Breaking News

[CRITIQUE] : Un Triomphe


Réalisateur : Emmanuel Courcol
Acteurs : Kad Merad, David Ayala, Lamine Cissoko, Sofian Khammes, Pierre Lottin, Wabinlé Nabié, Alexandre Medvedev, Saïd Benchnafa, Marina Hands,...
Distributeur : Memento Film Distribution.
Budget : -
Genre : Comédie dramatique.
Nationalité : Français.
Durée : 1h45min.

Synopsis :
Un acteur en galère accepte pour boucler ses fins de mois d'animer un atelier théâtre en prison. Surpris par les talents de comédien des détenus, il se met en tête de monter avec eux une pièce sur la scène d’un vrai théâtre. Commence alors une formidable aventure humaine. Inspiré d’une histoire vraie.


Critique :


Si l’on se fie aux applaudissements de fin de séance, le second long-métrage d’Emmanuel Courcol est bien partie pour obtenir le prix du public au Festival du Film Francophone d’Angoulême.
Label Cannes 2020 et en compétition à Angoulême, le réalisateur emmène le spectateur dans une drôle d’aventure avec Un triomphe, qui au vu de son histoire et de son aura de bienveillance portera sûrement bien son nom. Kad Merad interprète Étienne, personnage librement inspiré de Jan Jonson, acteur et metteur en scène de théâtre suédois dont la reprise de la célèbre pièce de Samuel Beckett, En attendant Godot par des détenus a fait un carton. Inspiré de faits réels, le film transpose cette histoire en France, dans une prison proche de Lyon.

Copyright Carole Bethuel


Peut-on faire une bonne action véritablement dénuée d'intérêt ? C’est la question que pose Emmanuel Courcol dans son film, qui va plus loin dans sa réflexion qu’une simple retranscription de la réalité à l’écran. Si Étienne n’est pas armé de vengeance comme Félix, le personnage du livre Graine de Sorcière de Margaret Atwood quand il veut monter une pièce de théâtre avec des prisonniers (Shakespeare remplace Beckett dans ce roman qui fait étrangement écho au film), il n’est pas non plus très clair sur ses intentions. Acteur en galère et sans emploi, il accepte de remplacer son ami Stéphane (Laurent Stocker), un directeur de théâtre, au pied levé pour monter un petit spectacle autour des fables de la Fontaine en prison. Il rentre alors dans l’univers carcéral, avec ses badges, ses portes blindées, ses codes et ses détenus, qui ont plus envie de se marrer que d’apprendre par cœur “La laitière et le pot au lait”. Ces cours de théâtre sont un moyen comme un autre de passer le temps pour eux, ils n’ont ni l’envie ni le besoin de jouer la comédie. Nabil (Saïd Benchnafa), Jordan (Pierre Lottin), Moussa (Wabinlé Nabié) Patrick (David Ayala), Alex (Lamine Cissokho) mènent la vie dure à Étienne. Kamel (Sofian Khammes) et Boïlko (Alexandre Medvedev) rejoignent la troupe pour le grand projet d’Étienne, celui de monter une pièce de Samuel Beckett dans le théâtre de son ami, devant de véritables spectateurs.

Copyright Carole Bethuel

Un projet ambitieux, un peu fou, que porte l’acteur et maintenant metteur en scène sur ses épaules. Il se persuade qu’il le fait pour ses élèves, qu’il finit par connaître et apprécier, mais n’est-il pas aussi un parfait prétexte pour remettre les pieds dans un théâtre et goûter au succès par procuration ? La gageure tient dans le fait de faire jouer du Beckett à des personnes qui ne sont pas du métier. Avec l’absurdité du récit, le texte abstrus, Étienne n’a pas choisi la facilité. Mais il est persuadé que personne d’autres peuvent aussi bien l’appréhender qu’eux, dont le fait d’attendre est devenu leur quotidien. Le combat est lancé : il faut des autorisations, convaincre la directrice de prison, la juge d’instruction et Laurent pour qu’il lui prête son théâtre, un nombre de répétitions conséquent et garder la motivation de sa troupe.

Copyright Carole Bethuel

Emmanuel Courcol évite brillamment le pathos et la lourdeur dans sa caractérisation des détenus. Le récit, bien que très bienveillant, ne dégouline pas de bons sentiments et pose les bonnes questions. C’est pourquoi, il est important que les enjeux d’Étienne soient aussi obscurs, qu’il ne soit pas montré comme le bienfaiteur de ces hommes partiellement illettrés pour certains, qui vient leur apprendre la vie via le théâtre. Un triomphe est en fait un échange. Les personnages sont sur un même pied d’égalité, sans le trope du sauveur culturel, rôle qui revient à Laurent finalement. Le film trouve un bon rythme entre répétitions, représentations et scènes dans la prison, réussissant à monter la tension au bon moment et à laisser du souffle pour les séquences poignantes. Emmanuel Courcol prend le parti de ne pas juger les personnages, raison pour laquelle nous ne serons jamais les états de fait des détenus, pour éviter de les définir par leurs actions passées.

Copyright Carole Bethuel

Comédie dramatique maîtrisée, portée par un lot d’acteur au meilleur de leur forme, Un Triomphe émeut autant qu'il fait rire, en évitant les écueils de ce genre de récit où la bienveillance exacerbée est un vrai danger de cliché.


Laura Enjolvy