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[CRITIQUE] : Wendy

Réalisateur : Benh Zeitlin
Acteurs : Devin France, Yashua Mack, Gage Naquin, Gavin Naquin, ...
Distributeur : Condor Distribution
Budget : -
Genre : Fantastique, Drame
Nationalité : Américain
Durée : 1h52min

Synopsis :
Élevée par sa mère célibataire, Wendy s'étiole dans un quotidien dénué de magie. Un soir, la fillette part à l'aventure en sautant dans un train en marche avec ses deux petits frères, les jumeaux James et Douglas. Au terme du voyage, ils débarquent sur une île mystérieuse, où les enfants ne semblent pas vieillir et où règne un garçon rebelle, nommé Peter Pan.


Critique :



En 2012, le réalisateur new-yorkais Benh Zeitlin raflait tout avec son premier long métrage Les bêtes du sud sauvage. Caméra d’or au festival de Cannes, Grand Prix aux festivals de Deauville et à celui de Sundance et des nominations aux Oscars (dont une pour la toute jeune actrice principale Quvenzhané Wallis). Huit ans plus tard, le réalisateur revient pour son deuxième long métrage, écrit avec sa sœur Eliza Zeitlin. Wendy est une réinterprétation de l’histoire de Peter Pan, sans la magie cependant. Ancré dans un univers réaliste, le film est filmé à hauteur d’enfant et possède une fougue singulière, loin de la féerie de Disney. Au contraire, Wendy n’enlève pas la violence, le film pioche même dedans pour faire ressortir toute la beauté du Pays Imaginaire, ici une île volcanique antillaise.

Copyright Condor Distribution

Yeux sensibles s’abstenir ! Benh Zeitlin forme sa mise en scène autour de la caméra portée, qui se trouve à hauteur d’enfant (ce qui a demandé au chef opérateur Sturla Brandth Grøvlen un système particulier de bras articulé au niveau des hanches). Wendy commence tel un souvenir. Des scènes fugaces, comme si nous étions à la place de la toute jeune Wendy, un bébé de deux-trois ans qui aide déjà sa mère au diner situé en face de la voie ferrée. Les assiettes tremblent à l’approche d’un train, comme un danger imminent. Thomas, un jeune garçon chahuté par les clients du restaurant, disparaît, emporté par un des trains sous les yeux de Wendy, seule témoin de la scène. Sa disparition nourrit son imagination au fil des années. Elle compose les péripéties qu’il a pu vivre la nuit sous sa couverture, enfermée dans sa bulle. « Tous les enfants grandissent. Pour la plupart,c'est un phénomène insignifiant, comme un changement de météo. Mais certains –les rebelles–, ceux qui ont une lueur dans le regard ... prennent la fuite » nous apprend la voix-off. Pas de poudre magique, ni de garçon qui vole cette fois. C’est par la voie ferroviaire que nous partons direction le Pays Imaginaire, une forêt sauvage et volcanique, aux dangers multiples.

Copyright Condor Distribution

Dans la version de Benh Zeitlin, Peter Pan a des allures de fable écologiste. La nature protège les enfants et les empêche de grandir, à condition qu’ils et elles aient foi en elle. Vivant modestement avec ses frères et sa mère célibataire qui a dû abandonner tous ses rêves pour pouvoir élever ses enfants, Wendy (Devin France, nouvelle révélation) s’accroche coûte que coûte à son imaginaire pour contrer l’avenir qu’elle voit dans les yeux de sa mère. Alors, quand Peter arrive avec son rire cristallin, elle n’hésite pas une seconde et saute à l’intérieur du wagon. Une véritable odyssée commence, à l’image des petites histoires qu’elle se racontait au fond de son lit. L’aventure est néanmoins dangereuse et le film tient sur cet entre-deux, entre innocence enfantine et danger, entre la vie et la mort. De véritables moments de grâce se cachent dans Wendy, hommage à la fougue des enfants, à leur énergie sans faille, sans peur et sans limite. Le réalisateur met un point d’honneur à ne jamais être moralisateur ou manichéen et place les émotions au centre de sa mise en scène. L’euphorie, la peur, le doute se font viscérales et passent par l’intense regard de Devin France, très éloignée de la Wendy édouardienne de l’époque. Hélas, la relecture du cinéaste peine à convaincre sur le long terme. Le film joue sur une symbolique lourde pour faire passer un message maladroit sur la famille comme vecteur d’identité et la peur de vieillir. Le récit, cousu de fil blanc (surtout quand on connait déjà l’histoire), est d’autant plus difficile à suivre à cause de la shaky-cam parfois totalement illisible, qui plonge les spectateur‧trices dans le flou au mieux, qui donne envie de vomir au pire. Un parti-pris esthétique discutable et surtout dommage quand on voit à quel point Benh Zeitlin est capable de filmer (de façon plus statique) les visages expressifs de ses acteur‧trices (la plupart non-professionnel‧les).

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Wendy est une réinterprétation très moderne du mythe de Peter Pan, éliminant de ce fait les archétypes racistes et sexistes du récit de l’époque (Wendy est désormais le personnage principal, Peter est un petit garçon noir). Le film se pare d’un aspect plus naturaliste, plus spirituel que l’histoire d’origine et rend hommage à l’imagination des enfants, dans une odyssée plus véritable, plus forte. Cependant, le film perd très vite son intérêt et déroule de manière affectée sa symbolique sur l’enfance.


Laura Enjolvy



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