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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #47. The Bridges of Madison County

© 1995 - Warner Bros. Pictures. All rights reserved

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 !





#47. Sur la route de Madison de et avec Clint Eastwood (1995)

1993, en pleine possession de ses moyens, l'éternel Dirty Harry Clint Eastwood a relancé a lui tout seul le giron stagnant du western avec le chef-d'oeuvre Unforgiven.
Deux ans plus tard et avec la même verve respectueuse, il donna un sacré coup dans la fourmilière du mélodrame au féminin avec Sur la Route de Madison, déchirante mise en images du best-seller romantique de Robert James Waller (pas la prose la plus probante qui soit, mais clairement l'une des romances les plus convaincantes que l'on puisse lire), pour lequel Eastwood prouvait sans forcer qu'il était autant l'une des forces les plus créatives qui soit, mais aussi un cinéaste touche-à-tout capable de faire mouche sur tous les sujets qu'il aborde.
On y suit l'histoire de Richard Kincaid, un photographe du National Geographic, lancé dans une série de photos sur les ponts couverts de l'Iowa.
Le mari et les enfants de Francesca ont quitté la maison pendant plusieurs jours pour se rendre dans l'Illinois.
Le photographe et la femme au foyer se rencontrent alors fortuitement, et une conversation maladroite mais amicale mène vite à des connaissances chaleureuses, puis à une demande timide pour un dîner chez Francesca...

© 1995 - Warner Bros. Pictures. All rights reserved

Tout le métrage ne parle pas uniquement d'amour ou d'union des corps dans l'ombre sentencieuse de l'adultère, mais avant tout et surtout d'un fantasme, de ceux auxquels on ne succombe pas totalement comme pour mieux les mériter, les préserver et les faire résonner dans l'éternité non pas comme un regret, mais bien comme un petit bout de paradis béni.
Une sorte de fantasme ultime en somme, à l'érotisme aussi total qu'il est d'une vertu et d'une spiritualité parfaite, qui se matérialise langoureusement dans l'étreinte tendre d'un étranger viril et d'une ménagère tranquille dans sa cuisine...
On le sait dès la première bobine, les deux âmes que sont Francesca et Robert, se sont rencontrées et sont tombées amoureuses, mais ont décidé de ne pas passer le reste de leur vie ensemble.
Et pourtant, même si cette prévisibilité est vite asséner à son auditoire, Eastwood joue de sa maestria pour ne jamais perdre le fil de son émotion et le lien indéfectible qu'il entretient avec son spectacteur, totalement happé par la tendresse d'une relation qui se doit d'avoir une fin frustrante, le pic émotionnel étant indiscutablement le renoncement de Francesca à suivre Robert, dans ce qui est l'une des scènes les plus bouleversantes du cinéma ricain de ses trente dernières années.

© 1995 - Warner Bros. Pictures. All rights reserved


Cet instant d'une intensité à couper le souffle, où elle se refuse à ne pas ouvrir la portière de sa camionnette pour ne pas courir vers Robert, et infiniment plus forte et évocatrice que celle ou ils succombent, s'embrassent et font l'amour pour la première fois, voire même celle ou ils deviennent érotiquement conscient de l'autre.
C'est toujours la tragédie qui imprime les coeurs et les rétines, toujours.
Floraison languissante et pure de la certitude amoureuse que l'on refuse par raison (ils savent qu'ils ont conscience de s'être pleinement trouvés, mais ne suivront pas sciemment cette connaissance), Kincaid est la personnification de la tentation enivrante pour Francesca, cette promesse d'une vie passionnée qu'elle n'a pas - et n'aura jamais - au quotidien, cette possibilité de voyager, quitter une vie de fermière qui ne la comble pas, même si elle est heureuse dans son mariage et sa vie de famille.
Car l'histoire a le bon goût de ne pas faire l'erreur de dépeindre Richard Johnson comme un mauvais mari, c'est un père doux et travailleur, mais il ne la comble pas comme elle le désirerait, ne l'a fait pas se perdre dans des conversations existentielles sur Yates, ne la fait pas danser sous des sonorités jazzy langoureuses,...

© 1995 - Warner Bros. Pictures. All rights reserved


Toute la force du film réside dans ce passé fugace perdu, à tel point que lorsqu'il opère des retours au présent sur les aléas des enfants de Francesca (trouvant ses journaux intimes et lisant son histoire après sa mort, tout en tentant de régler leurs propres soucis personnels), et qu'il perd de vue son couple vedette - tout semble superficiel et forcé sans eux -, l'étreinte sur le spectateur perd de sa splendeur.
Comme si l'histoire ne pouvait exister sans les performances grandioses de Clint Eastwood (silencieux, doux et pourtant vraiment viril) et Meryl Streep (en tout point merveilleuse), tant tous deux construisent leurs performances non pas par de grands gestes romantiques, mais bien par d'innombrables petits moments subtils d'amour grandissant, où le bonheur d'être ensemble né autant dans les nuances d'un regard que dans celles d'une caresse tendre.
Tissant une toile indestructible sur une romance impossible, construite sur une connaissance particulière de l'amour et de soi qui ne peut venir qu'avec l'âge mûr (des personnages plus jeunes se seraient sans doute enfuis ensemble), Sur la route de Madison est un bijou de mélodrame comme on en fait plus, sur l'acceptation pleine de tristesse d'une cruelle vérité : les choses les plus importantes dans la vie ne sont pas toujours celles qui nous rendent heureux.


Jonathan Chevrier

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