[FUCKING SÉRIES] : Altered Carbon : Welcome to Bay City
(Critique - avec spoilers - de la saison 1)
Alors que le foutrement attendu Mute de Duncan Jones, fera décemment l'évènement d'ici la fin du mois sur la plateforme, Netflix continue a voguer amoureusement dans la SF futuriste et - surtout - rendant férocement hommage à l'univers de Philip K. Dick, via sa nouvelle série originale, Altered Carbon, adaptation du roman cyberpunk éponyme de Richard Morgan, qui incarne décemment le premier gros rdv de leur calendrier 2018, après la sympathique The End of The F***ing World.
Franchement ambitieuse sur papier, le show dystopique se paye un pitch aussi nébuleux que sincèrement accrocheur : en 2384, il est possible de tromper la mort, en numérisant sur des puces les pensées, souvenirs et la conscience des gens, avant de les placer à la base de la nuque dans des corps relégués au statut de simple bout de viande interchangeable.
Simple et efficace comme une carte SD dans son smartphone (le parallèle est évident), l'immortalité dans sa forme la plus artificielle et sordide qui soit.
Le hic c'est que, société futuriste et consumériste oblige, ce genre de privilège n'est permis qu'à ceux qui en ont les moyens, l'éternité ayant comme toute chose, un (très cher) prix.
C'est dans ce contexte fantasque ou la mort est reléguée au passé par la nouvelle technologie, que Takeshi Kovacs, soldat d'élite des Corps Diplomatiques ayant tenté de faire la révolution contre le nouvel ordre mondial 250 ans plus tôt, se voit offrir une renaissance improbable dans un tout nouveau corps.
Une seconde chance opérée à la demande d'un milliardaire, Laurens Bancroft, voulant en échange en faire son détective privé perso, pour qu'il découvre les tenants de son propre assassinat...
Dans ses bons moments, Altered Carbon arrive à plus ou moins s'aligner du bout de la pellicule sur les pas de son illustre ainé Blade Runner (auquel la révérence est tellement marquée que s'en est presque indécent), au sein d'un thriller futuriste enivrant, déstabilisant et sans moral (luxure, violence, etc...), à l'univers proprement fantastique (les effets numériques sont étonnamment léchés), qui aligne les faux-semblants à la pelle (milliardaire vivant plus de 300 ans, un soldat d'élite japonais se retrouvant coincé dans le corps d'un géant suédois mutique) et respecte au pied de la lettre tous les codes du genre science-fictionnel - voitures volantes et pistolets badass inclus.
Dans ses mauvais moments, le show peine à gentiment capter l'attention et tenir en haleine son auditoire, que ce soit autant par le prisme d'une enquête prétexte et étirée sur la longueur, sur la mort d'un mégalomane répugnant et antipathique (James Purefoy, avec tout le cabotinage qu'on lui connaît), des errances de cop show à peine plus défendable qu'un épisode Law & Order du pauvre; que dans son manque cruel de substance dans ses sous-textes majeurs passionnant (la lutte des classes, l'homme se prenant pour Dieu et la présence au quotidien de l'intelligence artificielle en tête), là où l'univers établit offre pourtant une multitude de possibilité à explorer.
Bourré de faiblesses/facilitées narratives, porté par des personnages souvent croqués à la truelle et interprétés avec autant de finesse (seuls Joel Kinnaman et Chris Conner peuvent se targuer d'être convaincant), tout en étant spectaculaire (les scènes d'action sont solides) et décomplexé (voire même un tantinet gore) et muée par une vraie envie de bien faire franchement louable, Altered Carbon n'est sans doute pas le hit SF espéré par Netflix, mais n'en est pas moins une première expérience plus qu'encourageante et sincèrement prometteuse.
Bestial, artistiquement irréprochable et addictive juste ce qu'il faut, le show mérite son binge-watching intense, mais peinera sûrement plus à marquer dans le temps les esprits des sériephiles endurcis.
Jonathan Chevrier