[CRITIQUE] : Cyril contre Goliath

Réalisateur : Thomas Bernot
Avec : Cyril Montana, Grégoire Montana-Laroche, ...
Distributeur : JHR Films
Budget : -
Genre : Documentaire
Nationalité : Français
Durée : 1h26min

Synopsis :
Cyril, écrivain parisien, n'aurait jamais imaginé que Lacoste, le village de son enfance, puisse un jour se faire privatiser par le milliardaire Pierre Cardin. Poussé par son fils et alors que rien ne le destinait à ça, il décide de s'engager contre cette OPA d'un genre nouveau et entame un véritable bras de fer avec le célèbre couturier.

Critique :

Documentaire captivant et nécessaire, #CyrilcontreGoliath devient le combat de tous, celui de la richesse extravagante contre des citoyens aptes à faire vivre leur communauté. Si le combat n’est pas gagné, le film est une belle leçon d’humilité et de militantisme (@CookieTime_LE) pic.twitter.com/02iDrt7xUv
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) September 1, 2020

Le documentaire engagé de Thomas Bornot et Cyril Montana est sélectionné au Festival du Film Francophone d’Angoulême et sortira dans nos salles le 9 septembre prochain.

Cyril contre Goliath raconte une histoire d’un combat d’un simple homme contre un milliardaire, qui décide d’en faire qu’à sa tête. Cyril Montana, écrivain, ancien commercial interroge les motivation de Pierre Cardin sur son village d’enfance, Lacoste dans le Luberon. Si nous le connaissons en tant que couturier, renommé par la modernité de ses créations, cet homme d’affaire est aussi un philanthrope et un mécène, qui n’hésite pas à mettre des millions pour des rénovations de château et achat immobilier. Collectionneur d’art et de maison, Pierre Cardin profite de sa fortune et parade car rien que son nom vaudrait un milliard. Âgé aujourd’hui de 98 ans, le documentaire est loin de lui rendre un hommage conséquent, et montre une nouvelle facette de la personnalité du couturier. Depuis une vingtaine d’années, Pierre Cardin appelé par la mairie pour rénover le château qui surplombe Lacoste, a acquis plus de la moitié du village, se bornant à acheter à foison sans donner de vie aux quartiers qui s'éteignent petit à petit. Son projet de mécène avait pour but de redorer le blason culturel de Lacoste, qui manquait de lumière d’après lui mais ce n’était qu’une façade. Les rues sont désertes, les commerces vides, comme un village fantôme dont le seul maître serait le couturier. Il se refuse à louer les quarantaines de maisons lui appartenant, donner la gérance des magasins aux habitants du village, vendre les nombreux hectares aux agriculteurs du coin et garde égoïstement tout un village sous sa coupe, pour ses besoins personnels. Des images d’archive le montre narquois, expliquant à la caméra que les habitants, bien qu’intelligent n’ont pas “l’envergure internationale” qu’il possède. Son mépris est violent et frappe Cyril Montana de plein fouet. Tous ses souvenirs d’enfance balayés par un milliardaire sans scrupule ? Hors de question.

Raconté à la première personne, Cyril Montana embarque Thomas Bornot dans sa guerre contre le pouvoir d’un homme orgueilleux. Pour cela, Cyril décide de se livrer sans phare, de raconter un pan de sa vie privée, pour éviter toute tentative d’iconisation. Si l’écrivain possède des fortes convictions et milite contre l’injustice de son village, il n’est pas tout blanc non plus et possède aussi un peu d’orgueil, dont il se servira pour soulever des montagnes contre ce Goliath milliardaire. Le documentaire se révèle passionnant, car en filmant ce combat toujours d’actualité, nous découvrons l’histoire de ce petit village, où l’art avait l’habitude de prendre vie. Picasso, des artistes venus des différents coins d’Europe, le village a abrité en son sein de pierre une mixité culturelle rare et prisée, qui se retrouve maintenant gâchée par un homme censé être féru d’art. L’ironie est puissante. Porté par Cyril Montana, personnage attachant, le documentaire est un portrait d’un combat, mais surtout d’un héros du quotidien. Cyril nous partage ses doutes, ses échecs, mais aussi son rêve et sa motivation sans faille, qui finissent par déteindre sur son fils, d’abord sceptique, mais aussi sur les habitants et au final, sur nous les spectateurs. Il sort de sa chrysalide, se déleste du costume de bobo parisien, pour se révéler citoyen engagé, dont le sauvetage de son village natal devient son cheval de bataille.

Documentaire captivant et nécessaire, Cyril contre Goliath devient le combat de tous, celui de la richesse extravagante contre des citoyens aptes à faire vivre leur communauté. Si le combat n’est pas (encore ?) gagné, le film est une belle leçon d’humilité et de militantisme, où le chemin détient plus d’importance que l’arrivée.

Laura Enjolvy