[CRITIQUE] : Dunkerque
Réalisateur : Christopher Nolan
Acteurs : Fionn Whitehead, Tom Hardy, Harry Styles, Mark Rylance, Cillian Murphy, Kenneth Branagh,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Guerre.
Nationalité : Américain, Français, Britannique, Néerlandais.
Durée : 1h47min.
Synopsis :
Le récit de la fameuse évacuation des troupes alliées de Dunkerque en mai 1940.
Critique :
#Dunkerque : Nolan signe une oeuvre tendue, humaine & follement immersive, sa caméra précise crie l'horreur de la guerre sans le moindre mot— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) July 17, 2017
#Dunkerque ou une claque somptueuse, une expérience sensorielle puissante. Nolan assume de + en + sa filiation avec Kubrick & ça lui va bien— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) July 17, 2017
Grand magicien qui considère chaque film comme un tour de passe-passe pour mieux divertir, voir même duper, un spectateur totalement acquis à sa cause - Le Prestige et Inception en sont des preuves probantes -, on avait laissé ce bon vieux Christopher Nolan il y a presque trois ans avec son majestueux Interstellar, accueillit avec un poil de froideur par la communauté cinéphile, là ou il incarnait pourtant un blockbuster d'anticipation aussi spectaculaire que fascinant et bouleversant.
Plus encore que la trilogie Dark Knight, Nolan y offrait une critique acerbe du fiasco humain (sans pour autant la jouer écolo bourrin) via une vérité biologique concrète - l'homme doit pouvoir se nourrir pour ne pas périr -, pour mieux lever la tête au ciel et lorgner vers les étoiles.
Comme si l'inconnu, l'indéfinissable dénué de toute divinité, pouvait incarner un avenir bienveillant pour l'humanité, même si l'idée de fuir une mort annoncée à des années lumières incarnait également la possibilité de se jeter à bras ouvert dans ses filets.
Un pur bijou métaphysique mué par un questionnement constant - et presque obsessionnel -, qui démontrait par A + B l'ambition première du cinéaste de se mesurer (tout en évitant de tomber dans la caricature du pompage bourré d'influences et sans saveur) aussi bien au cinéma de Stanley Kubrick que de celui de Steven Spielberg, tant il pioche de ça et là dans leurs monuments 2001, l'Odyssée de l'Espace (les robots ultra intelligents notamment, à l'opposé de H.A.L. pour le coup) et Rencontre du Troisième Type.
Pas étonnant alors de voir qu'il s'attaque à la Seconde Guerre Mondiale avec un projet rappelant, de manière mesurée, aussi bien Il Faut Sauver le Soldat Ryan (la tétanisante scène d'ouverture) que Les Sentiers de la Gloire (une mission suicide face à l'ogre Allemand).
Censé compter le récit de l'évacuation incroyable des troupes alliées en mai 1940 sur les côtes françaises, Dunkerque, plus qu'un simple devoir de mémoire nécessaire et appliqué, est avant tout et surtout un imposant moment de cinéma.
Et si Interstellar penchait in fine vers les atours du cinéma du papa de E.T. (et le sentimentalisme qui lui est si cher, tout autant que le thème de la famille, véritable point d'ancrage émotionnel de son cinéma), ici Nolan cite directement la mise en scène clinique du paternel de Shining; une volonté visible dès la durée particulièrement courte de son métrage (1h40 tout rond), assez inhabituelle pour une expérience Nolanienne ces dernières années, ou même encore la sobriété évidente de sa mise en scène.
Si le film de guerre semblait déjà nous avoir tout dit au fil des décennies, Dunkerque prend le pari de nous contredire à la fois par la force du sujet de son histoire (l'opération Dynamo est méconnue par beaucoup) que par le parti pris culotté de son invitation : une véritable plongée en immersion au coeur du chaos, aussi tendue qu'anxiogène et à la lisière du film muet - les dialogues sont rares -, tant le cinéaste s'échine à vouloir crier l'horreur de la guerre sans le moindre mot.
Collant son spectateur sur son siège dès sa scène d'ouverture dantesque (le final l'est tout autant), Nolan signe un véritable survival entre terre, ciel et mer; une course contre la montre haletante pour la survie d'une poignée d'hommes confrontés autant à un ennemi féroce (les soldats Allemands, que l'on ne voit presque jamais à l'écran) qu'à eux-mêmes et au temps (le sentiment d'isolation, d'oubli face au temps qui défile et qu'on ne contrôle pas), presque tout aussi puissant.
Immersion totale à la limite de l'étouffement vu son rythme (réellement) effrené d'une fluidité remarquable (avec quelques respirations salvatrices via quelques scènes plus " lentes "), le spectateur vit avec ce véritable classique instantané (oui, il l'est), une expérience qui va presque au-delà du septième art.
Car au fond, ce que nous montre le cinéaste est tout simplement une réalité historique douloureuse, vécue par une poignée d'hommes pris au piège et dont on ne connait rien ou presque - pas même leurs noms pour certains -, mais pour qui l'on ressent pourtant une profonde empathie tout du long.
Une narration un brin facile donc (et pas toujours cohérente également), totalement tournée vers l'humain et l'émotion (et symbolique dans sa volonté de retranscrire l'essence même de l'héroïsme), qui fait férocement mouche au final tant Nolan va constamment à l'essentiel, bien aidé notamment par un casting totalement voué à sa cause (Tom Hardy, Cillian Murphy et Mark Rylance sont parfaits, les découvertes Harry Styles et Fionn Whitehead sont convaincantes).
Sombre et violent sans ne jamais verser dans le déchainement visuel, d'un réalisme froid et cruel comme rarement peuvent l'être les blockbusters US d'aujourd'hui; Dunkerque est un divertissement total, un grand film de guerre - mais pas que -, une expérience aussi imposante et grisante qu'elle est intense, brutale et émotionnellement incroyable, qui nous hante encore longtemps après sa vision.
Ou quand un maitre du septième art est au sommet de son art et en complète possession de son sujet et de son talent, tout simplement.
Jonathan Chevrier