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[FUCKING SERIES]: Dietland saison 1 : Miroir, Miroir, Dis moi ce qu'est la beauté

 

(Critique - avec spoilers - de la saison 1)



Après avoir exploré les méandres de la télé-réalité dans UnReal, Marti Noxon revient sur AMC avec Dietland, une critique acerbe de cette société du paraître poussant au régime éternel. Cette adaptation du roman de Sarai Walker se centre sur Plum, une jeune femme obèse qui joue les nègres pour Kitty Montgomery (Julianna Margulies), rédactrice en chef du magazine Daisey Chain. Sa vie se trouve quelque peu chamboulée quand elle est repérée par un mystérieux groupe, la "Calliope House". En parallèle, le groupe terroriste « Jennifer » s’emploie à punir les hommes maltraitant les femmes.
Vous l’aurez compris, Dietland est une série assez dense, un tantinet éparpillée qui ne désire pas faire dans la demi-mesure. Oui, on pourrait reprocher à la série un manque de subtilité. Pourtant, elle est avant tout un cri du cœur de ces femmes clamant qu’elles n’ont que faire des diktats imposés, qu’elles ont pendant trop longtemps subi un patriarcat érigé en norme.


Mais la force de la série c’est Plum, magistralement campé par Joy Nash, elle est notre ancrage émotionnel. Les premiers épisodes nous vont suivre son quotidien, au travers de sa voix on parvient a comprendre toutes les douleurs qu’elle peut traverser. Pendant longtemps, les fictions s’appuyaient sur des personnages gros pour faire rire, ou alors étaient réduites à n’être que la bonne copine, celle ayant toutes les qualités maternelles nécessaires. Dietland dresse un tout autre portrait, Plum est le symbole de ces femmes qui se sentent mal dans leurs peaux parce que la société leur a implanté l’idée que ce corps n’est pas « beau ». Dès lors, c’est un long processus qui va s’enclencher tout au long de la saison pour le personnage. Peu à peu, elle va tenter de se détourner du regard des autres, elle va tenter -avec douleur parfois- de se rendre à des rendez-vous, elle va éclore devant nous. Elle va alors décider de ne plus subir, elle va prendre les armes, son arme, l’écriture.
Dans le même temps, la série dresse le portrait cynique de l’industrie de la presse féminine au travers du personnage de Kitty Montgomery, joussivement campé par Julianna Margulies, elle est l’incarnation de cette société dictant les codes. À cause de son parcours, la rédactrice en chef de Daisy Chain se voit comme un modèle de réussite voulant prêter assistance aux autres. Sauf que tout cela est foncièrement cynique, elle ne désire pas venir en aide, mais imposer ce qu’elle pense être « bien ». Au travers de son personnage, les scénaristes dénoncent ces magazines qui s’emparent des sujets de société comme une étiquette de bonne conscience sans rien changer aux problèmes inhérents a leur milieu. Mais, Dietland va peu à peu gratter cette superficialité pour montrer que cette femme qui répond aux normes de la société subit elle aussi le patriarcat. D’une manière plus ambiguë, Kitty va progressivement vouloir prendre le pouvoir sans rejeter les diktats qu’elle impose à ses lectrices.


Alors, il est vrai que la création de Marti Noxon a tendance à s’éparpiller notamment au travers des « Jennifer », sorte de groupe terroriste qui se greffe progressivement à l’intrigue principale. Mais aussi, la « Calliope House » dirigée par Verena, elle accompagne Plum dans un processus visant a s'accepter telle qu'elle est, de façon plus large elle vient en a la rescousse toutes les personnes que la société juge étranges. Si chacune de ces storylines s’avère entièrement pertinente elle n’aide pas réellement la série à se canaliser, elle ressort une sensation de fouillis.
Ainsi si Dietland est imparfaite, elle est aussi d’une grande nécessité. Elle confronte le spectateur à des questions sur la société qui nous entoure, sur ces diktats que l’on s’impose consciemment ou inconsciemment. Évoquant sans fard la grossophobie, Dietland nous emporte avant tout par son héroïne, sûrement parce qu’elle touche, qu’elle nous bouscule, nous fait mal parfois, elle rendra -on peut l’espérer- plus tolérant. 



Thibaut Ciavarella