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[CRITIQUE] : Silence


Réalisateur : Martin Scorsese
Acteurs : Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson, Tadanobu Asano,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Américain, Italien, Japonais, Mexicain.
Durée : 2h41min.
Synopsis :
XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.



Critique :



Trente ans, c'est le temps qu'il aura fallu à notre bon vieux Martin Scorsese, fervent catholique (dans sa jeunesse, il a étudié pour devenir prêtre), pour adapter le roman de Shusaku Endo, toute une vie de cinéma porté par la frustration de ne pas pouvoir monter un projet aussi difficilement attrayant pour les majors, qu'il est d'une ambition et d'une complexité incroyables à traduire sur pellicule.
Et alors que la course aux statuettes dorées bat actuellement son plein (saison des trophées ou il aurait décemment mérité une place de choix), le voilà qu'il nous assène sans crier gare, une de ces claques tellement puissantes que l'on peine autant à s'en remettre après sa vision, qu'à en capter toute la richesse et la beauté déchirante.



Sorte d'ultime opus à sa trilogie à fortes résonances bibliques, entamées par La Dernière Tentation du Christ avant d'être poursuivi par Kundun (et ce, même si sa ferveur religieuse aura marqué de son empreinte, la majorité de ses oeuvres), Silence est un brillant thriller théologique, dévastateur et intransigeant, filmé à hauteur d'hommes, autant enivrant qu'il est angoissant.
Tel un cinéaste en pleine possession de son sujet et de ses moyens, Scorsese offre une plongée au coeur de la spiritualité et de la sensibilité bouleversante, s'amusant à perdre volontairement son spectateur dans les tourments de deux jeunes jésuites portugais idéalistes et dévoués, eux-mêmes en pleine crise de foi.
A corps perdu, ils se lanceront dans une quête pour retrouver leur mentor, missionnaire chrétien engoncé dans la terreur d'un Japon oppressif, sous la houlette d'un shogun/dictateur férocement habité par l'envie de déraciner l'ombre de la figure occidental - et donc du christianisme - sur ces terres.

Citant Kurosawa dans sa mise en scène d'un Japon historique, tout autant que son riche cinéma (de la voix-off essentielle au thème de la trahison et de la foi, sans oublier son penchant pour les irruptions de violences cruelles, mais ici clairement légitimes et nécessaires), Scorsese ne s'érige jamais en figure inquisitrice faussement moralisatrice ou donneuse de leçon, laissant le soin à son auditoire de juger autant la dévotion aveugle des missionnaires, que la fourberie et la violence sourde des Japonais; dans un récit universel cruellement d'actualité, tant les crimes au nom de la religion, ne cessent d'être commis chaque jour (sans compter la religion en elle-même, méprisée par notre société consumériste et douloureusement égoïste).



Devant la caméra, magnétiques et fascinants, Andrew Garfield (qui frise une nouvelle fois la perfection, quelques semaines après Tu ne Tueras Point), Adam Driver (incroyable) et Liam Neeson (d'une justesse incroyable, son meilleur rôle depuis Le Territoire des Loups), sont totalement voués à la cause du métrage, et donnent vie avec une détermination et une intensité remarquable, à des personnages empathiques et finement scriptés.

Fresque religieuse sans prédication même si elle soulève bon nombre de questions profondes sur la religion, chef-d'oeuvre bouleversant et audacieux, techniquement et esthétiquement inattaquable (certains plans sont à tomber), Silence est indiscutablement l'un des sommets de la carrière immensément riche du génial Marty Scorsese qui, à 74 printemps, n'a décemment pas fini de nous surprendre.
L'un des immanquables de ce début d'année, et même de l'année ciné 2017, tout court.


Jonathan Chevrier