[LES CARNETS DE L’ÉTRANGE] : Jours 1 et 2
#Épisode 1. Jours 1 et 2.
L'Etrange Festival plante, chaque année, son évènement à Paris, au Forum des images. Les films de genre, bizarres ou les curiosités se succèdent pendant une semaine et demie. C'est l'occasion, pour nos rédactrices et rédacteurs parisiens, de découvrir ces oeuvres plus ou moins atypiques, qui sont programmées pour une sortie salle rapide ou qu'on ne voit pas forcément ailleurs.
Nous commençons notre premier carnet de l'Etrange avec Possessor de Brandon Cronenberg, présenté dans le cadre de la compétition Nouveau Genre. Dans ce film de science-fiction horrifique, Tasya utilise des implants cérébraux pour une organisation secrète. Elle s'infiltre dans l'esprit des gens et les poussent à commettre des assassinats. Un jour, une expérience tourne mal. Plusieurs de vos humbles rédacteur.ices ont eu le plaisir de découvrir cette grosse attente de l'édition 2020 et les avis divergent.
© 2019. RHOMBUS POSSESSOR INC. / ROOK FILMS POSSESSOR LTD. ALL RIGHTS RESERVED |
En bon fiston, avec Possessor, Brandon Cronenberg arpente la même route de l'horreur graphique et corporelle que son paternel tout en trassant sa propre voie, et fait de son second long un solide cauchemar hypnotique et fiévreux, pas exempt de défauts mais d'une ambition enthousiasmante. Dommage qu'il n'est simplement pas plus charpenté son récit et développé ses thèmes intérieurs, tant son existentialisme cartésien n'en aurait été que plus fort encore. Jonathan
Possessor s’inscrit, sans être honteux, comme un film qui manque d’incarnation, que ce soit par le biais de ses personnages comme de ses thématiques. On peine à croire en ces protagonistes et, par conséquent, à son histoire, qui demeure trop légère. L’ensemble paraît bien fade par rapport à ses ambitions d’offrir une expérience aussi floue que violente – on se retrouve finalement face à quelque chose d’anecdotique qui peine à transcender le paysage cinématographique. Manon.
Le deuxième film de Brandon Cronenberg s’affirme dès ses premières images comme une expérience viscérale et organique, au plus près de la chair et du crâne des personnages. Sans explication de l’univers du film et du fonctionnement de son curieux dispositif de transfert de conscience, on rentre directement dans le vif du sujet et dans le point de vue de Tas, tueuse par proxy employee par un organisme secret. Ses missions brouillent de plus en plus la frontière entre son travail sanglant et sa vie de famille tranquille, présentée dans sa banalité écrasante.
Sa prochaine victime, Colin Tate, travailleur fiancé à la fille du patron d’une boîte de Data Mining, va logiquement lui donner du fil à retordre. Les appartements froids et luxueux d’une ville sans âme, les couloirs de l’entreprise, les rails de coke d’une jeunesse dorée et clinquante, tout semble archétypal et nous emmène à merveille dans la violence froide du récit, où personne ne semble mériter de pitié. Les séquences de dédoublement de personnalité sont bruyantes et brillantes, retranscrivant les sensations de Colin et de Tas dans un seul esprit.
Le récit est fluide, simple dans son traitement des personnages et des dynamiques entre eux, et surtout parvient à faire comprendre la psyché complexe de l’héroïne. Interprétée à la fois par Christopher Abbott et Andrea Riseborough, les deux acteurs mènent le film au travers de performances géniales. C’est aussi toujours un plaisir de retrouver Tuppence Middleton (Sense8), Jennifer Leigh et Sean Bean. Pour peu que l’on se laisse entraîner dans un récit sans fioriture et sans plus d’explication, l’expérience promet d’être gore (vous êtes prévenus) et sans compromis, comme une exploration des thèmes de famille dysfonctionnelle, du couple étouffant et du rapport au travail avec une violence extrême. Léa
Vous pouvez retrouver, pour continuer l'expérience, les critiques complètes de Jonathan et Manon sur le lien ici.
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Place ensuite au thriller britannique, The Owners réalisé par Julius Berg et toujours présenté dans le cadre de la compétition Nouveau Genre. Dans la campagne anglaise des années 90 années, Mary se retrouve malgré elle au coeur d'un cambriolage organisé par son petit-ami et son meilleur pote. Une somptueuse villa ? Des propriétaires âgés ? C'est l'occasion rêvée de s'en mettre plein les poches. Mais lorsque les propriétaires reviennent plus tôt que prévu, ils s'avèrent loin d'être inoffensifs.
Léa a posé quelques mots dessus :
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Pour le 2ème jour du festival, Léa en a profité pour découvrir Relic, tout comme Éléonore et Jonathan, et The Witch of Kings Cross.
Relic plante un cadre plutôt lugubre : suite à la disparition inexplicable d'une octogénaire, sa fille et sa petite-fille se rendent rapidement chez elle. En ces lieux sinistres, plane une inexplicable menace qui ne fait que s'accroître.
Nous sommes face à un festival de détails avec ce film, et ce dès sa séquence d’ouverture, toute en ombre et en précision, qui cristallise tous les enjeux : la vieillesse, l’abandon de la famille, la décrépitude des maisons et des corps. Trois personnages de femmes, trois générations, habitent le film, une grand mère étrange mais majestueuse, une mère carriériste, une fille un peu paumée. Vont-elles profiter de leur séjour dans leur maison de famille pour resserrer les liens ? Manageant ses effets horrifiques jusqu’a la séquence de fin proprement étouffante, Relic est un film sans jumpscare, tout en subtilité et en symbolique. Une très belle première réalisation tenue par le personnage de la grand mère, Edna, interprétée tout en finesse par Robyn Nevin qui domine complètement le film. L’horreur australienne a décidément de beaux jours devant elle ! Léa.Relic plante un cadre plutôt lugubre : suite à la disparition inexplicable d'une octogénaire, sa fille et sa petite-fille se rendent rapidement chez elle. En ces lieux sinistres, plane une inexplicable menace qui ne fait que s'accroître.
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Relic a de très bonnes chances d'être mon coup de coeur de cette édition. Il s’agit de mon deuxième visionnage, le premier sur grand écran, et très clairement, c’est un film à voir dans de bonnes conditions. Natalie Erika James fait un travail minutieux que ce soit sur les détails dans les décors, le travail sur le cadrage et le montage ou encore sur cette lumière tout en douceur. Elle aborde un sujet tabou, l’alzheimer et plus largement la prise en charge des personnes âgées dans nos sociétés modernes. Une utilisation fine de l’horreur qui reprend, un peu, les codes du film de possession pour effrayer en profondeur plus qu’instantanément. Éléonore.
Tellement confiante dans sa narration et ses effets, qu'elle lie profondément ses saillies sinistres dans la psychologie incroyablement fouillées de ses personnages, pour mieux les faire exploser à l'écran de manière savoureusement organique, Natalie Erika James fait de son premier essai une oeuvre d'épouvante assurée et saisissante, Joliment influencé à l'horreur nippone aussi froide que féminine.
Fragile, délicat et empathique comme un beau cauchemar éveillé. Jonathan.
Fragile, délicat et empathique comme un beau cauchemar éveillé. Jonathan.
Vous pouvez retrouver, pour continuer l'expérience, la critique complète de Jonathan sur le lien ici.
Si Léa a terminé sa deuxième journée de festival avec The Witch of Kings Cross, Éleonore nous dit tout sur Black Journal de Mauro Bologni et Tezuka’s Barbara de Macoto Tezuka.
C'est un documentaire à la forme classique, composé de reconstitutions, d’images d’archive et surtout des œuvres de la méconnue Rosaleen Norton, artiste australienne du siècle passé. Cette peintre, poète et performeuse a choqué la société puritaine de l’époque avec ses évocations de l’occulte et de sa sexualité très libre.
Si les idées de mise en scène des reconstitutions peuvent sembler forcée, en revanche les interventions et les images d’archive sont efficaces pour rentrer dans l’œuvre de cette artiste harcelée par la bien pensante de son époque. Plongés dans ses dessins et peintures, nous sommes happés par cette artiste totale, ésotérique, géniale et inclassable. Le film est donc plus efficace lorsqu’il laisse les œuvres parler d’elles-mêmes, entre divinités païennes et visions de transe de leur autrice. Si sa fin est trop rapide et précipitée, ce film a donc le mérite de rendre intelligible et terriblement intéressant le corpus artistique de celle que ses amis appelaient Roie, et de rendre justice à cette grande dame trop peu connue dans nos contrées. Léa.
Si les idées de mise en scène des reconstitutions peuvent sembler forcée, en revanche les interventions et les images d’archive sont efficaces pour rentrer dans l’œuvre de cette artiste harcelée par la bien pensante de son époque. Plongés dans ses dessins et peintures, nous sommes happés par cette artiste totale, ésotérique, géniale et inclassable. Le film est donc plus efficace lorsqu’il laisse les œuvres parler d’elles-mêmes, entre divinités païennes et visions de transe de leur autrice. Si sa fin est trop rapide et précipitée, ce film a donc le mérite de rendre intelligible et terriblement intéressant le corpus artistique de celle que ses amis appelaient Roie, et de rendre justice à cette grande dame trop peu connue dans nos contrées. Léa.
© D.R. |
Manon Franken