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[CRITIQUE] : Amor Fati

Réalisatrice : Cláudia Varejão
Acteurs : -
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Portugais, Suisse, Français
Durée : 1h42min

Synopsis :
Deux sœurs jumelles, un maître et son chien, des amoureuses qui se ressemblent... tous les doubles sont possibles dans l’univers à la fois poétique et hyperréaliste de Cláudia Varejão. L’amour se décline ici sous toutes ses formes afin de construire une chorégraphie de ressemblances plastiques tout en interrogeant le sens du couple dans le monde contemporain.

Critique :

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«Amor Fati». Accepter son destin. C’est sous cette énigmatique désignation que Cláudia Varejão réalise son troisième long-métrage. Présenté pendant la seconde partie du festival de Rotterdam, dans la section Harbour, la réalisatrice portugaise nous offre un documentaire bien singulier, sur les traces de la gémellité, de l’appartenance à l’autre.
Des sœurs jumelles. Une famille de musiciens. Un couple. Une personne et son chien. Amor Fati sonde la multiplicité du lien vers l’autre. Le documentaire n'utilise qu'une voix-off, dans les premières secondes du film. Cette voix s’exprime sur fond noir et convoque déjà la poésie qui va s’ériger pendant presque deux heures. Ensuite, la réalisatrice laisse les images s’exprimer d’elles-mêmes. Deux mains identiques près du feu, rugueuses. Deux silhouettes dans le crépuscule d’une chambre. Ces corps ont vécu toute une vie ensemble et ne peuvent se séparer. Ces mains, ces silhouettes appartiennent à deux sœurs. Jumelles, elles font tout ensemble. Leur voix s'entremêlent dans une prière et ne forment qu’une. Le lien est si fort qu’il nous hypnotise. La communication verbale n’est plus obligatoire.

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Cláudia Varejão pourrait aisément faire un film entier sur la gémellité et sur le lien sacré de cette étrange sororité, presque viscérale. Mais son propos se fait plus vaste. Ce sont les duos qui l'intéressent, de tout type. Liens familiaux, amoureux ou animal, les possibilités sont aussi multiples que les identités. Amor Fati raconte l’amour et va plus loin qu’une définition purement romantique. Nous ressentons tous et toutes la pression sociétale du couple, à un moment ou un autre. Le célibat, la solitude sont des notions angoissantes, hors-normes. Mais si le couple n’était pas aussi fermé qu’on nous le dit ? Et si le coup de foudre pouvait aussi prendre la forme d’un musicien ne faisant qu’un avec son instrument ? Ou un homme vivant en harmonie avec son cheval ? Dans le regard de la cinéaste, ces duos renferment une beauté éthérée, d’une poésie confondante. Les protagonistes vivent leurs amours dans le cadre comme si la caméra n’existait pas, comme si nous, spectateur‧trices, n’existions pas. Pourtant, il n’y a pas une once de voyeurisme, au contraire. La mise en scène se met en osmose — à l’instar de ces duos — qui, à force de vivre ensemble, se synchronisent. Les gestes sont similaires, les vêtements, la chevelure, parfois même les rires.

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Il faut alors se laisser bercer par le montage, façonné comme une poésie du quotidien. La réalisatrice passe d’un couple à l’autre et tisse de ce fait des similitudes dans ces différents duos. Une femme âgée meurt, un enfant né, réunit par la narration du montage. Amor Fati n’est pas facile à aborder. Par sa façon radicale d’analyser tout ce qui rend unique le lien entre deux personnes, Cláudia Varejão nous demande ainsi de ne pas être passif, de venir sonder dans notre propre intimité, notre connexion aux autres. Nous sortons de ce visionnage comme dans un rêve, des images plein la tête, avec l’envie de regarder notre monde autrement.


Laura Enjolvy



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