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[CRITIQUE] : Exodus : Gods and Kings


Réalisateur : Ridley Scott
Acteurs : Christian Bale, Joel Edgerton, Ben Kingsley, Aaron Paul, John Turturro, Sigourney Weaver, Maria Valverde,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : 140 000 000 $
Genre : Péplum, Action.
Nationalité : Américain, Britannique, Espagnol.
Durée : 2h31min.

Synopsis :
L’histoire d’un homme qui osa braver la puissance de tout un empire.
Ridley Scott nous offre une nouvelle vision de l’histoire de Moïse, leader insoumis qui défia le pharaon Ramsès, entraînant 600 000 esclaves dans un périple grandiose pour fuir l’Egypte et échapper au terrible cycle des dix plaies.


Critique :

Nous avons beau discuter un brin - pour être poli - les derniers choix artistiques du papa de Gladiator (une suite à Blade Runner, really ?) tout autant que ces derniers essais sur grand écran (le décevant Prometheus, l'injustement critiqué Cartel, tout simplement le thriller le plus savoureusement jusqu'au-boutiste et nihiliste de ces dernières années), tout cinéphile un minimum avertit ne peut pourtant que considérer chaque nouvelle péloche de Ridley Scott comme un putain d'événement.

Surtout que le bonhomme, à l'instar des derniers grands faiseurs d'Hollywood comme Marty Scorcese ou Steven Spielberg, privilégie une mise en scène du spectaculaire old school, usant du numérique que lorsqu'il est réellement nécessaire.

Alors, à l'annonce de son attachement à la nouvelle relecture du récit biblique fondateur l'Exode, Exodus : Gods and Kings, on ne pouvait que se délecter à l'avance que de voir que les ambitions de l'ainé des Scott et son amour pour les fresques épiques, n'ont jamais été aussi forte que depuis le mal-aimé Kingdom of Heaven.


Excité mais tout autant méfiant, tant il était une évidence que dans l'industrie Hollywoodienne actuelle, Exodus n'avait pas réellement sa place - remember le récent Noé de Darren Aronofsky -, et que pour se plier aux exigences financières de sa major désireuse de distribuer un film mainstream, Scott allait certainement tailler dans le gras dans son épopée extraordinaire, prenant méchamment le risque d’annihiler toute la cohérence et tout le souffle épique de son œuvre (comme ce fut le cas pour le mésestimé Kingdom of Heaven).

Un risque plus qu'envisageable, tout comme celui de voir sa péloche instinctivement comparé au chef d’œuvre Les Dix Commandements de Cecil B. DeMille, référence ultime quand on parle du périple du prophète Moïse sur grand écran (honte à ceux qui citeront Le Prince d’Égypte comme référence...).

Une promesse casse-gueule donc - et même plutôt deux fois qu'une -, mais quand on connait l'amour du cinéaste pour les péplums et les grandes fresques (1492, Gladiator, Kingdom of Heaven mais aussi le critiqué Robin des Bois), et aux vues du casting imposant qu'il a su convoqué pour l'occasion, nous étions en droit d'espérer que même bancal, Exodus aurait tout du métrage majeur et spectaculaire de cette fin d'année ciné 2014, qu'il clôturerait en grande pompe en incarnant son ultime blockbuster.

Épique, c'est inévitablement le premier mot qui viendra à la bouche de tout spectateur à la suite des 2h30 proprement spectaculaire offerte par un Ridley Scott plus en forme et inspiré que jamais, pour conter cette histoire d'un homme au destin extraordinaire, concerné par le sort de son prochain au sein d'une société au bord de la rupture, ou le peuple ne demande qu'à s'embraser face à l'oppression qu'il subit abusivement, et qui verra en Moïse - l'homme à abattre pour le pouvoir en place -, un leader qui imposera définitivement la rupture et le changement.


On y retrouve aisément les thèmes chers du cinéma du bonhomme (la soumission d'un peuple, la conquête de territoires, ou encore la religion, la solitude du pouvoir et la remise en question du pouvoir établit), tout comme son habitude à prendre son temps pour installer aussi bien les tenants que les aboutissants de son intrigue - quitte à paraitre redondant.

Visuellement à tomber (la retranscription des dix plaies de l’Égypte, un brillant moment de cinéma à elle toute seule), magnifié par des plans à l'ampleur indécente, des scènes d'action d'une fluidité et d'une efficacité à couper le souffle (dont une scène de bataille incroyable, la marque de fabrique du british, dont la brutalité et le découpage rappelle fortement celle du château de Kerak dans Kingdom of Heaven), ainsi qu'une reconstitution minutieuse et remarquable, le film tire surtout sa force imposante sur la composition investie de son duo titre, campé par Christian Bale et Joel Edgerton.

Avec tout l'immense talent qu'on lui connait, le premier bouffe littéralement l'écran et porte la péloche sur ses larges épaules dans la peau de Moïse, personnage aussi fort que complexe.
Parfait de bout en bout (quand ne l'est-il pas, en même temps) et à la prestance inégalable, il incarne un prophète convaincant, tout en rage et en charisme, déchiré par son amour pour l’Égypte et son devoir de sauveur.

Face à lui, et même si il peine clairement à renvoyer la balle avec intensité à un Bale (jeu de mots bidon) en complet état de grâce (ce qui tombe bien pour le coup... jeu de mots bidon bis), le second s'en sort avec les honneurs sous les traits du despotique et tyrannique Ramses II, un leader immature et vulnérable (ses peurs sont d'ailleurs très bien pointés), écrasé par son égo et sa soif de pouvoir sans limite.


Intelligemment conscient de la portée religieuse trop imposante et écrasante de son propos (il proposera cependant une réflexion pertinente sur l'interprétation des messages religieux), Sir Ridley choisit d'entièrement se focaliser sur la fascinante et bouleversante lutte fratricide entre l’hébreu et le pharaon, aux destinées diamétralement opposées et séparés par une force qui ne peut que les dépasser.

Son film s'ouvre d'ailleurs sur cette opposition tragique (on fait main basse sur le passé du prophète) et étendra ce fil conducteur - à la psychologie travaillée - sur tout son long, même si le périple solitaire (fondement même de l'Exode) et divin de l'homme ordinaire qu'est Moïse, reste la pierre angulaire de son récit.

Une vision tout aussi respectueuse dans sa généralité qu'infiniment personnelle de l'Ancien Testament (on peut décemment y voir un hommage touchant et vibrant à son frangin, feu l'éternellement regretté Tony Scott) donc, qui si elle s'avère maitrisé et rythmé - même si son tronçonnage est évident -, souffre pourtant de plusieurs défauts qu'il est difficile de ne pas pointer un poil du doigt.

Sa relecture historique remplit d’anachronismes et d’inexactitudes en premier lieu (et non pas son casting de stars " blanches " comme diront certains, un argument indispensable pour rendre finançable un tel projet aujourd'hui à Hollywood), mais également l'image discutable qu'il donne de Moïse - tranchant littéralement avec celles des précédentes adaptations -, celui-ci étant montré ici comme un homme plutôt pragmatique, allant jusqu'à, parfois, douter de sa mission divine.


Scott va même plus loin en le montrant en chef de guerre opératique et fin stratège, poussant aussi bien le peuple hébreux que celui égyptien, à se révolter contre Ramses II.
Ou un véritable leader/général comme Maximus Decimus Meridius dans Gladiator, comme Balian dans Kingdom of Heaven ou encore Robin Longstride dans Robin des Bois, véhiculant une image guerrière qui ne colle sensiblement pas avec la figure connue du berger insoumis qui défia le big boss pharaon (image discutable tout comme la personnification improbable du messager de Dieu en... enfant).

Mais ce qui tire finalement le plus Exodus vers le bas, ce sont les (trop) nombreux raccourcis scénaristiques opéré par les nombreux scénaristes - Bill Collage, Adam Cooper et Steven Zaillian - et le metteur en scène, nuisant pleinement au traitement - pour le coup proprement anecdotique - des personnages secondaires dont les acteurs sont cantonnés à de la figuration pure et dure (dommage pour l'excellent John Turturro, à la partition courte mais joliment étonnante).

En particulier la majorité des personnages féminins (mis à part, dans une certaine mesure, celui de la femme de Moïse interprété par la sublime Maria Valverde), Sigourney Weaver - la mère de Ramses - en tête.

Cependant, difficile de lui jeter complétement la pierre sur ce point, puisqu'on se répète, le Ridley a probablement dût méchamment tronçonner son montage final pour offrir une version déchiquetée - surtout en ce qui concerne le dernier tiers et l'Exode - mais visuellement conforme à ce que toute major considère aujourd'hui comme visuellement vendeur et racoleur (pour preuve sa 3D tout simplement injustifiée et inutile).


Un sacrifice sur l'autel du spectacle dont le jugement définitif, comme à l'instar de Kingdom of Heaven - mais surtout l'Alexandre d'Oliver Stone -, ne pourra se faire qu'à la vision du prometteur director's cut du bonhomme, qui arrivera on l'espère, lors de sa sortie dans les bacs en DVD/Blu-Ray.

Mais dans l'état et malgré ses nombreuses lacunes, le nouveau Ridley Scott envoie sacrément du petit bois, en divertissement absolument total qu'il est, sans parti-pris politique et non édulcoré (miracle !), et qui démontre que le réalisateur n'a pas - ou peu - d'égal dans l'industrie pour pondre une œuvre de fiction historique colossale (en gros, prends ça bien dans les dents Aronofsky !).

Puissant, passionnant, intense et spectaculaire même si il manque cruellement d'enjeux émotionnels (et, un peu, d'empathie), Exodus : Gods and Kings s'inscrit aisément dans la plus pure tradition du péplum, en étant l'un des plus beaux et vibrant hommage au genre depuis Gladiator (et dans une moindre mesure, le plus intimiste Agora), un divertissement au cachet aussi moderne qu'à " l'ancienne ".

Bref, un péplum comme on les aime, techniquement inattaquable, et qui permet à l'année ciné 2014 de finir en beauté, au même titre que les merveilleux Whiplash, A Most Violent Year et Cold in July.


Jonathan Chevrier


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