[CRITIQUE] : Petite Maman
Réalisatrice : Céline Sciamma
Acteurs : Joséphine Sanz, Gabrielle Sanz, Nina Meurisse,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h12min.
Synopsis :
Nelly a huit ans et vient de perdre sa grand-mère. Elle part avec ses parents vider la maison d’enfance de sa mère, Marion. Nelly est heureuse d’explorer cette maison et les bois qui l’entourent où sa mère construisait une cabane. Un matin la tristesse pousse sa mère à partir. C’est là que Nelly rencontre une petite fille dans les bois. Elle construit une cabane, elle a son âge et elle s’appelle Marion. C’est sa petite maman.
Critique :
Constamment à hauteur d'enfants, d'une simplicité et d'une légèreté magique, #PetiteMaman, aussi tendre qu'un songe automnal suspendu dans le temps, est un superbe drame sensoriel et existentiel mettant l'accent avec minutie sur l'enfance et la force incroyable de son imaginaire. pic.twitter.com/XWFYs8rmFI
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 1, 2021
Les attentes autant que les spéculations étaient vives quant à savoir ce que pourrait bien donner la suite de la carrière de la talentueuse cinéaste Céline Sciamma, passé une oeuvre aussi aussi impeccablement conçu, parfaitement structuré et tout simplement grandiose que Portrait de la Jeune Fille en Feu, qui avait su fendre même les coeurs les plus rugueux et glaciales.
Deux ans plus tard, force est d'admettre que la réponse qu'elle nous donne est aussi diamétralement opposée à son précédent essai, que d'une maîtrise tout aussi absolue : Petite Maman, un cinquième long-métrage qui se concentre à nouveau sur une histoire d'amour familière - entre une mère et sa fille -, mais au traitement non conventionnel.
Copyright Pyramide Films |
D'une simplicité et d'une légèreté élégantes, le film suit les aléas de Nelly, huit ans au compteur, bien triste de ne pas avoir pu dire au revoir à sa grand-mère bien-aimée.
Avec sa mère Marion et son père, ils doivent emballer les affaires de celle-ci dans la maison de retraite où elle est décédée, avant de faire de même dans la maison familiale qu'elle a laissée derrière elle - la même maison où Marion a grandi.
Intériorisant naturellement une grande partie de sa douleur, Marion a beau tout faire pour être une mère attentionnée et solidaire, elle est incapable de rester dans la maison de sa mère plus longtemps, et s'en va.
Nelly se réveille alors au petit matin, pour ne retrouver que son père en charge de terminer de vider la maison.
Sortie jouer dans les magnifiques bois qui entourent la maison, elle fait la rencontre d'une petite fille en train de construire une cabane fantastique, avec des branches tombées; elle s'appelle Marion, tout comme sa mère, et elle vit dans un cottage qui est une image miroir de celui dans lequel se trouve Nelly.
Et si au début, ni l'une ni l'autre ne semble particulièrement frappé par leur apparence similaire, Nelly accepte finalement avec calme le fait que sa nouvelle amie est en réalité bel et bien sa mère, enfant et au meme âge qu'elle...
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Convoquant un fantastique enchanteur tel que pouvait l'être les lignes des frangins Grimm, sans en épouser les archétypes complexes (tout comme celles de sa prémisse science-fictionnelle), Sciamma vise continuellement une simplicité douce et amusante, comme la manière qu'on les enfants d'accepter des choses que nous les adultes, trouvont impossibles voire abracadabrantesques, avec le plus grand naturel qui soit; une simplicité qui est le coeur d'une relation mère-fille formidablement émouvante.
Rejetant intelligemment l'idée du voyage dans le temps, pour mieux pousser doucement son spectateur à regarder dans une direction différente, la cinéaste use d'un tour de passe-passe fantasmé pour mieux s'intéresser à la dynamique de sa double relation (avec encore une fois, une plongée passionnante dans la psyché féminine), en reconsidérant autant les liens entre Nelly et sa Marion (avec un renversement délicat des rôles entre les deux, la première donnant du réconfort à la seconde, mais étant surtout bien plus forte que sa génitrice est triste et en deuil), que celle-ci avec sa propre mère.
Tendre comme un songe automnal, que Sciamma retranscrit de la manière la plus sensorielle possible autant pour renforcer l'empathie de son auditoire que lui faire ressentir avec chaleur les ravages du chagrin; Petite Maman est un grand film sur l'existence à l'équilibre émotionnel éloquent, mettant l'accent avec minutie sur l'enfance (et la nostalgie qui l'accompagne) et la force incroyable de son imaginaire, via deux gamines incarnant de vrais personnages à part entières (et toutes deux incarnées avec justesse par les jumelles Gabrielle et Joséphine Sanz).
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Concis et constamment à hauteur d'enfants (tout en étant frappé par une perspective adulte reconnaissant intensément la douloureuse distance qui peut survenir dans l'union entre une fille et sa mère), jamais éclipsés par des adultes les regardant pourtant de haut, ce regard sur la vie et le deuil d'une douceur candide et d'un sens taquin du mystère est une bulle intemporelle et suspendue dans le temps, sublimé par la photographie habile et solaire de Claire Mathon.
Un pur délice vertigineux, organique et épuré émotionnellement ravageur, à l'enchantement assuré et tranquille.
Jonathan Chevrier