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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #11. The Crow

© Miramax Films

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !






#11. The Crow d'Alex Proyas (1994)

Tout n'est qu'une question de tragédie avec The Crow, une oeuvre frappée par les sceaux du drame et de la mort et ce dès ses prémisses.
C'est parce qu'il est la victime d'un fait divers terrible (sa fiancée meurt de la main d'un chauffard ivre), que James O'Barr, privé d'une vengeance personnelle (le chauffard sera mort avant qu'il ne puisse exercer sa vision personnelle de la loi du Talion), a recraché toute sa peine et toute sa rage dans le dessin et, plus directement (bien aidé par un autre fait divers, celui de l'assassinat d'un jeune couple suite au vol d'une bague de fiançailles à... vingt dollars), dans les ébauches cathartiques d'une histoire qui deviendra au fil des coups de crayons, l'épopée vengeresse d'Eric Draven.
Un rockeur au grand coeur tué la nuit d'halloween et qui, aidé par un corbeau, reviendra d'entre les morts pour venger son meurtre et celui de sa fiancée.
Et c'est aussi, surtout, parce que son adaptation sur grand écran fut endeuillée par la mort accidentelle du regretté Brandon Lee, huit jours avant la fin des prises de vues (dans un écho douloureux avec le propre destin brisé de son paternel), que le film d'Alex Proyas s'est vu involontairement auréolé d'une aura aussi mystique que bouleversante et... culte.

© Miramax Films


Un véritable oiseau de malheur (on pense aussi à un cascadeur brûlé suite à un choc électrique...) qu'il serait injuste d'uniquement réduire à ses maux insondables, tant le premier film (et non ses suites malades qui sont, au mieux, de pâles remakes), est une fable gothique et romantique d'une beauté sans nom.
Parvenant sans peine à captiver son auditoire en le catapultant au coeur d'une tragédie grecque palpable, épousant la brutalité baroque d'une société contemporaine qui trouve dans la violence aveugle et brutale, son seul moyen d'expression (dans une sorte de Détroit/Chicago dystopique mais pas si irréel que cela... aussi effrayant que cela puisse paraître), The Crow dépeint un monde extérieur étouffant en pleine désolation, ou même la chaleur du cocon familial, seul lieu de sécurité et de bonheur, peut se voir souiller par la perversion extérieur.
Jouant constamment sur l'effet troublant d'images littéralement transportées du comicbook, telles des vignettes iconiques prenant vie dans un univers à la minutie incroyable - et une fidélité louable au matériau d'origine -, alliées à la perfection aux aptitudes clipesques de son metteur en scène (son plus beau film, derrière le chef-d'oeuvre Dark City), le film aurait même mérité d'assumer entièrement son parti-pris graphique (en filmant carrément le film en noir et blanc, même si cela aurait totalement saccagé son potentiel commercial), ne serait-ce que pour en amplifier sa puissance et le travail fantastique de Dariusz Wolski (qui fait des merveilles malgré une ambiance majoritairement nocturne et pluvieuse), et l'épopée vengeresse d'un héros romantique et torturé, qui n'use de sa barbarie que dans le souci d'une vengeance jamais gratuite - et dont les explosions ne font qu'exacerber la tragédie.

© Miramax Films


D'une sincérité et d'une générosité dans bornes, vrai drame tourmenté et hypnotique à la bande originale tripante (The Cure, Nine Inch Nails, Rage Against The Machine boostent la composition mélancolique du score du duo Graeme Revell/Brian Williams), The Crow est un diamant noir totalement vampirisé par l'ombre imposante d'un Brandon Lee habité et qui s'offrait, tragiquement, le plus beau rôle de sa jeune carrière, laissant exploser toutes les nuances et l'émotion d'une palette de jeu qui ne demandait que le bon rôle pour s'exprimer.
Il nous a quitté au sommet de son art, en héros shakespearien d'un vrai et beau chef-d'oeuvre...


Jonathan Chevrier