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[CRITIQUE] : Les Faussaires de Manhattan


Réalisatrice : Marielle Heller
Acteurs : Melissa McCarthy, Richard E.Grant, Dolly Wells, Ben Falcone,...
Distributeur : Condor Distribution
Budget : 10 million $
Genre : Biopic
Nationalité : Americaine
Durée : 1h47min.

Synopsis: 
Ancienne auteure à succès aujourd’hui sans le sou, Lee Israel se découvre par hasard un don exceptionnel : celui d’imiter à la perfection le style de grands romanciers. Avec l’aide de son ami Jack, elle monte une arnaque imparable: rédiger de fausses correspondances entre auteurs célèbres, que Jack revend à prix d’or aux collectionneurs new-yorkais. Grisés par le succès, les deux faussaires ne voient pas que le FBI commence à s’intéresser à eux…



Critique :


Si vous êtes attentif, Les Faussaires de Manhattan intitulé en VO Can You Ever Forgive Me devrait éveiller un - sans doute - vague souvenir. Le film réalisé par Marielle Heller était bel et bien en compétition lors de la dernière cérémonie des Oscars — meilleure actrice, meilleur acteur dans un second rôle et meilleur scénario adapté; mais dans ce monde mystérieux qu’est la distribution cinématographique le long-métrage ne sort que maintenant. Autant dire que sa carrière en salle sera - certainement - éclair et - probablement - peu flamboyante, et quand on voit le résultat on peut raisonnablement pester.



Cette adaptation des mémoires d’une falsificatrice donne corps à un film s’appuyant sur un récit prenant la forme d’un thriller d’arnaque. Dès lors, Les Faussaires de Manhattan s’amuse à cocher avec précision les codes du genre; entre la scène de « braquage » qui s’apparente ici a un vole de lettres ou encore la mise en place de son plan, l’exécution de son arnaque et les accrocs qui vont avec. Tout cela tend ainsi une toile de fond, car ce qui intéresse Marielle Heller n’est pas tant l’escroquerie à proprement parler, mais bien les personnages qui lui donne vie.
On pourrait définir Les Faussaires de Manhattan comme un Woody Allen dépressif. N’y voyait en rien un propos péjoratif, au contraire, on est comme happé par cet univers ou le jazz raisonne ou New York palpite, mais au milieu de cela la cinéaste scrute deux laissés pour compte, Lee Israel et Jack Hock. Sous une étonnante légèreté se cache pourtant une solitude rampante dessinée avec une belle élégance. Lee Israel, interprétée par une Melissa McCarthy n’ayant pas déméritait sa nomination aux Oscars, est une femme seule. Rongée par l’échec de sa carrière, elle n’a pas un physique réellement avantageux, boit beaucoup trop et n’a que faire d’être sympathique. Dans cette vie morose, elle n’a d’amour que pour son chat, en lisant ses lignes on pourrait croire que le personnage n’est qu’une accumulation de cliché, mais la délicatesse du trait fait toute la différence et fini par toucher. C’est peu ou prou la même chose pour Jack Hock, campé par un Richard E. Grant qui lui aussi ne déméritait pas sa nomination; homosexuel à la rue qui use de son empathie et trouve en Lee une sorte de miroir de lui-même.



Ainsi, ce duo donne toute sa force du métrage qui parvient à dépasser le stade de l’anecdote. Les Faussaires de Manhattan peut ainsi s’émanciper des carcans du film d’arnaque pour se métamorphoser en une œuvre mélancolique qui s’imbibe de la solitude de ces êtres. Rien que pour cela, le film aurait mérité autre chose qu’une banale sortie en plein mois de juillet.


Thibaut Ciavarella






En cette année 2019, nous n’avons pas eu un mois (ou presque) sans un biopic féminin. Rien que ce mois de juillet nous a apporté Vita & Virginia de Chanya Button, sur l’histoire d’amour entre Virginia Woolf et Vita Sackville-West, et le film qui nous intéresse ici Les Faussaires de Manhattan de Marielle Heller. Deux réalisatrices qui montrent trois autrices au sommet de leur art. Evidemment, on peut ne pas voir cela d’un très bon œil, le biopic étant un genre saturé de code, d’un classicisme ennuyeux, taillé uniquement pour la cérémonie des Oscars, qui raffolent des histoires vraies (d’ailleurs Les Faussaires de Manhattan était de la partie cette année, avec entre autre une nomination pour Melissa McCarthy). Surtout que le film apporte avec lui un petit scandale : Julianne Moore qui avait le rôle principal s’est fait viré pendant la pré-production suite aux désaccords avec la scénariste et réalisatrice Nicole Holofcener (qui a dû laisser son second rôle à Marielle Heller au final). Ces déconvenues peuvent mettre à mal un film, mais il n’en est rien ici. Malgré son aspect très classique, nous avons à faire à un film plein d’humour sarcastique et d’émotion. 


Lee Israel est peu connue en France, son histoire n’a pas eu de remous ici dans les années 90, tandis que New York tremblait de ces fausses lettres d’auteurs et autrices connus.es écrites avec talent. On ne peut pas approuvé à cent pour cent les faits et gestes de l’autrice, qui a pu évité la prison in-extremis. Mais les quatre cents lettres sont là pour le prouver : Lee avait su capter le style de Noel Coward, Dorothy Parker et tant d’autres avec une telle précision qu’on ne peut qu’être admiratif au final.
Lee Israel était une autrice (elle nous a malheureusement quitté en 2014) qui mettait en lumière les femmes. Après deux biographies à succès sur l’actrice Tallulah Bankhead et sur l’animatrice de télévision Dorothy Kilgallen, elle se trouve dans les petits papiers du monde littéraire de Manhattan. Mais comme tout succès soudain, il finit par s’épuiser. Sa troisième biographie, sur la femme d’affaire Estée Lauder ne fonctionne pas et Lee finit has-been, sans le sou. C’est par hasard qu’elle va finir par escroquer les collectionneurs littéraire. Elle trouve des lettres de Fanny Brice, une actrice américaine à l’époque du muet et sujet du prochain livre de Lee. Mais ces lettres sont tout à fait banales, elle les modifient donc un peu et les vend. Avec l’argent gagné, elle peut enfin payer son loyer et soigner son vieux chat malade, elle ne peut/veut pas s’arrêter. Surtout qu'elle reprend goût à l'écriture, après une période de page blanche plutôt sévère. Bientôt, avec l’aide de son ami Jack Hock (Richard E. Grant), ils arrivent à gagner de belles sommes d'argent.


Melissa McCarthy livre une incroyable prestation, loin de ses rôles comiques habituels. Elle incarne avec beaucoup d’émotion cette quinquagénaire dans une pente descendante après avoir réussi à rentrer dans le sélect monde littéraire new-yorkais. Sa frustration est encore plus grande quand elle voit la coqueluche du moment, Tom Clancy, a qui on offre trois millions de dollars d’avance alors qu’il n’a même pas écrit une ligne de son prochain livre. “Oh, to be a white male who doesn’t know he’s full of crap”. Lee ne le tient pas en haute estime… Elle ne mâche pas ses mots, quitte à être blessante à qui ose lui adresser la parole. Elle se décrit comme une femme de cinquante et un ans qui aiment les chats plus que les humains. Pourtant, derrière cette amertume parfois violente, se cache une femme tenace et talentueuse, qui arrive à éveiller notre sympathie (la voir s’approvisionner en papier toilette dans une fête sélecte ou être refuser chez la vétérinaire pour cause d'impayés aident beaucoup). Lee Israel et Jack Hock sont deux outsiders. Dans la cinquantaines, seuls, ils n’ont jamais cherché à rentrer dans le moule et commencent doucement à le regretter. Marielle Heller les filme avec une infinie tendresse. 


Les Faussaires de Manhattan nous offre un portrait de femme complexe, sarcastique mais attachante, qui mettait en lumière les carrières des femmes dans ses biographies vivantes. Un moment d’histoire cocasse, immorale mais qui a permis à une plume talentueuse de retrouver le chemin du best-seller. 


Laura Enjolvy 

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