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[CRITIQUE] : Destroyer


Réalisateur : Karyn Kusama
Acteurs : Nicole Kidman, Toby Kebell, Tatiana Maslany, Sebastian Stan, Scoot McNairy, Bradley Whitford, ...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Policier, Thriller, Drame
Nationalité : Américain
Durée : 2h03min


Synopsis :
La détective du LAPD Erin Bell a jadis infiltré un gang du désert californien, ce qui a eu de conséquences dramatiques. Lorsque le chef de la bande réapparaît, elle doit fouiller dans le passé pour se défaire de ses démons.



Critique :


Karyn Kusama a été considéré comme un grand espoir dans le cinéma américain dès son premier long-métrage, Girlfight en 2000 qui nous présentait une Michelle Rodriguez en adolescente passionnée de boxe. Primé au festival de Sundance avec le prix de la mise en scène et le Grand prix du jury, la réalisatrice avait le champ libre pour se forger un succès mérité. Mais ses prochains films ne rencontrent pas ce fameux succès, Aeon Flux en 2005 un film d’action post-apo avec Charlize Theron ou le très controversé Jennifer’s Body en 2009 avec une Megan Fox ultra sexualisée sur un scénario de Diablo Cody. The Invitation, son précédent film n’est même pas sorti en salle ici, mais directement en VOD en 2016, malgré des critiques positives. Destroyer est donc son cinquième film et la réalisatrice entame un énorme tournant en s’engageant du côté du film noir, avec une Nicole Kidman méconnaissable et enlaidie (oui c’est possible, même si aucun maquillage moche ne lui enlèvera son charisme).



La première fois que nous voyons Erin Bell, l’inspecteur antipathique, héroïne du film, c’est en gros plan. Yeux bleus profond sur lumière blanche, cette femme semble au bout de sa vie. Et ce n’est pas peu dire quand on la voit déambuler maladroitement jusqu’à un cadavre, en pleine gueule de bois. Ses collègues ont la même réaction que nous, spectateurs (elle ne devrait pas être sur une scène de crime dans cet état), pourtant Erin est plongée dans les détails, le tatouage du mort dans le cou et les billets de banque tachés de violet. Indices que ne semblent pas remarquer les autres policiers mais qui créent une réaction chez notre héroïne. En une séquence, Kusama arrive à nous présenter son personnage, d’une grande complexité et prouve que Nicole Kidman est sur le point de nous pondre une interprétation digne de ce nom. Erin se fout d'être mal aimée de ses collègues, moquée et mise de côté. Elle ne cherche l'approbation de personne, même pas du spectateur.



Et c'est en cela que Destroyer se démarque. Si, à Hollywood, un acteur qui change son aspect physique pour l'enlaidir est apprécié et récompensé (un exemple récent: Gary Oldman pour Les Heures Sombres), il en va autrement pour une actrice dont le corps est jugé de la tête au pied et moqué s'il ne correspond pas au diktat de beauté. Les femmes au cinéma se doivent de toujours paraître à leur avantage, sexy et surtout jeune. Kusama va à contre pied de tout ceci, et n'hésite pas à filmer en gros plan l'actrice de 51 ans en ne gommant pas ses rides. On peut se demander s'il était judicieux d'aller aussi loin dans le maquillage pour la transformer. Mais, plus nous nous enfonçons dans l'histoire, plus ce maquillage artificiel fait office de masque, qui exprime sa culpabilité et sa tristesse, émotions qui ont fini par diriger sa vie. Outre l'aspect physique, c'est dans la caractérisation du personnage que les diktats sont aussi changés, Erin étant une héroïne antipathique, une mauvaise mère (malgré ses bonnes intentions) sans aucun jugement de la part de Kusama.



Du côté de l'histoire, Destroyer réunit la même équipe que pour The Invitation, Phil Hay et Matt Manfredi. Cette fois-ci, ils ont construit une intrigue prenante, teintée de vengeance et de rédemption. Erin a dans sa ligne de mire un ancien braqueur qui resurgit dix-sept ans après. Ce fantôme du passé lui ouvre ses plaies et lui fait repenser à son opération d’infiltration d’il y a dix-sept ans et l’incident tragique qui l’a profondément anéanti. Mais la trame narrative reste simple, une traque qui fait passer Erin d’un endroit à l’autre de Los Angeles, de la banlieue chic à un autre aspect, plus miséreux, rendant un contraste intéressant de cette ville. Kusama y déploie un jeu du chat et de la souris et privilégie une narration plus visuelle, passant d'une époque à une autre grâce à des flash-back. La photographie par Julie Kirkwood renforce la différence entre passé et présent et surtout ne va jamais dans la facilité de sublimer l’image. Pourtant, on peut s'interroger sur l’aspect un peu trop sage de Destroyer que ce soit du côté de l’écriture qui ne va pas assez loin dans la description de l’enfer du personnage ou du côté de la mise en scène qui n’ose pas assez (exception faite du début et de la fin du film).



Destroyer est un portrait d’une femme hantée par son passé, avec un désir de vengeance qui ne s’estompe pas avec les années. Karyn Kusama nous propose une héroïne loin des clichés habituels dans une enquête qui fleure bon les films noirs.


Laura Enjolvy 

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