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[CRITIQUE] : Vivarium


Réalisateur : Lorcan Finnegan
Avec : Imogen Poots, Jesse Eisenberg, Eanna Hardwicke, Jonathan Aris,...
Distributeur : The Jokers
Budget :-
Genre : Thriller, Science-fiction
Nationalité : Irlandais, Belge, Danois
Durée : 1h37min

Synopsis :
Le film est présenté à la Semaine Internationale de la Critique au Festival de Cannes 2019

A la recherche de leur première maison, un jeune couple effectue une visite en compagnie d’un mystérieux agent immobilier et se retrouve pris au piège dans un étrange lotissement.



Critique :



Alors que la pluie s’abat sur la croisette, la Semaine de la critique nous invite à entrer dans un lotissement où il ne fait jamais gris. Des petits nuages blanc, des maisons impeccables, un voisinage calme, un gazon verdoyant, l’irlandais Lorcan Finnegan fait tout pour nous donner envie de voir Vivarium, son nouveau long-métrage. Si tout parait parfait et rose bonbon, rien ne l’est : les maisons verdâtres identiques, le ciel statique sorti tout droit d’un tableau, un agent immobilier à côté de la plaque va-t-on pouvoir sortir de ce labyrinthe ?


Gemma (Imogen Poots) et Tom (Jesse Eisenberg) forment un jeune couple amoureux. Elle est institutrice, lui homme à tout faire. Ils cherchent une maison, mais ne semblent pas en trouver. Puis coup de chance, ils ont rendez-vous pour visiter une maison dans un tout nouveau lotissement. L’agent immobilier semble … particulier. Tout sourire, il paraît pourtant froid et bizarre. Une maison en banlieue n’est pas ce qui fait le plus rêver ce couple jeune et dynamique mais par manque de choix et avec une certaine ironie, ils acceptent de suivre Martin jusqu’à peut-être leur futur chez-soi. Wisteria Lane ? Presque, mais rien de chaleureux, pas de rousse avec un panier de muffins pour vous accueillir ici. Une symétrie inquiétante, une couleur monochrome, un labyrinthe de rue, un calme surnaturel. Rien ne donne envie d’y habiter. La maison, numéro 9, est trop propre, trop lisse pour qu’on est envie d’y faire un cocon familiale. Gemma et Tom ne sont bien évidemment pas convaincus, mais problème : Martin a disparu. Quand ils décident de partir, deuxième souci : ils sont incapables de trouver la sortie. La maison 9 semble les poursuivre. 


Fatigués, en manque d’essence, ils décident de passer la nuit dans la maison. Le lendemain, une nouvelle surprise les attend : un bébé qu’ils doivent élever s’il veulent un jour sortir d’ici. D’où le titre Vivarium, un endroit où on élève un animal en recréant son habitat naturel. Ici, le couple ne manque de rien : une maison de banlieue, un certain confort matériel, un bébé : le kit du couple trentenaire. 
Vivarium est un film à concept et il arrive à tenir en haleine le spectateur, du début à la fin. Si Gemma et Tom apportent tout d’abord un humour mordant, l’angoisse et le surnaturel prennent vite le dessus. Les aliments n’ont pas de goût, le ciel est trop parfait pour être vrai, il n’y a ni vent, ni bruit. Et le bébé en lui-même est bizarre. Devenant un enfant de 6-7 ans en quatre vingt dix-huit jours, il leur demande une attention particulière : il réagit avec des besoins primaires (il crie quand il a faim), mais a les mêmes réactions que Martin, l’agent immobilier. Il imite (trop) bien ses “parents”, qui n’ont d’ailleurs aucune once de respect pour lui. Gemma lui répète sans arrêt qu’elle n’est pas sa mère, Tom lui fait des doigts d'honneur.


Nous sommes loin de la famille parfaite. Le film ne s’éloigne pas des codes du genre, et en cela il n’est pas très original. Mais Vivarium arrive à tenir en haleine dans ce monde de faux-semblant : où une maison n’est pas vraiment une maison, l’enfant pas vraiment un enfant. Nous avons l’impression que Finnegan filme la métaphore de la terreur du couple trentenaire : ressembler à une famille américaine parfaite en montrant le sacrifice que cela requiert. Petit à petit, la pression de la situation pèse sur le couple. Tom s’éloigne de Gemma, ne comprenant pas pourquoi elle défend “l’enfant” et continue à s’occuper de lui au lieu d’essayer de le tuer. Peut-être que Finnegan veut montrer ce que la société fait d'un couple soudé : ce qu'on leur demande pour être dans la norme. Pourtant, se marier, avoir un enfant apporte du stress, un changement, de la pression (surtout de la part des femmes qui ont souvent une charge mentale supplémentaire). Mais il n'y a pas qu'une façon d'avancer en tant que couple dans la vie. S'il faut prendre cette analyse avec des pincettes, le réalisateur s'amuse quand même à démonter la cellule familiale et l'éducation d'un enfant, avec un humour noir grinçant.



Un film fantastique qui joue avec le spectateur. Comme on l’a dit, Vivarium n’a rien d’original, mais avoir un film aussi jusqu’au boutiste est assez rare. Avec deux acteurs au top, le film saura vous mener dans un dédale malsain et intense.


Laura Enjolvy 




Il y a des seconds longs qui font infiniment plus de boucan que les premiers, un constat assez triste mais qyi correspond parfaitement à la carrière naissante du wannabe cinéaste irlandais Lorcan Finnegan, dont le premier essai - Without Name - est passé totalement inaperçu (un petit passage au TIFF en 2016 et... c'est tout) alors que le second, Vivarium, se paye une tournée des festivals on ne peut plus triomphante; et dont la sortie dans les salles hexagonales s'avère aussi pertinente pour digérer à merveille son propos furieux, que maladroite dans un contexte social houleux ou se rendre dans une salle obscure est devenu de plus en plus compliqué.
Inspirée, la péloche est une parabole indéfectiblement cynique mais audacieuse sur la vie en banlieue, présentée comme une crise existentielle penchant gentiment du côté de The Twilight Zone, une expérience émotionnelle sauvage naissant à partir d'une idée simple mais incroyablement féroce : et si un tel style de vie n'est pas destiné à inspirer les gens, mais à les contenir et à les piéger.


Une véritable chevauchée sauvage et formidablement cynique (donc très, très drôle) dans les limites d'un style de vie cauchemardesque, façon métaphore sur la résignation commune - parce que normalisé par la société - face à la répétition, l'ennui et la mort.
Se démarquant aisément d'une ouverture à la subtilité absente, pour établir ses bases en deux temps, trois mouvements (on apprend à connaître le couple formé par Tom et Gemma, ils ne sont pas intéressés par la communauté faussement parfaite, labyrinthique et désincarnée de Yonder, mais se retrouvent dans l'incapacité de s'y échapper), l'intrigue signée Garett Shanley, sous couvert d'un fantastique formidablement bien dosé, explore de manière surprenante le cycle de vie d'un couple au fil du temps (jusque dans sa lente déliquescence), en le faisant spectateur privilégié d'un monde qu'ils apprennent à connaître - comme nous -, tout en l'isolant comme un vrai rat de laboratoire, rendant de facto les performances de son couple vedette incroyablement fascinante.
Si Imogen Poots respire l'épuisement et la frustration dans la peau d'une femme/mère d'un enfant dont elle refuse de nommer ou d'accepter la responsabilité (mais qui ne peut s'empêcher de se laisser attendrir par ses instincts maternels), Jesse Eisenberg lui, délivre peut-être l'une des performances les plus sombres à ce jour, tiraillé et obsédé par un quotidien de plus en plus dévastateur.


Inconfortable et férocement empathique (le quotidien vécu par les héros demande le même effort d'endurance à son auditoire), construit sur des thèmes sociétales fascinants (le capitalisme, la parentalité, les désirs d'avenir, les rôles dans la vie de couple,...) et n'étant pas si éloigné du définitivement plus radical Mother ! de Darren Aronofsky (autant dans sa façon de totalement se polariser sur le banal que dans son regard acéré sur l'aspect néfaste du quotidien qui se répète de manière cyclique), Vivarium est une expérience à part, grisante dans sa manière de constamment surprendre et loin d'être accessible à tous les publics.
Mais pour ceux qui sauront se délecter de sa singularité, la séance vaudra décemment le détour...


Jonathan Chevrier 



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