[CRITIQUE] : La Forme de l'Eau - The Shape of Water
Acteurs : Sally Hawkins, Doug Jones, Michael Shannon, Rihard Jenkins, Octavia Spencer,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : -
Genre : Fantastique, Drame, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h03min.
Synopsis :
Modeste employée d’un laboratoire gouvernemental ultrasecret, Elisa mène une existence morne et solitaire, d’autant plus isolée qu’elle est muette. Sa vie bascule à jamais lorsqu’elle et sa collègue Zelda découvrent une expérience encore plus secrète que les autres…
Critique :
Toujours enveloppé par une nostalgie enivrante et une imagerie lovecraftienne puissante, #LaFormedelEau - #TheShapeofWater, le nouveau bébé enchanteur de @RealGDT est une fable poétique et humaniste sur la tolérance, où les vrais monstres ne sont jamais ceux que l'on croit. pic.twitter.com/4l29oa1r0d— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 16 janvier 2018
De loin la figure la plus attachante mais surtout importante du cinéma de genre depuis John Carpenter et Wes Craven, ce bon vieux magicien mexicain Guillermo Del Toro, estimé par tous les cinéphiles endurcis dès son premier essai - Cronos - n'avait pas atteint nos salles obscures depuis plus de deux ans, un véritable parcours du combattant jalonné autant de projets avortés que de productions repoussés ad vitam eternam.
Mais le
papa de Pacific Rim est connu pour bouffer du taureau enragé à chaque
péloche, et il ne pouvait décemment pas laisser plus longtemps sa caméra
dans le silence, là ou il y a encore dix printemps, il enchainait les
réalisations de façon boulimique avec une liberté de ton et de propos
proprement indécente.
De la trempe de ses plus
beaux essais, La Forme de l'Eau, estampillée bête de festival comme le
vénéré Le Labyrinthe de Pan en son temps, est une nouvelle raison de
succomber au talent de conteur extraordinaire du bonhomme.
En
l'espace de deux petites heures d'une finesse intellectuelle sans
bornes, Del Toro balaye tout le spectre du genre fantastique au sein
d'un énième classique instantané, un hommage vibrant aux figures
tragiques et monstrueuses qui animent sa cinéphilie et son cinéma, qui
transpire dans sa volonté d'embrasser fougueusement un surnaturel aussi
complexe que sincère.
Véritable love story gothique
déchirante multipliant les références aux classiques du genre (La Belle
et la Bête de Cocteau, L'Etrange Créature du Lac Noir et même Edward aux Mains
d'Argent), sur deux amants impossibles confrontes au mal de leur époque
(les États-Unis en pleine Guerre Froide), mêlant maturité, universalité et
singularité avec un naturel et un humanisme bouleversant, The Shape of
Water - titre en v.o. - est un formidable conte fantastique plaçant
l'amour au pluriel (et questionnant subtilement les fondements de la
passion amoureuse, aveugle et sans préjugés) au coeur de son récit
étonnement terre-à-terre; un indécent tour de force multipliant les
genres (film de monstres, romance, film de guerre,...) et dont les
enjeux dramatiques subordonnent douloureusement la réalité.
Impossible
de ne pas voir dans cette oeuvre aboutie et délicate, une charge
calibrée contre le puritanisme faussement idyllique et le
communautarisme abusif du pays de l'Oncle Sam de l'époque, qui fait
instinctivement écho à la politique Trump actuelle.
Porté
par un casting renversant (Sally Hawkins est d'une sensibilité
bouleversante, Michael Shannon est formidablement antipathique en vilain
ambivalent), toujours enveloppé par une nostalgie enivrante et une
imagerie lovecraftienne puissante, le nouveau bébé du Guillermo est une
fable enchantée et poétique sur la tolérance où les vrais monstres ne sont jamais ceux que l'on
croit.
Le meilleur film de l'année 2018 est peut-être déjà là...
Jonathan Chevrier