[CRITIQUE] : Mise à Mort du Cerf Sacré (Cannes 2017)
Réalisateur : Yorgos Lanthimos
Acteurs : Colin Farrell, Nicole Kidman, Barry Keoghan, Alicia Silverstone,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Thriller, Fantastique, Drame
Nationalité : Grec, Britannique.
Durée : 2h01min.
Ce film est présenté en compétition au Festival de Cannes 2017
Sortie en salles le 1er novembre 2017
Synopsis :
Dans un futur proche… Toute personne célibataire est arrêtée, transférée à l’Hôtel et a 45 jours pour trouver l’âme sœur. Passé ce délai, elle sera transformée en l'animal de son choix. Pour échapper à ce destin, un homme s'enfuit et rejoint dans les bois un groupe de résistants ; les Solitaires.
Critique :
#MiseàMortduCerfSacré ou un véritable cauchemar sur pellicule, percutant et dérangeant, dont le cynisme furieux hante longtemps après vision— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 27 mai 2017
Entre Cannes et Yorgos Lanthimos, c'est une belle histoire d'amour qui, on l'espère, n'est pas prête de s'éteindre sous les feux lumineux du septième art.
En 2009, le cinéaste grec secouait déjà énergiquement la section Un Certain Regard avec son dérangeant Canine, petite péloche WTF sous fond de tragi-comédie qui osait tout mais surtout n'importe tant le baromètre du ridicule était souvent au degré zéro.
2015, il pliait littéralement le Festival sous sa botte avec le magistral The Lobster, formidable conte d'une étrangeté réglée - et étonnement la péloche plus abordable de sa filmographie - qui ne croule jamais sous la richesse imposante de sa dystopie (tout du long cohérente) et offrant une brillante étude du sentiment amoureux : contrôlé, organisé et perdant tout sens de spontanéité et même de séduction.
Une claque sans nom, délirante et renversante, une love story bouleversante - magnifiée par la prestation parfaite d'un Colin Farrell " Her-isé " - jamais sacrifiée sur l'autel d'une critique acerbe et sans concession de notre société moderne; comme ans Her (mais également dans la délirante série Man Seeking Woman), Lathimos use de la chronique futuriste pour montrer les travers de notre présent et met en image l'angoisse du célibataire solitaire dans un monde ou ne pas être en couple défit la normalité, ou le couple est une nécessité vitale.
Prix du Jury à la clé, le voilà de retour pile-poil deux ans plus tard, toujours avec Farrell dans ses valises, pour Mise à Mort du Cerf Sacré, annoncé comme une comédie noire sous fond thriller psychologique férocement sombre, narrant les aléas macabres d'une famille tombant peu à peu sous la coupe d'un étrange adolescent.
N'ayant point perdu une once de son inventivité absurde et encore moins de la radicalité singulière de sa mise en scène (ici sensiblement plus grandiloquente), Lanthimos s'amuse une nouvelle fois à déstabiliser son spectateur par la force d'une tragédie grecque aussi terrifiante et glaciale qu'elle est métaphorique et fascinante, un thriller chirurgicale et intime à l'atmosphère incroyablement oppressante, citant volontairement les cinémas de Pasolini, Haneke et Kubrick (autant Shining que Eyes Wide Shut).
Singulier et infiniment troublant jusque dans son final certes prévisible mais puissant, le cinéaste poursuit la mise en image de ses thèmes chers (la solitude, l'apathie, l'étude pessimiste de la nature humaine, ici robotique et amorale, mais surtout l'American Way of Life et l'image de la famille ricaine faussement puritaine) et s'appuie sur les prestations impliqués de son duo vedette Colin Farrell (impeccable) et Nicole Kidman (jouissivement dérangeante); pour sublimer son cauchemar sur pellicule, percutant et esthétiquement remarquable, dont le cynisme furieux hante encore longtemps après sa vision.
Bref, du grand Lanthimos, tout simplement...
Jonathan Chevrier