[CRITIQUE] : Nocturnal Animals
Réalisateur : Tom Ford
Acteurs : Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Michael Shannon, Aaron Taylor-Johnson, Isla Fisher, Armie Hammer, Laura Linney, Michael Sheen, Ellie Bamber, Karl Glusman,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h57min.
Synopsis :
Susan Morrow, une galeriste d’art de Los Angeles, s’ennuie dans l’opulence de son existence, délaissée par son riche mari Hutton. Alors que ce dernier s’absente, encore une fois, en voyage d’affaires, Susan reçoit un colis inattendu : un manuscrit signé de son ex-mari Edward Sheffield dont elle est sans nouvelles depuis des années. Une note l’accompagne, enjoignant la jeune femme à le lire puis à le contacter lors de son passage en ville. Seule dans sa maison vide, elle entame la lecture de l’oeuvre qui lui est dédicacée.
Dans ce récit aussi violent que bouleversant, Edwards se met en scène dans le rôle de Tony Hastings, un père de famille aux prises avec un gang de voleurs de voiture ultraviolents, mené par l’imprévisible Ray Marcus.
Après lui avoir fait quitter la route, le gang l’abandonne impuissant sur le bas-côté, prenant sa famille en otage. Ce n’est qu’à l’aube qu’il parvient au commissariat le plus proche, où il est pris en charge par le taciturne officier Bobby Andes . Un lien fort va se créer entre les deux hommes, et lier leurs destins dans la poursuite des suspects, coupables d’avoir donné vie au pire des cauchemars de Tony.
Susan, émue par la plume de son ex-mari, ne peut s’empêcher de se remémorer les moments les plus intimes qu’ils ont partagés. Elle trouve une analogie entre le récit de fiction de son ex-mari et ses propres choix cachés derrière le vernis glacé de son existence. Au fur et à mesure de la progression du roman, la jeune femme y décèle une forme de vengeance, qui la pousse à réévaluer les décisions qui l’ont amenée à sa situation présente, et réveille une flamme qu’elle croyait perdue à jamais.
Critique :
D'une élégance absolue, #NocturnalAnimals constitue une expérience cinématographique cathartique, toxique et jouissivement inconfortable pic.twitter.com/loPpc5B3co— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) January 4, 2017
Sept années, c'est autant de temps que de pêchés capitaux qu'il aura fallu au brillant Tom Ford, ex-empereur de la maison Gucci devenu metteur en scène prometteur, pour confirmer avec puissance une vérité qui avait déjà frappé les rétines des cinéphiles que nous sommes, à la vision du merveilleux A Single Man : le bonhomme, à l'instar de Jeff Nichols, est l'un des cinéastes les plus importants du cinéma ricain de la dernière décennie.
Amoureux du septième art usant avec finesse du processus de citation/réappropriation tout en étant l'artisan d'un vrai univers cinématographique aussi singulier qu'hyperstylisé, Ford fait de son second passage derrière la caméra, une sublime odyssée tout en tension et en fureur; un ride sensoriel inouïe entre Sam Peckinpah et David Lynch.
Véritable cauchemar sur pellicule d'une élégance sans nom, Nocturnal Animals est une histoire totalement engluée dans les limbes de l'âme humaine, centrée sur deux intrigues mises en parallèles : celle réelle d'une galériste à Los Angeles, Susan, et la mise en images du roman qu'elle lit, écrit par son ex-époux et contant l'attaque, dans le désert, d'une famille par un gang de violents rednecks.
D'une noirceur rare, le film happe son spectateur dès ses premières secondes (une ouverture avec des femmes nues dansant dans une galerie d'art, sous fond d'une musique très Bondienne) pour ne pus jamais le lâcher par la suite, le baladant avec habileté entre drame intimiste et éprouvant, et uvival autant terrifiant que viscéral, au sein d'un balai d'allers-retours ténébreux dans lequel Ford fait naitre une angoisse sourde à chaque morceau de pellicule.
Fasciné par le microcosme désabusé du paraître et de l'idéalisation du culte des corps et de la beauté - microcosme dont il fut un pion essentiel -, le cinéaste croque le destin fragile de Susan Morrow, une âme perdue enfermée dans une asphyxiante prison de verre, pour mieux égratigner les contours du monde contemporain, peuplés de narcisses égocentriques et matérialistes.
Sa Susan (Amy Adams, littéralement à tomber), rongée par la solitude mortifère d'une vie qui lui échappe, étouffe sous le poids écrasant de la frustration et des regrets, avant d'épouser la part d'ombre qui l'habite par la force éloquente d'un roman vénéneux et implacable, à la violence épouvantable.
D'un classicisme et d'une élégance absolue, toxique, brut dans ses émotions et sa violence, magnifique dans son interprétation (Jake Gyllenhaal et Amy Adams en tête), profitant d'une photographie majestueuse ainsi que d'une bande-son hallucinatoire d'Abel Korzeniowski, Nocturnal Animals constitue une expérience cinématographique cathartique, jouissivement inconfortable et sidérante de richesse, aussi obsédante qu'un Lost Highway ou un Twin Peaks.
Déjà l'une des oeuvres majeures d'une année ciné 2017 qui, on l'espère, les alignera à la pelle.
Jonathan Chevrier