[COOKIE TIME] : #11. Wonder Woman et Captain Marvel - Arrêtons de les comparer
C'est le Cookie Time. Un moment de détente pour parler cinéma. Alors installez vous dans votre canapé, prenez un thé et un cookie. Et c'est parti !
Wonder Woman de Patty Jenkins a, en 2017, fait office de précurseur en terme de film féminin super héroïque. Le premier blockbuster réalisé par une femme aussi rentable. Pourtant, comme les détracteurs ont aimé le clamer, Wonder Woman n'est pas le tout premier film de super héroïne. Nous pouvons compter également le film d'animation Wonder Woman réalisé par Lauren Montgomery en 2009. Ou les films présentant les personnages de Elecktra ou Catwoman (réalisés respectivement par Rob Bowman en 2005 et Pitof en 2003). Nous pouvons même aller plus loin et dire, comme les critiques l'ont bien fait comprendre, Wonder Woman n'était pas la première héroïne badass tout court. Le personnage principal de la saga Alien, Ripley ainsi que celle des Terminators, Sarah Connor ont été citées (à juste titre). Le réalisateur et producteur James Cameron avait même partagé son sentiment sur le personnage de Wonder Woman, la comparant à la figure féministe que représente la sienne, Sarah Connor. Il est vrai que DC et Warner ont revendiqué le film comme féministe, mettant en avant leur choix de prendre une réalisatrice. Nous pouvons bien sûr voir cela comme opportuniste et hypocrite, comme un féminisme blanc et marketé. Surtout quand on ne fait pas l'effort d'avoir une certaine parité dans le reste de l'équipe technique (comme si le réalisateur était seul à faire le film, ce qui est faux). Un prétexte pour rappeler que non, un film réalisé par une femme n'est pas forcément féministe. Même s'il est vrai, le film peut avoir une lecture féministe indéniable. Mais voilà, que l'on aime ou non Wonder Woman, il est et restera un phénomène. Un exemple d'une nouvelle forme d'héroïne badass, guidée par ses choix et non par son statut de victime.
Cependant, un cliché sur les femmes restent. Celui qui nous met constamment en compétition l'une contre l'autre. Celui qui nous fait dire que les femmes entre elles seraient horribles, méchantes. Qu'on ne pourrait pas avoir plusieurs femmes au pouvoir sans crêpage de chignon. Là où les hommes feraient tout à découvert, les femmes ne sont que manipulation et coup bas. Ce cliché est adoré par les médias, par les critiques (quand nous tapons "rivalité entre femmes" sur google, des centaines d'articles parlent de cette prétendue méchanceté, alors que quand nous tapons "sororité", beaucoup d'articles se posent la question si elle existe belle et bien). Avez-vous remarqué combien elle est systématique la comparaison entre deux personnages féminins forts ? L'année dernière, à la sortie du reboot du film Tomb Raider, beaucoup se sont amusés à comparer Angelina Jolie qui incarnait une Lara Croft sexualisée à outrance, par rapport à Alicia Vikander qui était une Lara Croft plus sportive et combative. Un sérieux prétexte pour comparer la forme de leur corps plutôt que leur jeu d'actrice.Marvel, après dix ans de Marvel Cinematic Univers (MCU de son petit nom) s'est aperçu de son manque de parité au sein de leur filmographie. Si la plupart des Avengers mâles (sauf Hawkeye et Faucon) ont eu leur origin story, les super héroïnes se contentaient d'apparaître dans les films des autres, impliquées dans une love story (Gamora, Black Widow, Scarlet Witch). Même le personnage de la Guêpe (incarnée par Evangeline Lilly) qui devient la première héroïne avec son nom dans un titre du MCU ne déroge pas à la règle dans Ant-Man et la Guêpe l'année dernière, où la relation avec le personnage joué par Paul Rudd prend une large partie de sa caractérisation. Pourtant, après les mouvements Me Too et Time's Up, après le succès mondial de Wonder Woman, après la demande incessante des fans pour un film sur Black Widow (il devrait être sur nos écrans pour 2020), le MCU ne pouvait pas passer à côté de cette "mode" du blockbuster hollywoodien féminin. Ils décident donc de mettre en production une origin story sur une des héroïnes des comics Marvel les plus fortes, Captain Marvel. Intégrée grâce à une scène post-générique énigmatique de Avengers : Infinity War, le film est sorti sur nos écrans la semaine dernière, réalisée par Anna Boden et Ryan Fleck. Marvel et Disney ont même voulu aller plus loin dans le côté féministe marketé du film en mettant en avant une co-réalisatrice mais aussi une équipe de scénariste presque exclusivement féminine et surtout la première compositrice du MCU, Pinar Toprak. Il y a deux façons de voir ces choix. La première est de voir cela comme un combat puéril, celui qui mettra le plus de femmes dans son équipe. L'autre est de voir cela comme un énorme bond en avant et permettre enfin des opportunités aux femmes du cinéma, surtout dans une branche aussi masculine que la composition de musique de film.
La sortie attendue de Captain Marvel a bien évidemment eu son lot de détracteurs sexistes, comme Wonder Woman, le Ghostbusters de 2016 ou Tomb Raider avant lui. Des critiques contenant des propos misogynes, disons le carrément, peu professionnels sont le lot des films mainstream au lead féminins dans cette décennie. Et comme il fallait s'y attendre, le combat Captain Marvel / Wonder Woman a fait rage. Si certains ont juste voulu comparer leur résultat au box office, leur façon de filmer des héroïnes ou des éléments de scénario similaires, d'autres se sont servis des films pour descendre l'un ou l'autre. Et c'est là que le bât blesse. Pourquoi cette envie de les comparer, de les mettre en compétition. Pourquoi les deux films ne pourraient pas coexister ?
Je ne détiens bien évidemment pas la réponse à cette question. Mais je la trouve intéressante car nous pouvons aller plus loin que les deux films dont je parle ici Wonder Woman et Captain Marvel. N'a-t-on pas déjà voulu comparer deux personnages féminins (héroïne ou non) pour en critiquer une. N'a-t-on pas instinctivement envie de mettre au pilori une femme qui ferait la même chose qu'une autre parce que l'on pense qu'elles ne peuvent pas coexister ? N'y a-t-il pas pas une bonne grosse dose de misogynie intégrée ? Personnellement, je pense que si. Cet article n'est pas la pour jeter la pierre, mais plutôt un élément de réflexion. Remettre en question nos actes, nos pensées, est pour moi essentiel pour avancer.
Laura Enjolvy
Laura Enjolvy