[CRITIQUE] : Le Sel des Larmes
Réalisateur : Philippe Garrel
Avec : Logann Antuofermo, Oulaya Amamra, André Wilms,...
Distributeur : Ad Vitam
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Français, Suisse.
Durée : 1h40min.
Synopsis :
Les premières conquêtes féminines d’un jeune homme et la passion qu’il a pour son père. C’est l’histoire d’un jeune provincial, Luc qui monte à Paris pour passer le concours d’entrée à l’école Boulle. Dans la rue, Il y rencontre Djemila avec qui il vit une aventure. De retour chez son père, le jeune homme retrouve sa petite amie Geneviève alors que Djemila nourrit l’espoir de le revoir. Quand Luc est reçu à l’école Boulle, il s’en va pour Paris abandonnant derrière lui sa petite amie et l’enfant qu’elle porte…
Critique :
Réflexion légère (dans le mauvais sens du terme) sur la lâcheté masculine et le désespoir féminin, autant que fable limitée qui réduit ses personnages à des archétypes faciles,#LeSeldesLarmes, qui ne laisse aucune place aux émotions authentiques, décontenance plus qu'il ne séduit pic.twitter.com/tbTMwIEaZX— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) July 11, 2020
On avait laissé Philippe Garrel avec une petite pépite sur pellicule, L'amant d'un jour, drame existentiel grave et sensible sur l'impossibilité de la monogamie, croqué façon célébration de l'âme humaine dans tout ce qu'elle a de plus frémissante, complexe et vivante, aussi concise et précise qu'une nouvelle qui ne se rêve jamais roman; offrant au passage un écrin parfait à sa fille Esther, pour briller de mille feux.
Sauf qu'en l'espace de trois ans, ce qui s'annonçait comme un virage passionnant dans sa carrière et amorcé par La Jalousie, retombe aussi vite qu'un soufflé trop cuit et cuisiné avec une désinvolture/désintérêt étonnant de la part d'un cinéaste aussi pointilleux.
Le Sel des Larmes, estampillée 28 réalisations du bonhomme, à tout du faux film-somme prévisible et faisandé venu d'un autre temps, incompatible au test Bechdel mais surtout porté par une morale au moins aussi abjecte que son personnage principal est antipathique.
Enlacé dans un noir & blanc élégant (qui masque justement, l'inélégance de son récit), porté par des interprètes au charme fou (la sublime et talentueuse Oulaya Amamra, le charismatique et mystérieux Logann Antuofermo), la péloche se rêve comme une parenthèse romanesque tout droit sortie de la Nouvelle Vague (avec les titans Jean-Claude Carrière et Arlette Langmann à l'écriture), clouée aux basques d'un séducteur indécis qui considère la femme comme un objet, une fleur facile à cueillir... et qui ne demanderait presque que ça.
Tiraillé entre trois femmes (dont une qu'il a mise enceinte), tel un serpent immunisé par son propre venin et dont le seul chagrin pour lequel il n'est pas vacciné, est un rapport au père fantasmé (André Wilms, formidable), la péloche prône un ménage polyamoureux dénué de toute révélation cathartique et ou les personnages féminins sont douloureusement interchangeables.
Une étude légère - dans le mauvais sens du terme - sur la lâcheté masculine et le désespoir féminin, ou l'accent est toujours mis sur la figure prétentieuse et déplaisante d'un héros qui ne grandit jamais vraiment au cours du film, rejetant les deux seules femmes qui auraient pu le mener vers le droit chemin de la maturité.
Ne laissant aucune place aux émotions authentiques, se tirant une balle dans le pied - voir même tout un chargeur - autant avec une voix-off omnisciente à la présence irrégulière qu'avec une structure ouvertement fable qui réduit les personnages à des archétypes faciles et sans relief; Le Sel des Larmes, qui se veut plus intellectuel que sentimental, décontenance plus qu'il ne séduit dans son illustration contradictoire de l'absurdité derrière le mythe du couple et même de l'amour.
Une séance qui se laisse regarder aussi bien qu'elle est furieusement anecdotique au sein de la riche filmographie de son metteur en scène...
Jonathan Chevrier