[CRITIQUE] : Outrage
Réalisatrice : Ida Lupino
Acteurs : Mala Powers, Robert Clarke, Tod Andrews,...
Distributeur : Théâtre du Temple
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h15min.
Synopsis :
Dans une petite ville américaine, Ann Walton, une jeune comptable, doit épouser Jim Owens. Elle est alors victime d’un viol et sa vie tourne au cauchemar. Ne supportant plus la sollicitude des uns ou la curiosité des autres, elle décide de changer radicalement de vie…
Critique :
#Outrage se démarque par sa mise en scène au plus proche de son héroïne, par son récit privilégiant la victime plus que le bourreau. Lupino filme la culture du viol, ancrée dans une société qui refuse de donner de l’espace aux corps des femmes et à leur sexualité (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/ht6Uakg6r1— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 7, 2020
Si l’on connaît le nom de Ida Lupino en tant qu’actrice, son oeuvre cinématographique en tant que scénariste, productrice et surtout réalisatrice reste dans l’ombre. Son aura malléable, entre regard d’acier et visage doux a traversé le temps : on se souvient de son rôle dans La Grande Évasion de Raoul Walsh, de ses rôles dans les films de Nicholas Ray, Robert Aldrich et Fritz Lang. Pourtant, Ida Lupino a réalisé quelques films, sept au total, qui montrent une mise en scène maîtrisée, hantée par des émotions profondes et douloureuses. Considérée comme une pionnière du cinéma indépendant américain, son oeuvre aujourd’hui presque oubliée, vaut que l’on s’y attarde et, même que l’on en parle. Son troisième long-métrage, Outrage, ressort en salles le 9 septembre, une occasion en or de plonger dans l’univers de la réalisatrice.
Copyright droits réservés |
C’est par ennui que l’actrice de Le Grand Couteau (un de ses plus beaux rôles) s’intéresse à la réalisation. Avant même de réaliser, Ida Lupino dévoilait son intérêt pour un cinéma indépendant et son rejet des grands films de studio, avec beaucoup de budget mais peu de passion. À la fin des années 40’s, elle crée sa propre société de production, The Filmmakers, avec son second époux, Collier Young. Outrage sort en 1950 et ne fonctionne pas au box-office. Il faut dire que le récit ne fait pas dans la métaphore. Même si le mot viol n’est jamais prononcé, aucun doute n’est permis. Ida Lupino traite le sujet comme un crime, un traumatisme à surmonter et non pas comme une enquête, ce qui en fait un film original et intense.
Le film commence par le violeur en hors-champ, qui glisse une tasse de café à un client. La caméra suit cette tasse pour se placer dans un angle parfait pour voir apparaître Ann Walton (interprétée par Mala Powers). Son agresseur, qui ne sera comme le mot viol, jamais nommé, lui fait des avances sexuelles appuyées qu’elle ignore, comme si cette conversation était quotidienne et donc futile. Elle n’y prête guère attention et court vers son fiancé, tandis que le spectateur découvre enfin le visage de son interlocuteur, en hors-champ durant toute cette ouverture de film. De ce fait, Ida Lupino nous annonce avec sa mise en scène que l’agresseur ne sera pas important. Son centre d'intérêt sera uniquement consacré au personnage d'Ann, de son traumatisme à sa lente guérison.
Ann incarne la jeune femme accomplie américaine. Famille aisée, travail de comptable dans une grande entreprise, fiancé charmant qui la demande en mariage après avoir obtenu une augmentation... Tout lui sourit, elle trace sa route vers une vie de la middle class, la femme mariée parfaite. C’est peut-être l’annonce de son mariage imminent qui pousse l’agresseur à passer à l’action. Après sa discussion avec une collègue devant lui, la caméra se tourne vers son visage grave, dévoilant une cicatrice dans le cou. Outrage ne passe pas à côté d’une certaine vision du viol, dans une ruelle sombre par un inconnu monstrueux. Pourtant, de cette vision un poil dépassée maintenant (d’autant plus que les statistiques montrent que la majorité des viols sont commis par un proche de la victime et en intérieur), Ida Lupino s’en sert pour montrer un système de culpabilité envers les femmes sexuellement active qui laisse la porte ouverte à la violence et à la répression sexuelle. Quand Ann et son fiancé s’embrassent tendrement parce qu’il vient de lui demander de l’épouser, une vieille dame les regarde comme pour montrer sa désapprobation pour de telles effusions d’intimité en public. Ces petits détails affluent, jusqu’à l’agression elle-même.
Ann, qui a travaillé tard, rentre chez elle, heureuse. Elle siffle et se promène comme si la nuit, les rues lui appartenaient. Cette confiance et ce calme ne sont pas aux goût de cet homme, qui avant même l’agression, la dépossède de ces rues qu’elle faisait sienne. Ses pas font échos à son sifflement, rendant le danger imminent. Ann ne voit pas pas encore son violeur, mais elle sait qu’il faut fuir. Les rues deviennent alors un dédale, un piège qui se referme doucement autour d’elle. Le noir et blanc se contrastent, les ombres s’allongent, la mise en scène qui jusqu’ici creusait dans un certain réalisme, se donne des accents expressionnistes. Les rues cachent en son sein la violence envers les femmes et rien n’est fait pour pouvoir l’arrêter.
Copyright droits réservés |
Ann incarne la jeune femme accomplie américaine. Famille aisée, travail de comptable dans une grande entreprise, fiancé charmant qui la demande en mariage après avoir obtenu une augmentation... Tout lui sourit, elle trace sa route vers une vie de la middle class, la femme mariée parfaite. C’est peut-être l’annonce de son mariage imminent qui pousse l’agresseur à passer à l’action. Après sa discussion avec une collègue devant lui, la caméra se tourne vers son visage grave, dévoilant une cicatrice dans le cou. Outrage ne passe pas à côté d’une certaine vision du viol, dans une ruelle sombre par un inconnu monstrueux. Pourtant, de cette vision un poil dépassée maintenant (d’autant plus que les statistiques montrent que la majorité des viols sont commis par un proche de la victime et en intérieur), Ida Lupino s’en sert pour montrer un système de culpabilité envers les femmes sexuellement active qui laisse la porte ouverte à la violence et à la répression sexuelle. Quand Ann et son fiancé s’embrassent tendrement parce qu’il vient de lui demander de l’épouser, une vieille dame les regarde comme pour montrer sa désapprobation pour de telles effusions d’intimité en public. Ces petits détails affluent, jusqu’à l’agression elle-même.
Ann, qui a travaillé tard, rentre chez elle, heureuse. Elle siffle et se promène comme si la nuit, les rues lui appartenaient. Cette confiance et ce calme ne sont pas aux goût de cet homme, qui avant même l’agression, la dépossède de ces rues qu’elle faisait sienne. Ses pas font échos à son sifflement, rendant le danger imminent. Ann ne voit pas pas encore son violeur, mais elle sait qu’il faut fuir. Les rues deviennent alors un dédale, un piège qui se referme doucement autour d’elle. Le noir et blanc se contrastent, les ombres s’allongent, la mise en scène qui jusqu’ici creusait dans un certain réalisme, se donne des accents expressionnistes. Les rues cachent en son sein la violence envers les femmes et rien n’est fait pour pouvoir l’arrêter.
Copyright droits réservés |
Cette séquence, pivot du film, est ensuite suivie par le long chemin de la résilience. Ann perd son identité après son viol, elle n’est plus la jeune femme gaie sur le point de se marier. Aux yeux des autres, elle est la femme violée et leur pitié lui est insupportable. Elle fuit donc, loin de chez elle et de ceux qui connaissent son secret. Elle se réinvente, pensant que de cette manière, elle pourra guérir. Mais Ida Lupino ne laisse pas son personnage s’enfoncer dans le déni et avec beaucoup d’empathie, elle lui donne la force de surmonter son traumatisme. Si le récit suit un peu plus les clichés du genre par la suite, avec un pasteur “sauveur”, présent pour lui redonner force et courage, Outrage se démarque par sa mise en scène au plus proche de son héroïne, par son récit privilégiant la victime plus que le bourreau. Ida Lupino filme la culture du viol, ancrée dans une société qui refuse de donner de l’espace aux corps des femmes et à leur sexualité, malgré le fait que ce terme n’existe pas à cette époque . Dans ce film et dans son oeuvre en général, la réalisatrice a fait preuve d’une véritable modernité, acquise par son besoin irrépressible de s’écarter du modèle hollywoodien. Le film est l’oeuvre d’une femme de maîtrise, une cinéaste au regard acéré et au cœur tendre. Sa filmographie est à découvrir de toute urgence.
Laura Enjolvy
Laura Enjolvy