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[FUCKING SERIES] : Black Earth Rising : Les plaies mal cicatrisées d'un génocide


(Critique - avec spoilers - de la saison 1)


Après la brillante The Honourable Woman et son récit sur fond de guerre israélo-palestinienne, Hugo Blick s’empare du sensible et complexe génocide rwandais dans sa nouvelle minisérie Black Earth Rising. Le récit s’ancre autour du personnage de Kate Ashby, jeune enfant sauvée du génocide en 1994, elle fut adoptée par Ève Ashby, procureure britannique spécialisée dans les affaires criminelles internationales. Désormais âgée d’une vingtaine d’années, Kate travaille comme enquêtrice auprès du juge Michael Ennis, lorsque sa mère se sait d’une affaire à la Cour pénale internationale visant à poursuivre un criminel de guerre rwandais replongeant les personnages dans de douloureux souvenirs.

« A million candles burning for the help that never came »

Tout débute par une sublime séquence en animation, le sauvetage d’une petite fille au milieu des corps. Black Earth Rising s’imbibe de l’horreur du génocide rwandais pour déployer un récit aux nombreuses ramifications comme des fragments que le spectateur doit tenter d’appréhender pour se forger un avis sur les interrogations découlant des diverses intrigues. Il ne faut pas attendre de la série d’Hugo Blick d’avoir l’efficacité d’un Bodyguard. Les aspérités thrillesque de Black Earth Rising sont présentes, elle contient son lot de rebondissement aussi surprenant que choquant, mais derrière cette façade se cache une proposition plus vénéneuse.


Dans ces nombreux embranchements, Kate Ashby apparaît comme notre ancrage émotionnel. C’est son parcours qui est au cœur du récit, jeune femme suicidaire, elle ne parvient pas à savoir où est sa place dans ce monde, car elle ne sait rien de son passé. Ses blessures intimes la poussent à chercher la vérité aidée par Michael (John Goodman exceptionnel), dès lors Black Earth Rising devient une quête du passé afin de pouvoir avancer. Magistralement campée par une Michaela Coel en contre-emploi total, Kate va provoquer de nombreuses secousses lors de son passage rouvrant des plaies mal cicatrisées.
Car au-delà de Kate, Hugo Blick portraitise avec beaucoup nuance un Rwanda post-génocide. En évitant d’exposer un Rwanda schématique visant à critiquer ou acclamer les politiques mènent depuis la fin du génocide. Pour s’assurer plus de liberté scénaristique, Blick remplace l’actuel président du Rwanda, Paul Kagame, par un personnage fictionnel, une femme, Bibi Mundanzi (Abena Ayivor, touchante) désireuse de continuer à diriger son pays après un troisième mandat.


Si Black Earth Rising réarrange donc le présent du Rwanda, elle en maintient les événements historiques et défend un point de vue holistique éloignant d’emblée les mots « juste » et « mauvais ». Il en va de même pour la Cour pénale internationale et dans son prolongement des pays étrangers que Blick interroge sur leurs capacités à résoudre des problèmes ne les concernant qu’indirectement et semblant garder les réflexes de l’ère coloniale.
Donnant les clés sans prédéterminer les réponses, Hugo Blick offre une série à réflexion, misant sur l’intelligence du spectateur et sa concentration afin de pouvoir pleinement en savourer les tenants et aboutissants. Tout le monde ne pourra pas adhérer à cette démarche moins « spectaculaire » que d’autres thrillers du type, elle reste une proposition un brin couillue et démontre encore une fois la puissance des créations anglaises dans l’univers des séries télévisées.


Thibaut Ciavarella

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