[CRITIQUE] : Nymphomaniac - Volume 1
Réalisateur : Lars Von Trier
Acteurs : Charlotte Gainsbourg, Stacy Martin, Stellan Skaarsgard, Christian Slater, Uma Thurman, Shia LaBoeuf,...
Distributeur : Les Films du Losange
Budget : 9 400 000 $
Genre : Érotique, Drame.
Nationalité : Danois, Belge, Français, Allemand.
Durée : 1h50min.
Synopsis :
La folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est auto-diagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d’hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l’interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours.
Critique :
Dire que l'on était salement alléché par le nouveau délire provocateur du maitre de la provocation - mais tout autant grand cinéaste - Lars Von Trier, est un doux euphémisme.
Bah oui, des stars qui font du cul, ça attire toujours l’œil même si le bonhomme nous assurait que les fameuses parties intimes de ses interprètes, seraient moulées informatiquement sur celles de vrais stars pornos...
Ouais, on te crois Lars, surtout que la Charlotte et le Willem, ils n'avaient pas eu recours aux images de synthèses pour leurs coïts intenses dans Antéchrist, et qu'il t'était pas venu à l'idée de rendre le tout plus artificiel pour le coup.
M'enfin bref, la censure elle, t'a pris au mot, car même si la bande a sensiblement été charcutée (on passe à deux opus de quatre heures au lieu d'un maousse de 5h30), le tout reste bougrement interdit aux moins de dix-huit ans dans l'hexagone, parce que le cul, la bite, la foufoune et les nichons c'est encore trop hot pour être totalement assumé dans nos salles obscures.
Par contre, on ne se prive pas de sodomiser les spectateurs avec des prix exorbitants et des 3D de plus en plus inutiles, mais là encore, c'est une autre histoire (de fesses, et pas d'amour également).
Mais qui dit censure et amputation - dans une œuvre coupée en deux de surcroit -, dit obligatoirement une œuvre incomplète, et forcément, qu'on le veuille ou non, c'est un Nymphomaniac infirme face auquel on a à faire en salles, qui comporte donc des qualités et des défauts qui seront sensiblement absents de la version director's cut.
La présente critique ne se penchera donc que sur ce premier volume, et verra sans aucun doute son appréciation grimper à la hausse à la vision du second, et surtout, de la version intégrale.
Et inutile de dire que ce dit premier volume, laisse salement sur sa fin, tant on a l'impression d'être face aux feux films érotiques du dimanche soir sur M6, là ou on s'attendait justement, au porno crypté made in Canal.
Oui, Nymphomaniac volume 1, c'est un peu du cul au rabais, le genre de porno à mamie qui remet totalement en cause la campagne promotionnelle acharnée et tout de chairs brulantes et dévêtues, qui s'était évertué à salement nous faire monter le chibre ses derniers mois.
Une belle promesse X loin d'être tenue, qui nous pousse à nous demander si ce n'est pas encore une fois, un gros coup de pute fomenté une nouvelle fois par le mister Lars, surtout qu'on aurait franchement du mal à croire que cette version censurée n'était pas prévue depuis un bon bout de temps...
Mais plus que de manquer de sexe - bon, on a quand même droit à de l’érection, de la foufoune poilue, du Shia qui nique comme un nerveux, à de la pipe au rabais et à une pénétration non-simulée -, Nymphomaniac manque surtout d'une chose essentiel : de la passion et du désir.
A la différence de La Vie D'Adèle (qui n'est pas un porno mais qui n'est pas manchot niveau scènes very very hot), ou les rapports transpiraient l'excitation et l'envie bouillonnante de l'autre, ici, tout pue la mécanique, le creux et l'anti-érotisme à plein nez, tout pour bander mou même si la jolie Stacy Martin incarne un viagra assez efficace en son genre.
Dommage car force est d'admettre que le pitch de départ - tout autant que l'ouverture sublime - était salement accrocheur...
La vie décomplexée de Joe, nymphomane de son état donc, qu'elle conte au vieux célibataire qui l'a recueillit alors qu'elle gisait inconsciente, Seligman, est divisé en huit chapitres, dont cinq figures déjà dans ce premier opus, rien que ça.
Mais au-delà de lui raconter qu'elle a enchainé les fellations pour quelques chocolats dans un train (sacré pari !), son ressentis face à sa première expérience sexuelle et sa haine de l'amour, ainsi que ses douleurs intérieurs (la mort de son père, le manque de ne pas avoir été élevé par sa mère), Joe cherche d'une certaine manière, à expier ses " pêchés " comme elle les appelle.
Une relation perverse presque Freudienne - et donc très bavarde - s'installe alors entre elle et Seligman, ou quand une patiente cherche le salut/la rédemption en confessant son existence de dépravée à son thérapeute/prêtre.
Alors on ne critique pas hein, se la jouer cérébrale et théoriser sur le sexe, la quête du désir et la différence entre baiser et faire l'amour, c'est on ne peut plus intéressant sachant que le Lars y traite de la majeure partie de ses thèmes chers (la sexualité, la femme, les traumas psychologiques, la douleur sous toutes ses formes, la folie), et encore plus quand le jeu de ping-pong verbal est assuré par les excellents Charlotte Gainsbourg et Stellan Skarsgard, mais ce n'est pas réellement ce que l'on est venu chercher en entrant dans la salle.
Pire même, les dites scènes illustratives - loin d'être des parties de plaisirs - paraissent même de trop, tant la puissance du duo, la photographie très grise et quelques idées de scénaristiques bien senties (le chapitre avec Uma Thurman est joliment drôle, tandis que le calvaire medical de Slater est foutrement dérangeant), suffisent amplement à divertir le spectateur, pimenté parfois, par quelques plans d'une beauté sans nom, dont seul le cinéaste a le secret (quelle ouverture, quel split-screen final ou encore la mouille qui coule le long de la cuisse...).
Et si un film sur la nymphomanie sans cul et en mode Sadness Therapy, aurait été la solution la plus intelligente et logique in fine ?
C'est les accros à YouPorn qui vont tirer la gueule...
Parlant plus de la sexualité qu'il ne la montre, loin d'être sulfureux et beaucoup trop démonstratif pour convaincre mais assez ludique pour se mirer sans trop crier au scandale, Nymphomaniac volume 1 n'est pas le journal intime d'une salope espérée, mais bien celui d'une femme intelligente qui a su se servir de son vagin comme une arme de destruction massive face à l'homme bête, arrogant, mysogine et brutal.
Beau dans sa tristesse, aux dialogues merveilleux (quand on omet la tendance du discours à toujours tout souligner ce que l'on vient pourtant de déjà voir) et à la mise en scène tout aussi prodigieuse que son montage, mais lourdement boiteux et manquant cruellement de substance, de puissance et surtout d’insolence et de provocation (alors que la péloche se devait justement d'être, la provocation ultime d'un provocateur sans limite), le film se regarde tout autant qu'il incarne une putain de frustration salement emmerdante vu l'exception de son metteur en scène, dont on reniait déjà son Melancholia il y a deux ans.
Une fois encore, si le cynique Von Trier cherche par là à nous bousculer en se croyant plus malin que nous, il n'a pour le moment par encore entièrement réussi son pari avec sa nympho.
Dire que l'on est frustré est un doux euphémisme donc, mais à la différence de bon nombre de nos déceptions, l’œuvre pourrait entièrement se racheter à la fin de ce mois, mais surtout d'ici quelques mois, avec ses quatre-vingt-dix minutes supplémentaires, que l'on espère hautement salvatrice...
Les balles sont dans ton camp, Lars...
Jonathan Chevrier