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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #31. Simetierre

Copyright 1989 - Paramount Pictures

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80 !



 

#31. Simetierre de Mary Lambert (1989).

Alors que la nouvelle adaptation de ce qui est, sans l'ombre d'un doute, l'un des meilleurs romans du roi Stephen King, vient tout juste d'atteindre les salles obscures hexagonales, et qu'elle ne risque pas du tout de mettre tout le monde d'accord, il n'a donc définitivement rien de mal à se replonger nostalgiquement dans Simetierre premier du nom officiellement signé Mary Lambert, mais chapeauté de tout son long en coulisses par un Stephen King profondément lié à son oeuvre.
Un temps promis au puissant duo George Romero/Bruce Campbell puis à l'excellent Tom Savini, le film échouera donc in fine entre les mains de la maman du plus ou moins réussi Maximum Overdrive - déjà tiré d'un roman de King -, avec la figure tutélaire du natif de Portland au scénario, qui épurera son récit au maximum, recentrant son récit sur le calvaire de la famille Creed (exit les références directes au démon indien Wendigo, mais aussi la femme de Jud Crandall et le père de Louis Creed).
Un choix payant, tant tout le film est nimbé par l'ombre déstabilisante de la mort - et ce dès son ouverture macabre, dévoilant un cimetière d'animaux -, de son implacabilité autant que de son imprévisibilité, frappant quand on ne l'attend pas mais surtout, se permettant le luxe de revenir quand elle n'y est pourtant supposément pas invité à le faire.


Copyright 1989 - Paramount Pictures

Vraie péloche horrifique instaurant une peur crédible jamais plombée par ses éléments surnaturels, Simetierre est une oeuvre désespérée et morbide en diable, d'une puissance mortifère incroyable, ressérrée autour d'une famille férocement empathique dont l'amour qui les unit, sincère dès le départ, sera rudement mis à l'épreuve par le plus douloureux des traumatismes qui puissent exister : la perte d'un enfant, une peur primaire qui envahit tout parent et qui, lorsqu'elle devient réalité, se transforme en une cicatrice béante à jamais ouverte.
Lorsque le jeune Gage se fait écraser par un camion (de loin l'une des scènes les plus traumatisantes du cinéma horrifique), ce n'est que le début d'un cauchemar dont la conclusion est plus horrible encore, puisqu'elle incarne sa " seconde mort ", des mains même de son propre géniteur, ici plus spectateur mais bien bourreau d'une exécution qu'il a lui-même orchestré involontairement certes, mais avant tout et surtout par faiblesse (en transformant son môme en parfait petit mort-vivant façon cousin éloigné de Chucky), en l'enterrant dans un cimetière d'animaux - intermède fascinant entre la vie et la mort - pouvant redonner vie à ce qui est mort.
Car là est là toute la force du film de Lambert : retranscrire à merveille l'un des thèmes phares de l'oeuvre de King : l'aliénation mentale et l'irresponsabilité masculine tant Louis Creed ici, n'a strictement rien à envier au Jack Torrance de Shining, puisqu'il est aussi faible que lui, un pantin prédisposé à laisser entre le mal dans son cocon familial, sans lutter une seule seconde pour les défendre (impossible de ne pas se demander pourquoi il n'a jamais pensé installer une clôture alors que sa maison se trouve à quelques mètres d'une route fréquentée).
Et ici, le mal trouve même un écho méchamment sociétal et politique, puisqu'il vient de la terre, ou plutôt de sous terre, vestige refoulé d'une nation bâtit sur la destruction et la dépossession de l'autre, prônant un puritanisme gerbant, comme si elle venait prendre acte de justice, crier vengeance en s'en prenant à la chair des descendants, des siècles plus tard, avec une rage sans pareil.


Copyright 1989 - Paramount Pictures

Mais dans Simetierre, la croyance religieuse n'a pas sa place, l'amour non plus tant il ne fait que nous propulser dans les abysses d'un enfer de douleur.
Point de religion ni de Dieu, qui semble laisser, impuissant, ses créatures sombrer et se déchirer face au mal absolu, cercle infernal et inéluctable ou la mort n'est qu'une étape dans la destruction de l'âme humaine et de la cellule familiale dans ce qu'elle a de supposément plus pure.
Ne s'épargnant rien, pas même un déferlement de scènes gores dans un ultime tiers éprouvant totalement englouti par le mal, le film de Mary Lambert, tendu et d'un nihilisme rare, est l'un des cauchemars les éprouvants et terrifiants jamais vu sur grand écran,  un malaise constant qui prend aux tripes pour ne plus jamais les lâcher.
Qu'on se le dise, le mal est partout mais pire que tout, il est douloureusement contagieux et incurable.


Jonathan Chevrier