[CRITIQUE] : Pig
Réalisateur : Mani Maghighi
Acteurs : Hasan Ma'juni, Leila Hatami, Leili Rashidi,...
Distributeur : Épicentre Films
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Iranien
Durée : 1h47min
Synopsis :
Un mystérieux serial killer s’attaque aux cinéastes les plus adulés de Téhéran.
Hasan Kasmai, un réalisateur iranien, est étrangement épargné.
Censuré depuis des mois, lâché par son actrice fétiche, il est aussi la cible des réseaux sociaux. Vexé, au bord de la crise de nerfs, il veut comprendre à tout prix pourquoi le tueur ne s’en prend pas à lui.. et cherche, par tous les moyens, à attirer son attention.
Critique :
Pure odyssée noire, cash et colorée, aussi jouissivement corrosive et déroutante qu'elle est férocement troublante, #Pig est une pépite absurde et cruelle aux plusieurs niveaux de lecture, qui rappelle instinctivement les plus belles farces subversives d'Alex de la Iglesia. pic.twitter.com/IyehiczsQb— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 8 décembre 2018
La beauté du cinéma iranien ne se résume pas uniquement dans la magie des cinémas de Jafar Panahi, Asgar Farhadi ou même Mohammed Rasoulof (n'oublions pas celui de Marjane Satrapi, difficilement comparable cela dit), même s'ils sont désespérément les seuls à recevoir un intérêt plus prononcé que les autres, dans nos salles obscures.
Certains arrivent tout de même à se frayer leur petit bout de chemin dans l'hexagone, comme Shahram Mokri (Invasion) où Mani Maghighi, papa du surprenant Valley of Stars et dont le dernier long en date, Pig, est décemment l'une des séances les plus immanquables d'un mois de décembre résolument plus riche et surprenant qu'il n'en avait l'air.
En partant d'un constat de société aussi aberrant que réel (la violence sourde du gouvernement iranien à pouvoir empêcher un réalisateur de tourner, de pratiquer et plus directement de vivre de son art), frappant plusieurs de ses camarades cinéastes, pour le traiter de manière savoureusement cynique et décomplexé (un metteur en scène égocentrique attend désespérément d'être tuer par un tueur en séries s'en prenant à tous les cinéastes influents du pays... sauf lui), Maghighi signe une farce cartoonesque qui en dit long autant sur le métier de réalisateur qu'il dynamite le moindre cliché entourant un cinéma majoritairement connu pour ses drames familiaux et existentiels.
En suivant les basques délirantes d'Hassan, quinquagénaire paumé et immature encore engoncé dans l'adolescence, assisté par une mère chez qui il vit toujours et qui désespère de ne pas être reconnu comme le grand artiste qu'il se pense être, le métrage vise constamment juste, égratigne tout ce qui lui passe sous la main, que ce soit son industrie (majoritairement coincé entre un gouvernement à la censure facile et une instance religieuse très présente) son pays, la figure familiale ou même notre propre rapport à l'image, au sein d'une odyssée rock, cash et colorée, aussi jouissivement corrosive et déroutante que férocement troublante (tous les personnages sont volontairement détestables).
Pure comédie noire - à la lisière du thriller intense - qui s'assume tout du long, se payant même le luxe d'offrir à la merveilleuse Leila Hatami, muse d’Asghar Farhadi, un rôle en parfait contre-emploi, Pig est une pépite absurde et cruelle aux plusieurs niveaux de lecture, qui rappelle instinctivement les plus belles farces subversives d'Alex de la Iglesia.
Mani Maghighi ne se refuse rien, et c'est bien ce qui fait toute la beauté et la singularité de son septième film.
Jonathan Chevrier