[CRITIQUE] : Ip Man 4 : Le Dernier Combat
Réalisateur : Wilson Yip
Acteurs : Donnie Yen, Scott Adkins, Danny Kwok-Kwan Chan, Vanness Wu,...
Distributeur : Eurozoom
Budget : -
Genre : Action, Arts Martiaux, Drame, Biopic.
Nationalité : Hong-Kongais, Chinois.
Durée : 1h45min.
Synopsis :
Dans le dernier opus de la saga mythique, Ip Man se rend aux Etats-Unis à la demande de Bruce Lee afin d'apaiser les tensions entre les maîtres locaux du Kung-fu et son protégé. Il se retrouve très vite impliqué dans un différend raciste entre les forces armées locales et une école d'arts martiaux chinoise établie dans le quartier de Chinatown à San Francisco. Dans une apothéose de combats ultra-maîtrisés, avec la grâce et la sérénité qui le caractérisent, Donnie Yen donne vie, pour la première fois sur grand écran en France, au légendaire maître chinois de Wing Chun.
Critique :
Porté par des scènes de combats solidement charpentés et des questions idéologiques toujours d'actualité,#IpMan4, vissé sur un Donnie Yen à la technique et à la vitesse d'exécution toujours affûtées (tout comme son jeu), est une fin spectaculaire, nostalgique et robuste à la saga pic.twitter.com/0hmVMQnU4a— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) July 22, 2020
Dans la catégorie " on est dans une époque formidable ", au-delà d'un Covid-19 qui fout gentiment en l'air notre quotidien, la distribution hexagonale n'en finit plus de nous étonner.
Alors que le cinéma asiatique est en pleine " hype " depuis la seconde moitié des années 2010, ce qui fut un prétexte suffisant pour - enfin - commencer à sortir quelques péloches qui ne méritait pas une arrivée directement dans les bacs à DVD/Blu-ray, il aura donc fallu attendre le dernier opus de la saga Ip Man, pour que les tataneries de feu le maître légendaire de Bruce Lee, campé par l'immense Donnie Yen, se voit ouvrir les portes des salles obscures; une petite victoire quand on sait qu'il incarne, sans doute, le meilleur opus derrière l'oeuvre originale - le premier opus reste une merveille inégalée.
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Le cinéma d'arts martiaux chinois n'a jamais hésité à dépeindre une période où un fait historique en la plaquant sur tous les codes de la fiction, artifice usé avec plus ou moins de la malice par la franchise initiée par Wilson Yip, vaguement inspirée de la vie du maître éponyme du Petit Dragon, et à la charge patriotique assez souvent lourdement assénée (chaque ennemi est un stéréotype aussi fin qu'un pet de rhinocéros, soit un vilain japonais, soit un enfoiré d'occidental).
Ce qui lui permet de se démarquer du tout venant, répond au doux nom de Donnie Yen, aux aptitudes martiales et physiques proprement indécentes pour un lascar ayant 56 balais au compteur, qui dispose d'une technique et d'une vitesse d'exécution proprement incroyables; c'est simple, il est LA raison pour laquelle la franchise a autant trouvé son public, l'attraction numéro une pour tout amoureux de castagneries chorégraphies au kick près.
Catapulté en 1964 et déplaçant son intrigue de Hong-Kong à la Californie, avec un Ip au crépuscule de sa vie (on lui a diagnostiqué un cancer), un rejeton hargneux, et un Bruce Lee (Danny Kwok-Kwan Chan, excellent et définitivement fait pour être Lee après Ip Man 3 mais, surtout, la bancale mais sincère série La Légende de Bruce Lee) sévèrement confronté au rejet des siens et même du pays de l'oncle Sam; Ip Man 4, plus taiseux et épuré que ses aînés, à tout de l'opus de la maturité mais aussi et surtout, qui renoue avec l'aspect naturel des affrontements bluffant du premier film.
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Si l'on pouvait - assez logiquement - renâcler devant les combats " déréalisés " de Ip Man 2 et 3 (une utilisation bien trop voyante des câbles sur de nombreux plans, des chorégraphies moins mémorables), Yuen Woo-ping corrige littéralement le tir en croquant un spectacle jouissif et total, cinq solides et créatifs fights qui culminent à un affrontement au sommet entre Yen et Scott Adkins, sublimé par une photographie léchée et vive - signée Cheng Siu-keung -, qui rend également justice à l'irréprochable reconstitution des 60's.
Mais là où le film de Yip emporte vraiment l'adhésion, au-delà du jeu intense de Yen (tout aussi impressionnant quand les scènes se font plus intimes, tant il joue à la perfection un homme tiraillé et confronté à sa propre mortalité), c'est dans son regard orientalisé d'une époque trouble... en occident.
En pointant du bout de la caméra - avec un pinceau très imposant certes - des questions essentielles et toujours d'actualité (l'isolationnisme contre l'intégration, le racisme contre fraternité et cosmopolitisme,...), justifiant de facto son déménagement assez opportuniste aux USA, Yip se rapproche du message vibrant de Bruce Lee, qui prônait l'acceptation de l'autre et la dissolution des identités nationales dans l'art martial, pour mieux aboutir à une pratique/union universelle.
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Tant pis alors si quelques dialogues sont faciles, que certains persos sont croqués à la truelle et que la narration semble parfois un poil à bout de souffle (malgré une pluie de sous-intrigues plus ou moins passionnantes), Ip Man 4 : Le Dernier Combat est une fin spectaculaire, nostalgique et robuste, à une quadrilogie en dent de scie mais sincère dans son hommage à une figure majeure de l'histoire martiale chinoise.
Jonathan Chevrier