[CRITIQUE] : Under The Silver Lake
Réalisateur : David Robert Mitchell
Acteurs : Andrew Garfield, Riley Keough, Topher Grace,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Thriller, Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h19min.
Synopsis :
À Los Angeles, Sam, 33 ans, sans emploi, rêve de célébrité. Lorsque Sarah, une jeune et énigmatique voisine, se volatilise brusquement, Sam se lance à sa recherche et entreprend alors une enquête obsessionnelle surréaliste à travers la ville. Elle le fera plonger jusque dans les profondeurs les plus ténébreuses de la Cité des Anges, où il devra élucider disparitions et meurtres mystérieux sur fond de scandales et de conspirations.
Critique :
Jeu de pistes hallucinatoire façon odyssée labyrinthique dans les limbes d'un L.A. fantasmé et Lynchien en diable, #UnderTheSilverLake est autant une variation prenante du polar noir qu'un gros ride sensoriel référencé, qui devise sur la dimension vampirique de la pop culture. pic.twitter.com/zSVZhNRdRr— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 4 juillet 2018
Couillu comme devrait l'être tout jeune cinéaste, et encore plus quand il s'attache à fouler le terrain balisé du cinéma de genre, David Robert Mitchell frappait méchamment fort dans la fourmilière du cinoche ricain en 2015, avec son génial It Follows, de loin l'une des meilleurs péloches fantastiques de la décennie.
Porté par une atmosphère oppressante et une tension constante (dans un Détroit en décrépitude, sans adulte et antre de la dégénérescence), le cinéaste faisait naitre l'horreur par l'angoisse totale que provoque l'identité multiple que pouvait revêtir l'implacable boogeyman (prenant savoureusement son temps pour frapper), de son histoire - faussement - simpliste d'ados frappés par une étrange malédiction.
De facto, son suspens est le fruit de l'incertitude et de la terreur vivant chez son spectateur, suspens créer avec très peu d'outils puisqu'il joue uniquement sur des effets de mises en scènes intelligents (les différents cadres et profondeur de champs appuyés par une musique prenante), le poussant à scruter le moindre arrière-plan, le moindre personnages quelconque fonçant droit vers la caméra, le moindre vide derrière chaque héros.
Mieux, dans sa lutte entre les adolescents et l'inconnu, à l'instar de Gregg Araki il touche avec mélancolie à tous les symboles de l'adolescence et du difficile passage à l'âge adulte : l'angoisse de grandir, de vieillir, le regret de l'époque bénit de l'enfance ou encore la peur de perdre son insouciance face au temps qui passe.
En les forçant à affronter frontalement la malédiction, il les confronte à un véritable parcours initiatique buchés d'étapes en tout genre ou l'alcool, la drogue et le sexe (surtout) sont des échappatoires incarnant leur seuls parcelles de sécurité et de liberté (même si ce dernier est le véhicule de la malédiction façon MST), face à la dureté de toute existence.
La plus grande menace pour eux, et du film donc, serait alors finalement la vie en elle-même, une " malédiction " que l'on se doit de vivre pleinement pour mieux combattre son inéluctabilité...
Bref, un put*** de bon slasher comme on les aime, un hommage vibrant aux papes du genre, Carpenter (Halloween et Invasion Los Angeles surtout) et Craven (Les Griffes de la Nuit et son monstre métaphorique); qui ne pouvait que nous rendre plus qu'impatient à l'idée de découvrir son prochain essai dans un futur plus ou moins proche.
Et il n'a pas trop traîné, puisqu'il aura fallu attendre trois petites années et un passage sur la dernière Croisette Cannoise, pour enfin découvrir Under The Silver Lake, film noir et tortueux De Palma-esque, qui nous offre une plongée dans un Los Angeles labyrinthique, au coeur d'une (sale) enquête nébuleuse orchestrée par un privé amateur/glandeur.
Jeu de pistes savoureusement étrange et d'une tristesse/mélancolie dévastatrice (comme... It Follows), le film, qui mélange les genres avec une rigueur rare, croque les errances paranoïaques et absurdes d'un homme pathétique et impuissant (Andrew Garfield, parfait), engoncé dans un monde fou qui menace de l'engloutir à chaque instant, un trip sensorielle ensorcelant ou l'angoisse la plus sourde née de scènes en apparences banales, une véritable expérience cinématographique aussi obsédante que les odyssées rarement rationnelles du pape David Lynch.
Épousant pleinement la vision fantasmée d'un L.A. noir révolu et foulé par la caméra de nombreux cinéastes talentueux (Paul Thomas Anderson et son Inherent Vice était le dernier en date), retrouvant l'ambiance macabre de son dernier essai, tout autant que sa réflexion sur la vie considérée comme une malédiction (en prolongeant son étude de l'adolescence à celle des jeunes adultes, aux utopies et espoirs passés littéralement fracassés par la dureté de la réalité), Mitchell profite de son nouveau long-métrage, sur-référencé à mort, pour à la fois déconstruire avec acidité tout un genre (le polar noir) et deviser sur la dimension vampirique de la pop culture (voire même du système Hollywoodien dans sa globalité) dans notre société contemporaine, la manière dont on l'utilise, dont elle occupe nos existences au point, peut-être, de nous dévorer à petit feu (notre rapport addictif par le biais de la musique, du cinéma etc...).
Audacieux, ambiguë, opaque, symbolique et intime, Under The Silver Lake est une histoire totalement dans les limbes qui menace de basculer, à tout moment, dans une autre dimension (si tenté est bien sur, que l'on arrive à déchiffrer celle dans laquelle on se trouve), une oeuvre complexe mais lisible (!) et sensiblement hermétique, qui demande que l'on s'y perde aveuglément pour en capter toute sa rareté et sa singularité.
Jonathan Chevrier