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[CRITIQUE] : Coma


Réalisateur : Bertrand Bonello
Avec : Louise Labeque, Julia Faure, Gaspard Ulliel, Laetitia Casta, Vincent Lacoste, Louis Garrel, Anaïs Demoustier,…
Distributeur : New Story
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h20min

Synopsis :
Le destin d’une adolescente qui a la faculté de vous inviter dans ses rêves et dans ses cauchemars.
Vivant recluse, son seul rapport au monde extérieur est virtuel, et elle navigue ainsi entre fiction et réalité́, guidée par une youtubeuse inquiétante et mystérieuse, baptisée Patricia Coma.



Critique :


Le terme Coma - bref instant Petit Robert - désigne l'état pathologique dans lequel le sujet perd connaissance, sensibilité et capacité motrice volontaire.
Soit l'état réel d'abandon que connaît la protagoniste du dixième long-métrage de Bertrand Bonnello - Coma - que l'on avait laissé en 2019 avec le captivant Zombi Child (une oeuvre métaphysique, triviale et généreuse dans son étude fascinante du mythe vaudou, qui allie héritage du passé, appropriation culturelle et nécessité de se construire au présent); une jeune femme anonyme pleinement ancrée dans l'adolescence (Louise Labeque dans ce qui est une incarnation d'Anna, la fille du réalisateur, à qui le film est dédié), qui se retrouve enfermée dans sa chambre pendant une épidémie indéterminée mais présente au quotidien dans toute sa gravité.
Pendant la journée, avec une léthargie constante dans laquelle l'indifférence semble se confondre avec l'absence de conscience, elle se consacre à parler en visio avec ses amis ou à consommer divers contenus audiovisuels sur YouTube, notamment la chaîne du gourou Patricia Coma, qui semble vouloir couvrir divers domaines de la connaissance humaine, d'un bulletin météo d'une ironie folle à la discussion philosophique sur le libre arbitre, ou la commercialisation de produits qu'elle-même vend à ses abonnés.

Copyright Les films du Bélier / My New Picture / Remembers

La jeune femme a également construit une sorte de télévision miniature dans laquelle s'opère une représentation mentale et imaginaire façon soap opera où cespoupées Barbie et Ken, déclament des platitudes et des phrases d'une évidence ridicule.
La nuit en revanche, l'ambiance n'est plus du tout la même : elle est torturée par une série de cauchemars récurrents prenant pour cadre une forêt hostile et sombre (tout droit sorti d'un cauchemar de David Lynch), dans laquelle elle erre sans jamais savoir où ni pourquoi, tandis que des cris déchirants et le sentiment constant d'étouffement et d'anxiété la traquent en arrière-plan...
Interprétation toute personnelle mais surtout furieusement universelle des effets psychologiques que les deux dernières années de pandémie ont provoqués sur nous, tant derrière ses apparats techniques et ses mécanismes métanarratifs se cachent une préoccupation humaine commune partagée entre la crainte et l'envie de comprendre une situation sur laquelle nous n'avions (avons) absolument aucune emprise; Coma se fait une expérience fascinante et délicate dans laquelle Bonello, en plus d'exposer sa volonté créatrice sur un mal commun (la désintégration d'un monde qui était notre, amenant la création d'un autre plus anxiogène et encore plus inexorablement voué à la catastrophe), exprime une profonde affection envers la chair de sa chair, dans une oeuvre faisant fît de toute linéarité pour mieux embrasser l'irrationnel et l'angoisse d'une période proprement traumatisante.

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Plaquant l'obsession paranoïaque d'une adolescence à la vie recluse dans sa propre chambre comme une représentation du détachement de sa jeune fille - et de nous-mêmes - pendant les divers confinements quand le rapport matériel à autre que soi était impossible - où presque -; Bonello exploite toutes les possibilités qu'offre la mise en scène (cinéma traditionnel, dessin animé, stop motion, images d'archives,...) pour représenter à l'écran le jeu mortifère d'un monde devenu immatériel et qui ne sait/peut plus affronter la réalité, ni se perdre dans les bras enivrants de l'imaginaire et du rêve, victime de ses propres travers.
Pessimiste, Coma n'en est pas moins pétri d'espoir pour autant dans sa manière de pointer dans son puzzle d'images et d'intentions, la possibilité aux jeunes générations de reconstruire notre monde brisé dans la redéfinition de soi au sein d'un cheminement collectif.
Une utopie que le cinéaste, tout comme le pouvoir magique du septième art, nous intime de croire.


Jonathan Chevrier


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