[CRITIQUE] : Yalda, La nuit du pardon
Réalisateur : Massoud Bakhshi
Acteurs : Sadaf Asgari, Behnaz Jafari, Babak Karimi, Forough Ghajabagli,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Iranien, Français, Allemand, Suisse, Luxembourgeois.
Durée : 1h29min
Synopsis :
Iran, de nos jours. Maryam, 22 ans, tue accidentellement son mari Nasser, 65 ans. Elle est condamnée à mort. La seule personne qui puisse la sauver est Mona, la fille de Nasser. Il suffirait que Mona accepte de pardonner Maryam en direct devant des millions de spectateurs, lors d’une émission de téléréalité. En Iran cette émission existe, elle a inspiré cette fiction.
Critique :
Fascinant dans les thèmes qu'il brasse, frontal et provocant dans sa façon d'asséner son message sur la déliquescence de l'humanité et la dualité paradoxale de l'Iran,#YaldaLaNuitduPardon est une expérience intense croquée comme un triste spectacle de la comédie humaine. Brillant pic.twitter.com/mGwtDfBkQm
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 6, 2020
À une heure ou les festivités (férocement contrariées par ce foutu Covid-19) d'Halloween commence timidement à pointer le bout de leur nez, l'horreur peine à s'inviter dans les salles obscures - Relic fait de la résistance, et tant mieux -, ce qui laisse gentiment la place à la concurrence, pour avancer fièrement ses pions et incarner des alternatives solides pour les spectateurs réfractaires aux frissons - souvent - fragiles.
Loin d'être une bande horrifique ni même fantastique, Yalda, La nuit du pardon, second long-métrage du cinéaste iranien Massoud Bakhshi, joue lui la carte de l'expérience particulièrement anxiogène et frontal, pour mieux asséner un uppercut mignon dans la caboche d'un spectateur qui n'en demandait pas autant.
Prenant pour titre le nom de la fête zoroastrienne éponyme (Shab-e-Yalda, fête traditionnelle, pratiquée en Afghanistan, en Iran et au Tadjikistan), se déroulant la nuit du solstice d'hiver - la plus longue de l'année - le film jongle tel un funambule plus ou moins habile, sur la fine corde de l'ambivalence thématique que dégage cette événement annuel, entre l'étude sur la nécessité du pardon qui s'en dégage, et comment cette tradition peut également créer une sorte de front de répression là où elle est pourtant, synonyme d'espoir et de rassemblement.
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On y suit Maryam, 22 ans, qui tue accidentellement son mari Nasser, 65 ans, et se voit condamné à mort par la justice iranienne.
Sa seule porte de sortie est d'obtenir le pardon public de la fille de Nasser, Mona, lors d’une émission de téléréalité (bien réelle) suivi par des millions de téléspectateurs...
Tout comme - toute propension gardée - le regard acide de feu Sidney Lumet sur les médias dans son magistral Network, Bakhshi dépeint les arcanes putassiers d'un studio de télévision, lieu de (fausse) représentation, d'hypocrisie et de facto, le reflet criant de vérité des hiérarchies du pouvoir au sein d'un État (l'Iran, pays renfermé sur lui-même et cruellement paradoxal, entre efforts de modernité et cruauté traditionnelle); en en faisant le théâtre sadique (le cadre offre d'ailleurs un véritable sentiment huis-clos) d'une émission prônant la loi du talion à une échelle exponentielle - un pays et sa justice -, et n'ayant aucune empathie pour les deux femmes qu'elle instrumentalise, pour la gloire de l'audimat.
Versant hypocrite (parce prônant faussement la morale et, surtout, le pardon comme l'acte le plus important qui soit) et sombre de la télévision, qui correspond totalement à la perversité morbide réclamée (plus ou moins volontairement) par les spectateurs, ainsi qu'au pendant actuel de la culture du buzz (le réalisateur n'a pas besoin de trop pousser le curseur pour mettre son auditoire en boule); le film confronte deux angles de vérité totalement subjectifs, deux classes bien distinctes de la société incarnées par des femmes - formidables Sadaf Asgari et Behnaz Jafari - , pour mieux les détruire au coeur d'un triste et artificiel spectacle de l'humanité moderne.
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Fascinant dans les thèmes qu'il brasse (la liberté de parole des classes populaires, le questionnement - timide - sur la condition de la femme, le mariage forcé, l'avortement, la justice traditionnelle archaïque, l'héritage, la rédemption, la violence des inégalités sociales en Iran,...), frontal et provocant dans sa manière d'asséner son message sur la déliquescence de l'humanité (spoilers : tout le monde), Yalda, La nuit du pardon est une expérience haletante et intense qui ne fait pas dans la dentelle et ne brosse jamais son spectateur - ni ses personnages - dans le sens du poil.
Et c'est tant mieux.
Jonathan Chevrier