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[CRITIQUE] : Magic in The Moonlight


Réalisateur : Woody Allen
Acteurs : Emma Stone, Colin Firth, Marcia Gay Harden, Jacki Weaver, Hamish Linklater,...
Distributeur : Mars Distribution
Budget : -
Genre : Comédie, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h38min.

Synopsis :
Le prestidigitateur chinois Wei Ling Soo est le plus célèbre magicien de son époque, mais rares sont ceux à savoir qu’il s’agit en réalité du nom de scène de Stanley Crawford : cet Anglais arrogant et grognon ne supporte pas les soi-disant médiums qui prétendent prédire l’avenir. Se laissant convaincre par son fidèle ami Howard Burkan, Stanley se rend chez les Catledge qui possèdent une somptueuse propriété sur la Côte d’Azur et se fait passer pour un homme d’affaires, du nom de Stanley Taplinger, dans le but de démasquer la jeune et ravissante Sophie Baker, une prétendue médium, qui y séjourne avec sa mère.


Critique :

Plus boulimique de pellicule que jamais avec son rythme d'une péloche par an, nous avions laissé ce bon vieux Woody Allen en septembre dernier avec ni plus ni moins que l'un de ses plus beaux films, Blue Jasmine, qui lui permettait d'opérer un retour aux sources de bien des manières.

Un retour vers un cinéma plus exigeant, plus sombre et pensé, un virage quasi-inespéré dans la carrière d'un petit bonhomme aussi sympathique que généreux, dont les plus beaux chefs d’œuvres semblaient malheureusement derrière lui, mais dont les angoisses de metteur en scène sont elles, toujours bien présentes à ses côtés.
Un retour dans son Amérique natale - à San Francisco -, mais surtout un véritable comeback à son grand amour, les femmes, et son talent unique pour en dresser des portraits romantico-dramatique aussi savoureux qu'intéressant, genre qu'il n'avait plus vraiment abordé depuis Melinda et Melinda.

Si sur le papier, Magic in The Moonlight paraissait nettement moins ambitieux - un film sur deux du Woody depuis des années, s'avère moins bon que le précédent -, il ne promettait pas moins d'offrir une jolie escapade Allenienne comme on les aimes, dans la French Riviera des années 20.
Une comédie romantique bien plus proche de ses récents longs, avec pour vedette le couple improbable composé du génial et séduisant british Colin Firth ainsi que de la pétillante et so cute Emma Stone, dont c'est les premières apparitions dans le cinéma du papa d'Hannah et ses Sœurs.


Magic in The Moonlight donc, ou l'histoire du prestidigitateur chinois Wei Ling Soo, qui est le plus célèbre magicien de son époque.
Mais rares sont ceux à savoir qu’il s’agit en réalité du nom de scène de Stanley Crawford : un Anglais arrogant et grognon qui a une très haute estime de lui-même, et qui ne supporte pas les soi-disant médiums qui prétendent prédire l’avenir.
Se laissant convaincre par son fidèle ami Howard Burkan, lui aussi prestidigitateur, Stanley se rend chez les Catledge qui possèdent une somptueuse propriété sur la Côte d’Azur : il y fait là-bas la connaissance de la mère, Grace, du fils, Brice, et de la fille, Caroline.
Il se fait passer pour un homme d’affaires, du nom de Stanley Taplinger, dans le but de confondre la jeune et ravissante Sophie Baker qui séjourne chez les Catledge avec sa mère.

Celle-ci a été invitée par Grace, convaincue que la jeune fille pourra lui permettre d’entrer en contact avec son défunt mari.
Or, le problème est que dès son arrivée dans la propriété, Brice son rejeton, est tombé fou amoureux d’elle.
Dès que Stanley rencontre Sophie, il fait bien peu de cas de cette créature aussi frêle qu’insignifiante qu’il pense démasquer en un rien de temps.
Pourtant, à sa grande surprise, Sophie prouve qu’elle a des dons de télépathie et accomplit des exploits surnaturels qui dépassent l’entendement.
Sans explication rationnelle, Stanley est mal à l’aise et stupéfait, et il ne tarde même pas à confier à sa chère tante Vanessa qu’il commence à se demander si les pouvoirs de Sophie ne sont pas réels.

Dans cette hypothèse, Stanley comprend qu’alors tout deviendrait possible, et que le monde serait plus heureux, mais que toutes ses certitudes en seraient ébranlées.
Désormais, la magie – dans tous les sens du terme – va contaminer les personnages et bouleverser leur vie.

Mais n’avons-nous pas tous, plus ou moins, envie d’y croire ?


Malheureusement, comme le laissait craindre les mauvaises habitudes du sieur Woody d'aligner grand cru puis petit cru depuis près de trois décennies maintenant - la quantité ayant toujours un impact certain sur la qualité -, Magic in The Moonlight est bien loin de tutoyer du bout de la pellicule, l'exception de son ainé Blue Jasmine, puisque le cinéaste, bien moins impliqué à la tâche, ne semble pas ou peu s'intéresser à la mise en scène de son histoire, tant elle parait ici plate, sans éclat et simpliste à l'extrême.

Pourtant curieusement, sa narration elle, reste toujours aussi brillante, le bonhomme n'ayant rien perdu de sa science des relations humaines et de la finesse piquante de ses dialogues, allant même jusqu'à se payer le luxe de retranscrire avec brio la mélancolie et la fantaisie légère de l'âge d'or cher à l’œuvre de Francis Scott Fitzgerald.

Un vrai travail pour le moins soigné donc, dans lequel Allen traite également d'un de ses objets de fascination fétiche, la magie (intérêt certain qui lui permettra d'ailleurs de signer ici un joli parallèle entre l'illusionniste et le metteur en scène, deux maitres dans l'art de se jouer de la réalité et du langage de la fiction, dont le métier est basé sur la croyance de son auditoire), même si il est vrai que quelques longueurs se font parfois ressentir - un comble pour un film dépassant à peine les quatre-vingt dix minutes de bande.

Alors quelle mouche peut-elle bien constamment piquer le Woody pour qu'il se saborde lui-même, un coup sur deux ?


La question se pose bien là, puisque l'on se l'était déjà posé sur Scoop, sur Vous allez rencontrer un sombre et bel inconnu ou même le récent To Rome With Love, et dont nous n'avons toujours pas la réponse.

Un dilemme irrésolu mais qui ne nui pas plus que cela - cette fois - à l'appréciation de son nouvel essai puisqu'aussi improbable que cela puisse l'être, si le métrage n'est pas un millésime d'exception, il n'en reste pas moins un très bon cru Allenien, léger, sardonique et pétillant qui se consomme avec un certain plaisir non-feint.

Péloche entièrement construite sur le thème de la duperie et de l'illusion, s'articulant autour d'un enjeu dramatique simple mais efficace - un magicien tombe amoureux de celle dont qu'il veut prouver l'escroquerie -, et porté par les questions existentielles qui motive tout le cinéma du Woody (la vie, la mort, l'amour, la magie, la croyance, le jeu des apparences), Magic in The Moonlight est avant tout et surtout, une romcom à la romance impossible semée d'embuches, un joli duel entre la raison et la passion, deux visions bien différente du monde de laquelle découlera plus d'une petite situation savoureuse et cocasse.

La raison, ou l'esprit d'un cartésien qui ne croit ce qu'il voit, qui distille les illusions sans qu'il n'en est plus une seule lui-même, et la passion, personnifiée par la sublime médium, l'objet de toutes les tentations qui, part la force de plusieurs événements, va faire perdre pied au premier au point qu'il remette en cause presque toutes ses croyances.

Ou quand l'amour, plus imposant et puissant que tout, peut pousser à renier même l'impensable.


Dans la peau de l'égocentrique et misanthrope Stanley Crawford, personnage typiquement Allenien, on retrouve un Colin Firth bien plus inspiré que sur ces récents rôles (ceux d'Arthur Newman et Before I Go To Sleep), tout en retenue et génial de cynisme face à une Emma Stone " Mia Farrow-esque ", merveilleuse de charme et de spontanéité dans la peau de l'instinctive Sophie Baker.

Ensemble, leur alchimie, improbable mais à l'évolution plus que séduisante, est le ciment d'un film basé justement, sur leur jeu de ping-pong verbal ou chacun renvoi constamment la balle à son opposant, se teste avant de finalement se laisser enivrer par l'autre.

A leurs côtés, on remarquera la présence attachante d'un Hamish Linklater désopilant en amoureux transi, ainsi que de l'immense Jacki Weaver, parfaite même si un poil trop en retrait.

Romanesque, bohème, drôle et d'une beauté sans nom grâce notamment à la photographie somptueuse et lumineuse d'un Darius Khondji (déjà à l’œuvre sur Minuit à Paris) bien plus inspiré quand il est à l’œuvre que son metteur en scène, sans oublier des décors, des costumes et une musique jazzy entrainante rappelant judicieusement les années 20, Magic in The Moonlight n'est certes pas le meilleur Allen mais il n'en est pas moins une œuvre élégante, vintage et pétrie de charme.


On aurait aimé y retrouver un Allen plus original et impliqué, mais comme il alterne toujours le génial et le moins bon, on va donc patiemment attendre le thriller qu'il est en train de tourner avec Joaquin Phoenix et sa nouvelle égérie Emma Stone, pour s'offrir un beau et grand moment de cinéma.

Le rendez-vous est déjà pris pour l’année prochaine.


Jonathan Chevrier