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[CRITIQUE] : Deux


Réalisateur : Filippo Meneghetti
Acteurs : Barbara Sukowa, Martine Chevallier, Léa Drucker, Jérome Varanfrain, ...
Distributeur : Sophie Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Romance
Nationalité : Français, Luxembourgeois, Belge
Durée : 1h36min

Synopsis :
Nina et Madeleine sont profondément amoureuses l’une de l’autre. Aux yeux de tous, elles ne sont que de simples voisines vivant au dernier étage de leur immeuble. Au quotidien, elles vont et viennent entre leurs deux appartements et partagent leurs vies ensemble. Personne ne les connaît vraiment, pas même Anne, la fille attentionnée de Madeleine. Jusqu’au jour où un événement tragique fait tout basculer…

 
Critique :


Dans l’effervescence de la réouverture des salles de cinéma, après de longs mois sans grand écran, plusieurs films ressortent. Deux n’a pourtant pas beaucoup souffert de la pandémie, comparé à d’autres. Son réalisateur, Filippo Meneghetti, est d'ailleurs reparti avec le César du meilleur premier film en mars dernier. Il serait dommage de ne pas se laisser tenter une nouvelle fois ou pour la première fois par l’histoire d’amour singulière que nous offre le cinéaste, portée par Barbara Sukowa et Martine Chevallier. Nous avons bien besoin d’amour. Un amour intense, capable de braver la distance des corps.

Copyright Paprika Films

 
Deux. Un titre énigmatique. Le chiffre de la norme du couple. Il exprime ici un amour caché, secret, qui n’existe que dans leur intimité. Nina et Madeleine sont un couple de femmes septuagénaires. L’une s’épanouit dans cet amour, elle veut voyager et s’aimer au grand jour. Veuve, Madeleine a du mal à faire face à ses enfants et à son petit-fils, comme un passé qui ne veut pas la lâcher. Aux yeux du monde, elles sont voisines de palier, mais passé l’ascenseur, elles deviennent amantes et laissent leur deux appartements co-exister, les deux portes d’entrée bien ouvertes. Mais la tragédie pointe le bout de son nez, Madeleine, victime d’un AVC, ne peut plus communiquer. Le palier, autrefois ouvert, devient une frontière, un lieu de silence. La lumière s’éteint et un monde (la maladie, la famille) les sépare.

Copyright Paprika Films


De ce drame, Filippo Meneghetti en fait une pulsion de vie. Nina, personnage haut en couleur interprété vivement par Barbara Sukowa, transforme le film en un mouvement perpétuel. Sa volonté de traverser ce palier, devenu un no man’s land, transperce le récit à coup de hache. Elle n’acceptera aucune excuse pour ne plus être en osmose physique et spirituelle avec Madeleine et va user de stratagème pour passer ne serait-ce qu’une seconde avec sa compagne. Deux bouscule les tabous, sur la sexualité des femmes âgées, sur le couple lesbien. La mise en scène se pare des codes du thriller psychologique. Le film reprend la symbolique de l'œilleton, objet du voyeur, qui ramène à l’angoisse de la surveillance. Cette surveillance n’est pas le fait d’un pervers, mais d’une femme désespérée. La violence se fait insidieuse, se trouve dans l’interstice d’un regard d’enfant sur leur mère, d’une infirmière horrifiée de voir la promiscuité de deux femmes. Mais l’amour que porte Nina à Madeleine se fiche de ces regards extérieurs, juges et bourreaux. Avec une énergie farouche et maîtrisée, rare pour un premier long métrage où l’on veut parfois trop en faire, Filippo Meneghetti apporte presque un souffle épique à ce combat. Filmant au plus proche ces corps portant une passion amoureuse, la caméra s’amuse à les unir dans le cadre, pour mieux rendre palpable la déchirure de la séparation.

Copyright Sophie Dulac Distribution

 
Deux devient alors le récit brûlant d’un corps incapable de vivre sans l’autre, séparé par un palier sombre et silencieux. Ce palier, entre les deux appartements, est le symbole d’un monde encore trop fermé pour les comprendre.


Laura Enjolvy



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