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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #49. Big Trouble in Little China

Copyright Splendor Films

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !




#49. Les Aventures de Jack Burton - Dans les Griffes du Mandarin de John Carpenter (1986)

Bien avant que les Wachowski ne viennent injecter une bonne dose de cinéma hongkongais dans l'exploitation un brin figée du blockbuster Hollywoodien, pour mieux offrir un objet hybride incroyablement génial (Matrix, et dans une moindre mesure ses deux suites), le vénéré John Carpenter avait lui aussi jouer les chimistes cinématographiques en signant une péloche singeant gentiment le cinéma d'exploitation musclé made in America, tout en offrant un hommage passionné aux péloches délurées de la Shaw Brothers (et pas uniquement au cultissime Zu, Les Guerriers de la Montagne Magique de Tsui Hark) : Les Aventures de Jack Burton - Dans les Griffes du Mandarin, petit miracle d'actionner fantastique drôle et franchement foutraque, qui avait tout d'un OFNI autant au moment de sa sortie - et encore un peu aujourd'hui, qu'au sein de la riche filmographie du papa d'Halloween et The Thing... quoique.

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John Carpenter a toujours su retranscrire, et ses films le démontrent mieux que des mots, sa boulimie pour le septième art dans son entièreté, du western crépusculaire et urbain à la science-fiction viscérale, en passant par le thriller psychologique d'une noirceur abyssale ou de la satire politique à peine voilée : le grand John est un amoureux du cinéma avec un grand C, et son Jack Burton en est la synthèse parfaite.
Entre la screwball comedy, l'actionner bien gras, le fantastique sauce sorcellerie, le wu xia pian débridé et la bande d'aventure tout droit sortie de l'âge d'or Hollywoodien, le film conte l'histoire totalement improbable d'un beauf étonnamment plaisant à suivre, Jack Burton, camionneur bien yankee qui a sa propre vision des choses (la sienne, donc la meilleure), qui se laisse embarquer par son poto Wang Chi, qui vient de le plumer au " jeu de la bouteille ", pour aller chercher sa fiancée Miao Yin à l'aéroport, avant de le ramener au coeur de Chinatown.
Sauf que rien ne se passe comme prévu, un vieux et puissant sorcier nommé Lo Pan, kidnappe Miao Yin avec l'idée de se marier avec elle pour récupérer son enveloppe charnelle.
Catapulté au coeur d'une lutte mystique entre le Bien et le Mal, Jack va tenter de servir à quelque chose, tout en ne pensant qu'à une seule chose : en terminer au plus vite histoire de récupérer son camion.

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Ne laissant aucun répit à son auditoire, en jouant la carte d'une action rythmée et continue (méthode habile pour mieux masquer la fantaisie et les facilités évidentes de son scénario, qu'il ne se bornera jamais, et heureusement, à justifier), constamment saupoudrée d'un humour délirant et de fights plutôt bien senties - et eux aussi, aussi foutraque que tout le reste -, Carpenter s'imprègne de son propre cinéma, de celui de son pays et s'approprie celui de Hong-Kong dans un Gloubi-boulga toujours maîtrisé (même s'il laisse supposer tout le contraire, et s'en est là sa plus grande force) et enthousiaste, tranchant avec le pessimisme et la noirceur de ses premiers essais.
Comme s'il se laissait, par la force d'un cinéma qui n'est pas le sien, l'opportunité d'épouser pour une fois la chaleur de l'espoir et de la bienveillance, en laissant un brin de côté - sans forcémment la masquer pour autant -, la noirceur des ténèbres et de l'âme humaine.
Mais le parti pris le plus fort et louable du cinéaste, réside pleinement dans la figure totalement Hawksienne qu'incarne son héros, totalement en inadéquation avec l'image du action man des 80's.
Simple camionneur héros - et drôle - malgré lui, ne servant jamais l'intrigue et étant constamment en retrait, quitte à laisser souvent son sidekick régler lui-même le sort de leurs ennemis, Jack Burton, incarné avec un plaisir non feint par un Kurt Russell cabotineur à l'extrême (il s'éclate, et nous aussi), parle plus qu'il n'agit et est même totalement inconscient face à l'adversité : soit l'incarnation du mâle puissant anti-Reaganien ultime.

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Volontairement déstabilisant (dans le bon sens du terme), totalement à contre-courant sauf de sa propre volonté à offrir quelque chose de singulier et mémorable à un auditoire qui n'en demandait pas autant, et intronisé sur le tard comme bon nombre de péloches des 80's, au panthéon du culte par les bouffeurs de VHS après une carrière en salles douloureusement catastrophique (c'était déjà le cas, pour Carpenter, avec The Thing, Big Trouble in Little China en v.o, est un pur plaisir de cinéma honnête, brillant et follement attachant, cornaqué avec amour par un passionné du septième art, un vrai.
Et à une heure où l'on parle d'une potentielle suite voire même d'un reboot pur et simple, laissez Hollywood s'emballer dans sa frénésie de gang-bangiser à outrance tout produit un minimum populaire, et jetez-vous sur ce gros délire qui n'a décemment pas usurper son statut de bande culte, vous ne le regretterez pas, parole de Jack Burton.


Jonathan Chevrier