[CRITIQUE] : Elysium
Réalisateur : Neill Blomkamp
Acteurs : Matt Damon, Sharlto Copley, Jodie Foster, Alice Braga, William Fichtner, Diego Luna,...
Distributeur : Sony Pictures Releasing France
Budget : 100 000 000 $
Genre : Thriller, Science-Fiction, Action.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h50min.
Synopsis :
En 2154, il existe deux catégories de personnes : ceux très riches, qui vivent sur la parfaite station spatiale crée par les hommes appelée Elysium, et les autres, ceux qui vivent sur la Terre devenue surpeuplée et ruinée. La population de la Terre tente désespérément d’échapper aux crimes et à la pauvreté qui ne cessent de ne propager. Max, un homme ordinaire pour qui rejoindre Elysium est plus que vital, est la seule personne ayant une chance de rétablir l’égalité entre ces deux mondes. Alors que sa vie ne tient plus qu’à un fil, il hésite à prendre part à cette mission des plus dangereuses - s’élever contre la Secrétaire Delacourt et ses forces armées – mais s’il réussit, il pourra sauver non seulement sa vie mais aussi celle de millions de personnes sur Terre.
Critique :
Aout 2009, sans que personne - ou presque -, ne l'est réellement vu venir, le sublime District 9 (oui, il l'est), frappée par la jolie mention " parrainé par Peter Jackson ", retournait complétement le petit monde de la SF, orphelin de Vraies péloches cultes et bricolées depuis beaucoup trop longtemps.
Putain de morceau de cinéma, relecture intelligente et aussi référencée que personnelle de l’apartheid sous fond d'invasion extraterrestre, la bande, bourrée jusqu'à la gueule de qualité, avait réussi la prouesse de faire plier les critiques internationales tout autant que de rallier tous les cinéphiles du monde entier à sa cause, dans les salles obscures.
Quatre ans et quatre nominations aux Oscars plus tard (dont celles du Meilleur Film et du Meilleur Scénario), le Neill Blomkamp, devenu une véritable star dans le business au même titre que son rôle-titre et acteur fétiche le génial Sharlto Copley, à la sacrée lourde tâche d'au minimum faire aussi bien que District en confirmant tout le bien que l'on peut penser de lui, via son second long Elysium, métrage d'anticipation futuriste et énervé à la réputation aussi ambitieuse que risquée, vu qu'il débarque en plein été des blockbusters, ou les œuvres exigeantes ne sont que très rarement récompensées à leurs justes valeurs.
Faisant salement baver son monde dans une campagne promotionnelle misant nettement plus sur la qualité que la quantité, sur le papier, le film avait tout du blockbuster aussi rusé que jouissif, et cerise sur le gâteau, férocement critique envers la société actuelle.
Après vision, force est d'admettre que oui, Elysium est bel et bien tout ça, et même bien, bien plus que ça encore...
Très proche de District 9 dans son propos - un récit SF implanté dans un contexte politique réel et actuel, avec pour personnage principal un complet anti-héros -, que dans sa forme, Elysium s'impose aisément comme le pamphlet d'anticipation le plus punk, extrême et réussi depuis Mad Max 2 - auquel d'ailleurs il rend un sympathique hommage référencé -, une véritable bombe sur pellicule surpuissante, au message politique couillu : la lutte des classes, le fossé de plus en plus grand entre les riches et les pauvres, ainsi que l'immigration castrée des populations du Sud vers le Nord.
Constamment conscient du monde qui l'entoure et de son fonctionnement, Blomkamp, caméra à l'épaule et plus inspiré que jamais, fait de son oeuvre un miroir déformant des sociétés occidentales - Los Angeles, la Cité des Anges aussi belle que dangereuse, est transformé en bidonville géant, poubelle de l'humanité -, qui pousse fortement à la remise en question et à la prise de conscience.
Électrochoc bruyant et agressif (les riches et les pauvres sont clairement séparés, les uns dans une station spatiale classieuse, les autres dans les bidonvilles d'une Terre mourante) mais qui a toujours dans l'esprit l'idée de rester populaire (le tout est quand même assez tout public dans son ensemble), extrême et oppressant parce qu'il ne trahit jamais son propos hautement dérangeant, mais surtout magnifiquement interprété par un casting sans fausse note, le film est LE divertissement Hollywoodien ultime, qui se joue consciemment du système (usé du gendre idéal Matt Damon pour montrer une vision dévastée des USA, fallait quand même y penser !) tout autant qu'il le sert (la péloche, aussi racé et maligne soit-elle, reste un film de studio).
Elysium ou tout comme son héros Max, qui aide à construire ses bourreaux (l'industrie Hollywoodienne, qui tue peu à peu le Vrai cinéma).
Urgent et haletant - le rythme est mené tambour battant sur près d'une heure quarante-cinq -, anxiogène - le spectateur n'a pour seul choix que d'encaisser la claque qui lui est promise tout du long -, infiniment dense et noir - tout le métrage est pollué par une ambiance refusant tout espoir et toute justice -, et magnifié par une action et une émotion aussi véloce qu'impressionnante (là tu sais quand même ou sont partis les 100 millions de budget), la bande, aussi génial soit-elle, s'ampute quand même de quelques légers défauts, notamment sur ses nombreux ralentis à la Snyder, ses flashbacks tout aussi inutiles pour accentuer la touche dramatique du métrage - qui n'avait pas besoin d'une telle aide pour faire mouche -, ou encore une romance pas franchement fouillée et encore moins intéressante...
Des petites épines sur une rose dont on ne décrira jamais assez la splendeur et la fraicheur.
Maitrisé de bout en bout, de la bande originale au casting cinq étoiles - Matt Damon et Sharlto Copley en tête -, en passant par une mise en scène nerveuse et un script absolument dément -, par un metteur en scène qui démontre bien là qu'il est l'un des artisans les plus doués et enthousiasmants de sa génération, souvent agressif mais jamais moralisateur, Elysium est un thriller impeccable et implaccable, à la tension de tous les instants.
Immanquable et marquant, car sa puissance et son impact sur la rétine résonne encore pendant longtemps après vision dans les esprits des spectateurs, même les plus endurcis.
Spectateur qui se dit que ce monde futuriste désespéré et quasi-inhumain, pas si éloigné de notre monde actuel sur certains de ces aspects, pourrait réellement devenir un jour, le notre...
Ou quand un blockbuster dépasse son simple statut de divertissement pour pousser à la réflexion tous ceux qui ont accepté son invitation dans les salles obscures.
Qu'on se le dise, des péloches comme celle-la aujourd'hui, on n'en a vraiment plus beaucoup à se mettre sous la dent...
Jonathan Chevrier