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[CRITIQUE] : Pentagon Papers


Réalisateur : Steven Spielberg
Acteurs : Meryl Streep, Tom Hanks, Sarah Paulson, Bob Odenkirk, Alison Brie, Bruce Greenwood,...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h55min.

Synopsis :
Première femme directrice de la publication d’un grand journal américain, le Washington Post, Katharine Graham s'associe à son rédacteur en chef Ben Bradlee pour dévoiler un scandale d'État monumental et combler son retard par rapport au New York Times qui mène ses propres investigations. Ces révélations concernent les manœuvres de quatre présidents américains, sur une trentaine d'années, destinées à étouffer des affaires très sensibles… Au péril de leur carrière et de leur liberté, Katharine et Ben vont devoir surmonter tout ce qui les sépare pour révéler au grand jour des secrets longtemps enfouis…


 
Critique :





Le Bon Gros Géant l'avait démontré avec brio, Steven Spielberg n'a pas perdu une once de son talent pour faire rêver les cinéphiles que nous sommes, et s'impose surtout comme un cinéaste dont le cinéma nostalgique est férocement ancré dans le XXème siècle, même si son propos fait toujours écho dans notre sombre société contemporaine.
À l'instar de feu Sidney Lumet, Le bonhomme est un descendant légitime de John Ford, de ce nouvel Hollywood où chaque péloche avait son (bon) mot à dire, sa (juste) cause à défendre.
Engagé comme jamais depuis Munich malgré quelques jolis écarts - Tintin et Le BGG -, le papa de E.T. s'attaque à un fondement des nations contemporaines : la liberté d'information confrontée aux politiques puissantes et intimidantes, en relatant avec force l'un des plus gros scandales d'État : le Pentagon Papers qui précédait douloureusement le Watergate.




Parti d'un rapport (celui commandité par le secrétaire d'État à la défense de l'époque, Robert McNamara) qui criait tout haut ce que toute une nation pensait intimement tout bas, à savoir que la guerre du Vietnam était sans issue et que le pays de l'Oncle Sam y sacrifiait sa jeunesse et son peuple par pur soucis de fierté mal placée; l'affaire prendra une véritable tournure entre les mains des intransigeants et professionnels journalistes du Washington Post, tiraillés entre le dilemme de prévenir l'Amérique et transgresser dans les grandes largeurs, la loi trop bien arrangeante du secret d'État...
Sur le papier, le 31ème film de Steven Spielberg, co-scénarisé par le talentueux Josh Singer (Le Cinquième Pouvoir, Spotlight), laissait présager un bel hommage aux journalistes indépendants des 60's/70's, seuls garants d'une vérité indispensable à notre démocratie.
À l'écran, Spielby cornaque une charge sérieuse contre le gouvernement ricain de Nixon, et en filigrane une grosse chiquette derrière la nuque de Donald Trump, en prenant le parti d'un journalisme à l'agonie - et véritablement en voie de disparition - pour mieux défendre la presse indépendante, véritable contre-pouvoir contre l'écrasante institution, et dominé par un symbole fort (Katharine Graham, historiquement la première femme à diriger un journal), ironiquement campée par ce qui est publiquement, l'un des ennemis jurés du président US : la légende Meryl Streep.




Véritable drame procédural captivant prenant son temps pour installer ses personnages et ses enjeux, se transformant peu à peu en thriller haletant au suspens implacable qui s'inscrit dans la droite lignée de ses précédents essais (Cheval de Guerre, Lincoln et Le Pont des Espions), Spielberg place une nouvelle fois l'humanité et la défense de l'humain au coeur de son récit, insiste sur le pouvoir des mots et la justesse de leur utilisation tout en surfant habillement autant sur la vague féministe actuelle (justifiée par le portrait puissant d'une femme de pouvoir extraordinaire luttant pour faire entendre sa voix dans un monde misogyne) que sa volonté à constamment questionner le pouvoir établi et pousser le monde à résister et jouir de sa possibilité à le contester (ce qui n'est pas un droit alloué à chaque société aujourd'hui).
Précis et incisif dans sa description du mode de fonctionnement d'un journal d'époque - et encore plus en cas d'urgence -, mettant en lumière tout le chaînon productif de cette mise en valeur de l'information (des ouvriers d'imprimerie aux journalistes en passant par les livreurs), magnifiée par un casting impliqué et une mise en scène limpide et inventive; Pentagon Papers est un exposé sans la moindre fausse note, un diamant à l'état brut, nécessaire et en tout point formidable.




L'immense Les Hommes du Président à son nouvel héritier, et Spielberg, conteur merveilleux de l'impossible, ajoute une nouvelle ligne d'exception au sein d'une filmographie qui transpire tellement la perfection que s'en est presque indécent.
Une énième leçon de cinéma, en attendant la prochaine prévue pour le mois de mars - Ready Player One.





Jonathan Chevrier