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[CRITIQUE] : Face à la Nuit


Réalisateur : Wi-ding Ho
Acteurs : Jack Kao, Louise Grinberg, Lee Hong-Chi,...
Distributeur : The Jokers/Les Bookmakers
Budget :-
Genre :  Drame, Policier, Science-fiction
Nationalité : Américain, Français, Taïwanais, Chinois.
Durée : 1h47min

Synopsis :
Trois nuits de la vie d’un homme. Trois nuits à traverser un monde interlope, qui ont fait basculer son existence ordinaire. Il est sur le point de commettre l’irréparable. Mais son passé va le rattraper...





Critique :


Trainé sur le Bitume, El Reino, Piranhas, Face à la Nuit... autant dire que le jury du dernier Festival International du Film Policier de Beaune, présidé par Alejandro González Iñárritu, a eu gentiment le nez fin pour récompenser ce qui est, sans forcer, quelques-unes des plus belles séances ciné de ses derniers mois ciné.
Et si tous n'auront décemment pas le luxe d'une exploitation en salles digne de ce nom (le Zahler, pourtant, de loin, le meilleur du lot), ne boudons pas notre plaisir face à la possibilité de pouvoir en découvrir certains dans les meilleurs conditions possibles, comme le noir mais perfectible film de Wi ding-Ho, véritable puzzle narratif dont la montée en puissance progressive malgré quelques maladresses un brin dommageable (gênante même quand on est proche d'une mysogonie crasse), nous laisse face à une vérité de plus en plus implacable : le septième art asiatique n'en finit plus de déchaîner les passions même quand ses films ne sont pas tous brillants et, bonne nouvelle, de fédérer en masse dans les salles obscures.



A une époque ou les blockbusters ricains semblaient incarner le seul - ou presque - échapatoire aux comédies hexagonales difficilement défendables, le cinoche asiatique a su rouler sa bosse, tranquillement mais sûrement, pour mieux devenir bien plus qu'une simple alternative luxueuse, mais bien une valeur (presque toujours) sûre capable de sauver un été jusqu'ici un brin décevant.
Produit au forceps (huit ans de développement hell, entre France, Etats-Unis, Taïwan et Chine) et articulé en trois parties/chapitres qui se répondent mutuellement - trois nuits d'un même homme - même si elles sont habilement montées à rebours des schémas académiques, le cinéaste croque une psychanalise fascinante et hypnotique d'un homme un temps hermétique et peu empathique (dans la première partie surtout), mais dont le parcours va très vite nous faire comprendre pourquoi il est devenu l'homme/le flic qu'il est aujourd'hui.
De jeune ado idéaliste à flic intégre avant de gentiment laisser son honnêteté décliner au crépuscule de sa carrière, ding-Ho, en l'espace de trois longues nuits à l'intérêt et aux rythmes logiquement inégaux, dessine l'errence existentielle de Zhang dont on remontra aux origines de son existence, pour mieux déceler et mettre des mots sur le mal qui l'habite au présent, dont la justification finale est il est vrai, proprement formidable.
Une véritable psychanalise comme dit plus haut, complètement désenchantée et fataliste au coeur des rues troubles de Taipei, d'un homme constamment en confrontation avec lui-même, ses regrets et le monde qui l'entoure (il ne trouve pas sa place, et on ne lui donne pas forcément les moyens de le faire non plus), et qui a justement de fascinante l'interrogation qu'offre le cinéaste, de notre réalisme contemporain et de son futur loin d'être optimiste.



Avec un nihilisme glaçant et une rigueur visuelle semblant tout droit sortie des songes filmiques d'un Wong Kar-Wai, le métrage dépeint sans la moindre concession, les maux qui gangrennent notre quotidien, entre le fatalisme ambiant, la dépendance à la technologie 2.0, les évolutions scientifiques, ou encore la propension alarmante des gouvernements à bafouer toute liberté par une surveillance extrême, attisant de surcroit la violence sourde plutôt que de la canalyser; Face à la Nuit dépeint une vision obscure mais réaliste de l'humanité.
Une réflexion universelle qui interroge autant qu'elle en montre à son auditoire, même si elle a une tendance proprement dérangeante à soutenir une violence envers les femmes totalement abjecte (tout comme le traitement des persos féminins justement), en en faisant les causes majeurs des maux de Zhang, et même du monde (justifiant dès lors cette violence, comme une sorte de punition incompréhensible et injustifiable).
Et même s'il s'avère au final, à l'instar de Memento, un beau travail d'illustionniste qui perd de sa force quand on décèle réellement la fragilité des artifices de son montage et de son histoire à tiroirs, il n'en reste pas moins un mélodrame prenant et stylisé.
Et c'est déjà pas si mal au fond.


Jonathan Chevrier





Avoir un concept simple est parfois synonyme de bon film. Face à la nuit, polar venu de Malaisie en a un : celui de relater en trois nuits toute la vie d’un homme. Ses choix, ses dérives, ses amours… Présenté au dernier festival de Beaune, le film de Wi Ding Ho est reparti avec le Grand Prix. Bien évidemment, si un prix n’est jamais gage de qualité, la bande-annonce, elle, était plutôt alléchante. Les plans éclairés par la superbe lumière de Jean-Louis Vialard, ces trois temporalités différentes qui semblaient se confondre pour lier la vie de ce policier, une intrigue qui se dévoile petit à petit grâce à un montage à la chronologie inversée, tout était là. Pourtant, la sauce ne prend pas, malgré les idées de mise en scène et un propos social inattendu.



La première partie du film, se passant dans un futur proche, est pourtant excellente dans son approche subtil de la SF. S’ouvrant sur un plan aussi vertigineux que radical, il en dit long sur cette société futuriste, où tout doit être sous contrôle, même les sentiments et émotions. Nous suivons un Zhang vieillissant et mal luné, qui laisse éclater sa colère d’une manière assez violente. Le spectateur ne connaît pas encore ses motifs, ni les enjeux du personnage et il nous paraît vite antipathique. C'était là toute la difficulté du concept de Face à la nuit : trouver un moyen de comprendre le personnage, de vouloir le suivre pendant près de deux heure, alors que l’on connaît uniquement le minimum sur son histoire. Peine perdue, le personnage de Zhang nous paraît infect et on a beau avancer dans le récit, cet état de fait ne changera pas, il empirera même. Cette descente aux enfers inversée est vite ennuyeuse. Nous ne partageons ni sa tristesse, si sa détresse, même en connaissant tous les tenants et aboutissant à la fin. C’est un problème quand le film se repose essentiellement sur le ressenti du personnage principal.



Cela devient encore plus grave quand le ressenti du personnage envers les femmes est un poil problématique. Face à la nuit nous le dit clairement : tous les problèmes de Zhang viennent des femmes. On ne peut pas leur faire confiance : elles sont manipulatrices, infidèles, cruelles, incapable de prendre de bonnes décisions. Mais le réalisateur s’empresse cependant de les filmer avec une complaisance à peine dissimuler : scène de sexe pas toujours justifier, corps sexualisé et souvent attaché avec des menottes. Si elles en font souvent qu’à leur tête, elles finissent toujours punies. Après une première partie intéressante, même si le sous-texte sociétal n’est pas exploité à sa juste valeur, vient la deuxième partie, où l’on perd totalement l'intérêt pour le récit (l’injustice dont est victime Zhang nous fait ni chaud, ni froid). La troisième partie vient enterrer le tout, alors qu’elle est censée être le pivot, avec cette relation mère-fils tragique. Même le dernier plan, dont la symbolique poétique peut amener une certaine émotion, ne passe pas. Car Wi Ding Ho a tellement raté le coche plusieurs fois que l’ennui a pris toute la place.



Malgré une esthétique léchée, un concept de base solide, des idées de mise en scène brillantes, Face à la nuit est une déception. Une intrigue vaguement prenante, un traitement des personnages féminins déplorables et un sous-texte social malaisien laissé à l’abandon au bout de deux minutes, le film ne tient pas ses promesses et c’est sacrément dommage ! 

Laura Enjolvy


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