appropriations marquées (la transformation du personnage d'Abraham Van Helsing en tête, qui devient Soeur Agatha Van Helsing, de loin la nonne la plus badass de l'histoire de la télévision).
Photo BBC-Netflix |
Pour leur relecture du mythe littéraire épistolaire de Bram Stoker articulée, entre passé et présent, en trois glorieuses parties de quatre-vingt-dix minutes chacune, le tandem applique peu ou prou la même méthode qu'ils avaient usé sur leur adaptation d'un autre monument de la littérature moderne : les multiples aventures de Sherlock Holmes signées Sir Arthur Conan Doyle.
Soit une quête constante pour divertir un maximum son auditoire, en revitalisant l'essence fantastique d'une histoire connu de tous - ou presque - avec une intelligence que l'on ne se prive pas de montrer (quitte à rebuter les non-initiés), que ce soit dans des dialogues ciselés ou une gestion sophistiquée de son atmosphère (des décors aussi somptueusement gothiques qu'ils sont glauques, notamment le labyrinthique et effrayant château du comte), mais surtout une vraie excentricité totalement assumée - à la lisière du pastiche parfois -, aussi bien dans le drame que dans des saillies comiques absurdes, qui insufflent une nouvelle vie improbable à l'immortel de Transylvanie.
Véritable odyssée obscure à l'ancienne, mélange habile entre une horreur corporelle sinistre et viscérale, et un humour spirituelle et irrévérencieux - so british quoi - jubilatoire (un mélange qui n'est pas sans rappeler le cinéma de feu James Whale), mise en boîte avec une vraie maîtrise de l'espace et du temps, la mini-série ne serait sans doute pas aussi marquante pour son auditoire, sans la partition habitée du comédien danois Claes Bang, dont le charme carnassier et suave, couplé à l'esprit diabolique du maître vampire, en fond l'un des plus grands princes des ténèbres, aux côtés de Bella Lugosi, Gary Oldman et Christopher Lee.
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À ses côtés, Dolly Wells, merveilleusement acerbe en amatrice obsessionnelle des forces obscures, lui rend parfaitement la pareille.
Appliquée, prompte aux joutes verbales conséquentes, impertinente (peut-être un peu trop, avouons-le) et même un chouïa sadique, Dracula est une déclaration d'amour en lettres de sang, à une oeuvre fondamentale à laquelle Gatiss et Moffat donnent du corps et du coeur, en enfonçant avec plaisir leurs canines sans pour autant trahir le pesant héritage d'un siècle (ou pas loin), d'adaptations en tout genre.
C'est ce qu'on appelle par chez nous, une put*** de réussite.
Jonathan Chevrier