[CRITIQUE] : L'Homme qu'on aimait trop
Réalisateur : Alain Téchiné
Acteurs : Guillaume Canet, Catherine Deneuve, Adèle Haenel, Jean Corso,...
Distributeur : Mars Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h56min.
Synopsis :
1976. Après l’échec de son mariage, Agnès Le Roux rentre d’Afrique et retrouve sa mère, Renée, propriétaire du casino Le Palais de la Méditerranée à Nice. La jeune femme tombe amoureuse de l’homme de confiance de Renée, Maurice Agnelet, un avocat de dix ans son aîné. Maurice a d’autres liaisons. Agnès l’aime à la folie. Actionnaire du Palais de la Méditerranée, Agnès veut vendre sa part de l’héritage familial pour voler de ses propres ailes. Une partie truquée siphonne les caisses de la salle de jeux. On menace Renée. Derrière ces manœuvres guerrières plane l’ombre de la mafia et de Fratoni le patron du casino concurrent qui veut prendre le contrôle du Palais de la Méditerranée. Tombé en disgrâce auprès de Renée, Maurice met en relation Agnès avec Fratoni qui lui offre trois millions de francs pour qu’elle vote contre sa mère. Agnès accepte le marché. Renée perd le contrôle du casino. Agnès supporte mal sa propre trahison. Maurice s’éloigne. Après une tentative de suicide, la jeune femme disparaît à la Toussaint 1977. On ne retrouvera jamais son corps. Trente ans après, Maurice Agnelet demeure l’éternel suspect de ce crime sans preuve ni cadavre. Convaincue de sa culpabilité, Renée se bat pour qu’il soit condamné…
Critique :
Force est d'admettre que le nouveau André Téchiné faisait parti de ses curiosités Cannoises de l'année, qui nous alléchait au plus haut point, et dont il nous tardait impatiemment de pouvoir mirer dans les salles obscures.
Et même pas qu'un peu, tant L'Homme qu'on aimait trop avait sur le papier, tout pour séduire le cinéphile le plus lambda.
Un cinéaste de génie derrière la caméra, un casting élégant devant, allant de la précieuse Catherine Deneuve - habituée du cinéma du bonhomme - au génial Guillaume Canet - de retour devant la caméra, après son joli exercice de style Blood Ties -, sans oublier la nouvelle étoile montante du cinéma français, Adèle Haenel, le tout concentré dans une intrigue pleine de mystère, et une fois encore librement inspiré de l'actualité récente - comme Les Témoins ou encore La Fille du RER en 2009.
Ou l'affaire Le Roux, qui défraya la chronique judiciaire niçoise à la fin des années 70, et dont le dernier procès la concernant, s'est clôt en avril cette année.
Et quand on connait le soin et l'habileté du bonhomme quand il s'empare de faits divers célèbre, on était en droit de s'attendre à l'un des drames français les plus séduisants de l'année.
Ce qui s'avère in fine, plus ou moins le cas...
A Nice, en 1976, Agnès Le Roux, fille de la propriétaire du Palais de la Méditerranée, Renée Le Roux, tombe amoureuse de Maurice Agnelet, un bel avocat de dix ans son aîné.
Il a d’autres liaisons, elle l’aime à la folie.
Sur fond de guerre des casinos, il la met en relation avec Fratoni, le sulfureux concurrent de sa mère, qui lui offre 3 millions de francs pour prendre le contrôle du casino.
Agnès accepte mais supporte mal sa trahison. Maurice s’éloigne.
Après une tentative de suicide, la jeune femme disparaît, et on ne retrouvera jamais sans corps.
Pour autant, Renée Leroux est convaincue de la culpabilité de Maurice, qui s’est entre-temps, exilé au Panama.
Cette mère en deuil va tout tenter pour faire condamner son coupable...
Il y avait quelque chose d'emballant à se voir proposer une version cinématographique d'un fait divers ayant nourrit - souvent à outrance -, les émissions de télévisions spécialisées dans les affaires judiciaires, tant celui-ci, à l'instar de beaucoup d'autres, se retrouve encore plus de trente ans plus tard, entouré d'un épais mystère et sans aucun vrai dénouement.
On ne pourra donc que félicité le romanesque Téchiné de s'être atteler à la tâche en étalant son film sur plus de trente ans, même si dernièrement, sa faculté d'ancrer son histoire dans un réel social n'a pas forcément toujours fait mouche (La Fille du RER et Les Impardonnables notamment), malgré la justesse du naturalisme de sa narration.
Le seul soucis de cette entreprise, construite sur un long flashback, c'est qu'on se sait pas réellement dans le fond, ou veut en venir le metteur en scène, tant la restitution de cette affaire, opérée avec une certaine honnêteté, n'apporte rien ou presque de plus à tous ceux ayant un minimum suivit l'affaire tant elle ne se permet aucune hypothèse ni parti-pris sur les réelles responsabilités de l’accusé, Maurice Agnelet (justement condamné à vingt ans de réclusion en avril dernier).
Chronique sous fond d'enquête judiciaire ? Charge massive contre l'obscur Agnelet ? Décorticage psychologique d'Agnès Le Roux, amoureuse d'un amant trop ambitieux tout autant que sa relation conflictuelle d'avec sa mère sous fond d'héritage ?
Un peu tout à la fois dans le fond, Téchine - le cul entre deux chaises pour éviter toute diffamation -, court derrière tous les lièvres pour démontrer la perversité des relations face au pouvoir et à l'argent, au point de ne jamais réellement trouvé son souffle dans une narration morcelée et sans réel point de vue (même si l'intrigue elle, aligne les opinions diverses), complétement tronqué dans sa version contemporaine par des grimages franchement maladroit, des dialogues un peu trop écrits - et sonnant souvent faux - et des reconstitutions de procès à l’intérêt partiel.
Dommage car un parti-pris un peu plus tranchant - le film s'inspire tout de même du roman Une Femme face à la Mafia de Renée et Jean-Charles Le Roux - aurait permis au métrage et à son histoire très Shakespearienne, de s'envoler et d'un peu plus marquer la rétine, tant l'idée du deuil impossible d'une mère face à un accusé réchappé de tout, concentrait à lui seul toute l'essence même de l'histoire.
Et pourtant celle-ci, bien moins croquée qu'elle n'aurait dut l'être, se voit totalement aspirée par Agnès Le Roux dans cette histoire, toute la force du métrage tenant véritablement (ainsi que sur la puissance de ses confrontations) sur le beau portrait de ce personnage aussi fragile et romantique que profondément désespérée et manipulable, la passion irraisonnée et dévorante qu'elle a pour un amant justement trop aimé - et étrangement au second plan -, et la vengeance de celle-ci sur une mère femme d'affaire, qui se verra vite flouée avant d'incarner une génitrice éplorée par la disparition douteuse d'une héritière avec qui elle a toujours eu une relation compliquée.
C'est dans sa peinture de cette femme enfant des années 70, qui se cherche et en plein conflit intérieur, que Téchiné semble le plus inspiré, retrouvant tout le romanesque qui a rendu si cher son cinéma, et permettant de facto à son rythme de perdre toute sa lenteur.
Si il rate également quelques détails assez important - la description du monde faste et rude de la bourgeoisie niçoise -, le cinéaste peut en revanche, s'appuyer sur un casting totalement voué à sa cause et tout simplement exceptionnel.
Catherine Deneuve - dont c'est la septième collaboration avec le metteur en scène -, apporte toute l'énergie nécessaire à cette mère autoritaire, dure et froide mais dont les bons sentiments maternels ne sont jamais loin.
Guillaume Canet, exceptionnel et au charme ravageur, incarne à la perfection ce séducteur ambitieux/suspect idéal, captant à merveille tout le mystère et l'arrogance qui caractérise Maurice Agnelet.
Quand à Adèle Haenel, véritable bouffée d'air frais, elle incarne avec force et fragilité la complexe Agnès Le Roux, jeune femme qui cherche à s'éloigner de la pression familiale en se brulant les ailes par le biais d'une passion dévorante.
Absolument sublime, la justesse de son jeu et sa présence tantôt séduisante tantôt desespérée, nous renverse littéralement tout du long.
Drame romanesque élégant et tendue qui radioscopie un à un ses personnages avec habileté sans pour autant pleinement captiver l'intérêt, L'Homme qu'on aimait trop n'emporte jamais vraiment l'adhésion la faute à une trop grande retenue et un manque total de prise de risque, même si il est vrai que l'honnêteté de sa vision apporte quelques jolies choses sur grand écran.
Un nouveau long métrage assez singulier et inégal, qui nous fait espérer que pour son prochain long-métrage, André Téchiné se laisser aller à un sujet beaucoup plus novateur...
Jonathan Chevrier